Les américains et l’ISI ont toujours su où était Ben Laden (XXIII)
L'intense activité diplomatique qui précède le raid entre les USA et le Pakistan dissimule quelque chose d'important, le relevé de ces contacts qui frisent la frénésie est là pour nous le prouver. L'accent mis sur le seul réseau Haqqani, par les américains est à la fois suspect et fort révélateur : l'homme a été jadis invité à fouler le tapis rouge de la Maison Blanche, sous l'ère Reagan, et il est désormais présenté comme un paria dont il vaudrait mieux se débarrasser au plus vite. Tout, dans l'attitude des USA dans les semaines qui précèdent l'annonce du "décès" de Ben Laden, sent la signature du solde de tous comptes avec ceux qui ont été longtemps leurs alliés au moment de la présence soviétique en Afghanistan. L'administration Obama semble avoir choisi de se débarrasser, par la force s'il le faut, des anciens alliés des USA, devenu d'encombrants personnages incontrôlables, certains (Abdul Kabir) pratiquant même désormais l'attaque de banque façon western en Afghanistan. Et les USA négocient avec le pouvoir pakistanais la révélation de l'implication de l'iSI dans la protection des talibans et d'Al-Qaida, ce dont ils ont désormais la preuve, comme ils possèdent la preuve de celle, jadis, de la protection de Ben Laden. Reprenons donc en ce mois d'avril 2011...
20 avril (à peine 11 jours avant le raid !!!) : l'amiral Mike Mullen, après sa déclaration incendiaire, encore lui, rencontre de nouveau le général Khalid Shameem Wynne et le général Kayani. C'est la seconde rencontre avec de très hauts gradés pakistanais : les américains leur apprennent une nouvelle fois qu'ils savent, pour Ben Laden et Pearl. Wynne, général 4 étoiles, est le Chairman Joint Chiefs of Staff Committee nommé directement par Zardari, et c'est lui qui a mené les combats dans les zones tribales. Il dirige aussi la School of Infantry and Tactics de Quetta. Visiblement, il se passe quelque chose entre les responsables des deux armées, qui se rencontrent bien souvent les semaines qui précèdent le raid : un événement, ou une nouvelle cruciale, fait l'objet de leurs réunions à répétition. Mullen réédite sa critique de l'ISI pour la deuxième fois : "Mullen a salué la coopération entre les États-Unis et les troupes pakistanaises à travailler ensemble pour lutter contre le réseau des militants d'Haqqani qui cible les forces de l'OTAN dans le contexte afghan et a reconnu "la tension" provoquée par des liens entre des insurgés et l'ISI. "Haqqani est certain d'être confronté à une période beaucoup plus difficile maintenant," Mullen déclare aux journalistes, selon un article publié sur le site. "Tout cela étant dit, nous travaillons toujours grâce à l'appui militaire du Pakistan, aux liens et les relations avec l'agence de renseignement pakistanaise, avec la tension que crée le réseau Haqqani. Le réseau Haqqani est un allié d'Qaïda dirigé par le seigneur de la guerre afghan Sirajuddin Haqqani et il est basé dans la région du Nord Waziristan". En fait, les américains vont profiter de la situation pour s'en prendre à celui qui a été jadis leur meilleut allié, et qui a foulé les tapis de la Maison Blanche.
Haqqani est présenté dans tous les médias US comme ayant des liens étroits avec Ben Laden (dès 2001) il est visé par une plainte US de sanctions contre Al-Qaida), il s'est surtout distingué dans l’attentat contre l’ambassade de l’Inde à Kaboul, en 2008, et à lors de la tentative d’assassinat du Président Karzaï au cours d’un défilé militaire, dont beaucoup pensent que des mercenaires de Dyncorp chargés de sa protection auraient été au minimum négligeants... sinon complices.
« Le réseau Haqqani (…) a agi comme une véritable arme pour l’Inter-Services Intelligence. (…) Avec le soutien de l'ISI, des membres du réseau Haqqani ont préparé et commis l'attentat au camion piégé (du "premier" 11 septembre) ainsi que l'attaque de l'ambassade [de Kaboul] (…) Nous disposons en outre d'informations crédibles selon lesquelles ils sont derrière l'attentat du 28 juin contre l'hôtel Intercontinental (le Serena*) et une série opérations plus modestes mais efficaces. » précisera Mullen. Haqqani, leader du Harakat-ul-Moudjahiddin est la nouvelle bête noire des américains, comme l'écrit Slate... est un de leurs anciens alliés, pourtant : il faisait partie de la délégation reçue en grande pompe à la Maison Blanche par Ronald Reagan !!! Obama, visiblement, souhaite se débarrasser de l'héritage de ses prédécesseurs (le 24 juillet 2011, une frappe de l'Otan décimera d'un coup 80 membres du réseau, 21 ayant été annoncés d'emblée) ! Les américains, en avril 2010, ont décidé de tirer un trait sur leurs anciennes relations sulfureuses avec les talibans. Le journal indien The Indian Express raille les relations du "drôle de couple Mullen-Kayani"...
Car d'autres photos compromettantes sont connues, d'Haqqani, notamment deux d'entre elles. Une en compagnie du Brigadier Yasub Ali Dogar, un membre de l'ISI, et une autre avec le général pakistanais Hamid Gul Dogar, en qualité de responsable des entraînements militaires des opposants au régime russe afghan réfugiés au Pakistan, s'est occupé successivement des troupes d' Hekmatyar, de celles de Massoud, de Rabbani, de Gillani et même de celles du Mollah Omar. Dogar sera l'un des premiers à dénoncer la présence de près de 700 personnels de Blackwater répartis à Islamabad, Peshawar et Karachi, répartis dans 228 bâtiments. Preuve d'une collusion évidente entre la CIA... et l'ISI. En mars 2010, des Talibans du punjab appellés "Asian Tigers" une fraction du Lashkar-e-Jhangvi sont censés l'avoir pris en otage et exécuté, au Waziristan, en compagnie de Khaled Khawajan Khalid Khawaja (surnommé le "colonel Khawaj", ancien pilote et chef d'escadron de l'Air Force pakistanaise, mais aussi ex-agent de l'Inter-Services Intelligence ou ISI) et d'Asjad Qureshi, un journaliste anglo-pakistanais. Ils enquêtaient sur les tirs de drone dans le secteur. Voilà ce que j'en avais dit ici : "avant la chute du régime taliban, participe aux négociations confidentielles entre les États-Unis et le régime taliban. Il aurait été proche, selon l'Asia Times, de l'homme d'affaires Mansoor Ijaz (en), « un citoyen américain d'origine pakistanaise avec des liens étroits avec l'aile droite du Parti républicain ». Ijaz aurait été en cours de négociations avec les talibans pakistanais" nous apprend Wikipedia. Le puzzle que j'évoquais se met en place...
"Pour ajouter à la confusion, le deuxième prisonnier important d'Usman Punjabi se faisait appeler le"colonel Imam", dont le vrai nom est Sultan Amir Tarar, et qui, dans les années 1970-80, avait organisé des camps talibans financés par la CIA pour lutter contre l'occupation soviétique de l'Afghanistan. Tarar travaillait effectivement depuis longtemps pour la CIA. Parmi ses bailleurs de fonds on trouvait au Congrès, on trouvait l'américain Charlie Wilson (le fameux D-Tex et le grand artisan du soutien des États-Unis aux moudjahidins afghans) et parmi ses liens le nonmoins fameux Mollah Omar (on semble à nouveau l'avoir "perdu" depuis quelques jours, encore une nouvelle risible !), qui est devenu le chef des talibans dans les années 90... Wilson avait tissé des liens étroits avec Tarar, et soutenait également le redoutable Djalâlouddine Haqqani, dont la famille est celle qui aujourd'hui pose le plus problème dans la région.Tarar, comme Ali Mohammed avait été entraîné à Fort Bragg, N.C. Or il est clairement accusé aujourd'hui, alors qu'il est en retraite, de soutenir les talibans afghans. A l'époque de Wilson, le réseau Haqqani c'était "les bons talibans"... que les USA arrosaient de dollars et d'armes. Ce sont bien les USA qui ont créé leurs propres Frankensteins... (l'épisode à se gondoler du rachat des lance-missiles Stinger concernait avant tout le groupe d'Haqqani)".
Tarar avait dénoncé une présence américaine évidente au Pakistan et en avait relevé les installations précises, citant notamment... Tarbela, et la possibilité d'actions à partir de Jalalabad, en Afghanistan, avait relevé le journaliste Jeremy Scahill : "selon certaines sources, les Etats-Unis ont aussi acheté une grande partie des terres à Sihala où est apparemment établi un camp d'entraînement militaire secret, à côté de l'Académie de police à quelques kilomètres d'Islamabad et de Kahuta. "En 2006, les États-Unis ont acquis un terrain à proximité de Tarbela, en vue de construire une base militaire », ont-ils ajouté. Selon les témoignages, les États-Unis a ouvert une unité du JSOC au Baloutchistan d'où les Marines sont peuvent venir via Islamabad. Des Marines ainsi que des contingents lourds de Blackwater (total 11 000 personnes) ont été repérés dans le Baloutchistan. En collaboration avec le BLA et le BRA, ils effectuent la plupart du temps des assassinats ciblés. Quatre bases aériennes au Baloutchistan ont été loués à l'armée américaine en Septembre 2001 et ces bases de Jacobabad, Pasni, Dalbaldin et Shamsi sont encore en utilisation. C'est maintenant un secret de polichinelle que la base aérienne de Shamsi est utilisée par des drones américains, où Blackwater a été embauché pour le chargement des missiles Hellfire et des bombes guidées par laser de 500 lbs sur les terroristes.
Une installation similaire est en cours d'exécution à Jalalabad, une base aérienne capable de frapper des cibles au Pakistan". Le 30 avril 2010, "on" résolvait le cas de Tarar ", le Colonel Imam", et de deux de ses invités. Une vidéo réalisée par les talibans et le chef du dirige le groupe Tehrik-e-Taliban Hakimullah Mehsud sera censée montrer son assassinat à coups de pistolet par le groupe taliban. Un fake (grossier) de plus. Le floutage ne permettra en rien d'affimer que c'était bien lui, tout au contraire, car il est méconnaissable sur la première partie de la séquence, en clair. En prime, Mehsud avait été déclaré tué par un drone le 5 août 2009, une mort confirmée par le Maulvi Omar, lors de sa capture le 18 août 2009 au nord-ouest du Pakistan. Mehsud, rappelons-le avait été accusé d'être responsable de la mort de Benazir Bhutto par Michael Hayden, alors responsable de la CIA sous G.W.Bush ! Encore une fois, les studios de montage d'IntelCenter et leurs relais médiatiques, à savoir le MEMRI et SiteGroup, avaient été mis à contribuer pour faire circuler ce fake grossier.
Une fin pour des anciens de l'ISI dénonciateurs du système de collusion avec la CIA, quej'avais ainsi décrite : "Selon les témoignages, Khawaja a aussi avoué que les hauts commandants talibans étaient des espions de l'ISI et qu'ils donnaient leur accord pour collecter des fonds. « J'ai apporté ici une liste de 14 commandants et visant à les dénoncer dans les milieux militants ... Abdullah Shah Mazhar, Fazlur Rahman Khalil, Masood Azhar et les organisations jihadistes comme le Lashkar-e-Taiba, al-Badr, le Jaish-e-Mohammad, l' Harkatul Mujahideen, etc, les moudjahidines de Jamiatul, fonctionnent avec la coopération financière des services secrets pakistanais et qu' ils sont autorisés à recueillir leurs fonds à l'intérieur du Pakistan", avait déclaré Khawaja. Retrouvé raide mort avec les trois autres". Tous ces groupes dénoncés impliqués dans le meurtre de Pearl ! A noter que le secteur décrit est celui de Miranshah, ou de biens curieux espions suisses se feront piéger à Spilga, à 12 km de Miranshah), et qui recevra la visite d'un dénommé... Mohamed Merah,venu en "touriste" à cet endroit fort particulier, selon Éric Pelletier et Jean-Marie Pontaut ("il s'est servi à cette époque d'un numéro de téléphone semblant « avoir été utilisé pour contacter les terroristes du Harkat ul-Mujahidden (HUM), un mouvement créé au Cachemire pour lutter contre l'Inde », affirment les auteurs").
22 avril : Contre attaque médiatique pakistanaise qui annonce avoir repris possession de la base aérienne de Shamsi auparavant occupée par la CIA, et aux forces américaines. Les américains, priés d'aller se faire voir pour avoir espionné via Davis les sanctuaires talibans, brûlent sur place leurs équipements informatiques. La tension est très vive entre les deux pays, des manifestations ont lieu au Pakistan contre la présence américaine, avec en cause le nombre de tués par drones. Le départ des américains de la base est clairement perçu comme un signe d'apaisement volontaire de leur part. Ils souhaitent trouver une solution avec les militaires pakistanais... et résoudre définitivement dans le calme le cas de Ben Laden, celui de Pearl étant impossible à régler dans l'opinion, qui réclamerait une guerre, pas moins, avec le Pakistan.
26 avril : Washington critique une nouvelle l'armée pakistanaise et son manque d'efforts sur la lutte contre le terrorisme : elle peut le faire, elle a désormais la preuve que Ben Laden était bien chez eux... en 2002 et que c'est bien l'ISI qui a tué Pearl.
26 avril (à peine 5 jours avant le raid !!!) : Le général Petraeus, pressenti pour diriger la CIA à la place de Léon Panetta, rencontre le général Kayani. C'est la troisième rencontre entre pontes des deux armées, preuve que les esprits s'échauffent des deux côtés, et que la solution diplomatique semble difficile à trouver, ou bien que la sortie commune, obligatoirement, du cas Ben Laden, s'annonce difficile à résoudre. Qui va endosser quoi, et jusqu'à quel point, tel est tout le problème. Le raid prévu serait humiliant pour les pakistanais , mais c'est cela où avouer avoir héberger le leader terroriste.
26 avril : Une réunion express des chefs d'état-major pakistanais se tient à Rawalpindi, une semaine avant la date prévue normalement au siège de l'état-major interarmées. Le branle-bas de combat est visible chez les responsables du pays : les américains vont intervenir, mais comment, cela reste à déterminer semble-t-il : les pakistanais craignaient au départ un raid sur leurs têtes nucléaires. Mais les rencontrent avec les américains ont levé leur craintes : ils ne souhaitent que se débarrasser du problème Ben Laden, à leur façon, ce qui leur ouvre une porte de sortie facilitée. Leur manque de prostestation évident qui a suivi le raid a étonné tout le monde et validera la formule et l'accord passé. Les américains souhaitaient leur éviter une humiliation véritable, en les dégageant d'une proximité immédiate avec le leader terroriste. Ils devenaient simplement... incompétents pour ne pas avoir su où il se cachait.
27 avril : Le Wall Street Journal continue aux Etats-Unis le travail de sape, et rapporte que le Pakistan tente de pousser l'Afghanistan hors de l'influence des États-Unis et de l'attirer dans l'orbite de la Chine. L'accusation est grave et met en fureur les pakistanais, selon la presse américaine : en somme, le teasing d'une relation conflictuelle continue : il faut le créer afin de mieux faire absorber l'idée d'un Pakistan ayant protégé Ben Laden.
28 avril : Obama nomme le général Petraeus à la tête de la CIA. On notera que lors de la célèbre photo de l'équipe d'Obama regardant en direct paraît-il l'attaque de la villa d'Abbottabad, il y était bien, mais recalé au fond de la pièce (la "Situation Room") Un Petraeus désormais fort discret depuis un an... tout en continuant de faire appliquer l'élimination systématique des talibans ou des leaders restants d'Al-Qaida.
28 avril : le même jour, Obama choisit l'option du raid par hélicoptère parmi celles proposées. Selon les thèses officielles, Robert Gates et Joe Biden auraient exprimé leur désaccord,notamment sur le fait que ce n'était pas sûr que ce soit Ben Laden qui aît été l'habitant principal de la villa ("50% de chance" dit-on).. Gates aurait proposé.. un bombardement "précis" à savoir au laser (et à savoir donc aussi avec une illumination laser venue... d'un commando au sol ! L'idée d'un tel déploiement de forces pour une cible dont on n'était même pas sûr est une abberration complète : sans s'en rendre compte, les américains ruinent l'idée comme quoi la CIA aurait fait un superbe travail d'investigation sur le terrain. En fait ces "révélations" tardives proviennent d'un livre sorti un an après : "Manhunt. The Ten-Year Search for Bin Laden, From 9/11 to Abbottabad" de Peter Bergen. C'est lui ,qui est membre comme Schmidle de la New America Foundation, qui avait produit la première interview de Ben Laden en 1997 ! Bergen, outre le coup du 50-50 ajoute dans son livre un autre élément ridicule : "le risque de rencontrer une patrouille de l'armée pakistanaise à Abbottabad était considérable" tient-il à ajouter. A se demander à quoi auraient servi toutes les réunions qui ont précédé avec les pakistanais.... L'autre problème étant la crédibilité : les deux photos des deux interviews donnés soi-disant par Ben Laden en 1997 à Peter Bergen et Hamid Mir ont été largement trafiquées : la première avec un fond de mur créé de toutes pièces, l'autre par un couper-collé grossier de la tête du leader d'Al-Qaida...
29 avril : Barack Obama signe l'ordre d'attaquer la villa d'Abbottabad, afin de montrer aux pakistanais qu'il sait, pour Ben Laden et Pearl, et qu'il va en faire ce qu'il veut, de l'information cruciale.Très certainement, la CIA et l'ISI se sont entendues sur ce qui est un raid prévu et annoncé à l'avance : tout le quartier a été éteint sciemment, seule la villa concernée est éclairée, pour faciliter son repérage. L'ISI se débarasse par la même occasion d'un leader taliban devenu ingérable pour elle (devenu pilleur de banque en Afghanistan !), comme elle le fait avec les attaques de drones qui avaient été négociées entre Musharraf (**) et John Negroponte (l'ami d'Oliver North, l'homme des exploits de la CIA au Honduras, avec des assassinats à répétition), ce qu'il ne faut pas oublier. Le pouvoir pakistanais a toujours agi ainsi : fermant les yeux sur la présence des talibans, comme fermant les mêmes yeux sur leur élimination par d'autres qu'eux. Ce n'est pas Ben Laden, qui est visé, puisqu'il est déjà mort, mais L'ISI se félicite plutôt de la disparition de la cible concernée. Il faut bien accepter le deal des USA, maintenant qu'Obama sait qui a tué Pearl. Tout doit être fait pour que cette satisfaction ne transparaisse pas, côté pakistanais. Ce sera fait à coups de grands discours nationalistes sur l'ingérence US sur le territoire.
30 avril : le général Kayani, a qui visiblement les USA ont signifié qu'ils agiraient bientôt exprime une menace voilée dans son adresse à la "Youm-e-Shuhada" sa conférence traditionnelle : "Le Pakistan est un pays épris de paix et veut des relations amicales avec d'autres pays et chacun de nos pas doit se déplacer vers la prospérité du peuple. Mais nous n'allons pas compromettre notre dignité et notre honneur pour elle " rappelle-t-il. En somme,"nous n'allons jamais reconnaître avoir hébergé Ben Laden" prévient-il. Cela suffit semble-t-il à décider Obama d'intervenir au plus vite, conscient des divergences au sein de l'armée pakistanaise confrontée à l'ISI, il accélère le mouvement prévu.
1er mai : Quatre hélicoptères américains venus de Tarbela, avec leurs teams du DEVGRU à bord (comme ceux ici à gauche, avec leur caméra-radio sur le casque) dont deux furtifs, atteignent la villa d'Abbottabad quelques minutes plus tard. Les américains, dans leur scénario, ont profité de l'occasion pour placer leur camelote militaire préférée. L'idée est d'effectuer une fausse opération, d'éliminer au passage un leader taliban gênant en affirmant qu'il s'agît bien de Ben Laden, pour se débarrasser définitivement du problème de de dernier. Les pakistanais sont pris au piège et n'ont aucun moyen de le nier, à moins d'avouer l'avoir hébergé pendant des années. L'attaque ne les a pas pris de cours, comme on vient de le voir. Mais elle ne se passe pas comme prévu et l'hélicoptère s'écrase dès l'arrivée, rééditant l'expédition Eagle Claw. Il ne semble pas que l'armée pakistanaise ou l'ISI ait été en quoi que ce soit responsable de ce qui semble bien être un accident fortuit. C'est au tour d'Obama d'être pris au piège ! Retournement de situation inattendu pour les pakistanais. Mais ces storytellers du Pentagone ont tout prévu, en particulier avec la "découverte" de Ben Laden, telle qu'elle avait été prévue au départ, qui devient le lendemain la seule idée restante d'un énorme fiasco réécrit pour la circonstance. L'objectif de départ de l'opération est maintenu : vendre à la presse et aux médias ce que Davis a découvert, mais qu'on ne peut montrer tel quel. Le but du départ était de supprimer la carrière médiatique d'un cadavre, inutile de ramener ce cadavre, puisque pendant 9 ans on a dit qu'il était encore vivant. Les pakistanais ne révèlent pas le nombre de commandos tués, sous peine toujours de la menace de se retrouver avec devant le nez les preuves ramenées par Davis de la protection dont a bénéficié Ben Laden après Tora Bora, et de l'entretien depuis 9 ans de sa saga fictive, et surtout avec celles du décès de Pearl. Les deux partis se tiennent par la barbichette, désormais.
2 mai : les différentes versions du raid apparaissent, dès le lendemain du raid, et commencent à se mélanger les pinceaux : tout n'est pas si bien huilé que ça, le désastre d'emblée à tout bousculé. Le sort des victimes américaines est l'objet de discussions intenses entre les USA et le Pakistan. Les corps des Marines deviennent une monnaie d'échange pour ne pas charger plus que cela la barque de l'ISI. Les pièces de l'hélico restantes (un S-92 furtif) sont l'objet de la même absence de débat, les américains se contentant de demander de les rendre, tout en sachant que d'autres les examineront, dont les chinois, proches des pakistanais. Mais après Eagle Claw, bien trop traumatisant pour l'opinion américaine, il ne peut être question de parler d'échec ou de montrer des photos de corps carbonisés. Sur le réseau, les textes apparaissent aussitôt aux USA comme quoi les pakistanais auraient très bien pu "ne pas savoir", pour la présence de Ben Laden à Abbottabad, selon l'histoire imposée par les américains. Visiblement, on les ménage... avec ce qui vient de se produire, les américains se retrouvent obligés de le faire davantage que prévu. On est sur le chemin de l'apaisement, les deux se débarrassant d'un problème qui finissait par les handicaper (le Pakistan comme les USA évitant les allusions dans la presse au sort de Pearl : le dossier sorti en janvier par le Center for Public Integrity n'a droit a aucune publicité extérieure : on peut parler d'étouffement du dossier dans les médias). Il est déjà détourné, les américains rendant le Sheilk Mohammed seul responsable des tueurs (il affirmera avoir découpé le corps lui-même, entre deux de ses noyades déguisées sur les 183 qu'il subira (en un seul mois, celui de mars 2005 ! ). Les deux partis ont trouvé une porte de sortie qui ne lèse pas leurs intérêts, l'échec de l'expédition US redonnant plus d'espoir aux pakistanais qui sont certains au soir du 1er mai d'éviter la honte et la vindicte mondiale. Et effectivement, la pilule passe parfaitement dans les médias, qui ne posent que bien faiblement aprés le raid la question de la responsabilité du Pakistan dans l'hébergement de Ben Laden... jusque 2011, selon la version communément affichée par les deux pays.
Après le 2 mai : La chose qui surprend le plus les américains (ou plutôt le monde entier) est de n'avoir aucune photo du corps de Ben Laden. Les seules disponibles d'un corps sont celles trouvées par Davis (ou son correspondant), et elles remontent à 2002. Or le gouvernement de G.W.Bush a exploité jusqu'en 2008 des montages vidéos qui ont donc été trafiqués : le reconnaître faisant remonter le doute jusqu'au 11 Septembre 2001, pas moins, il est impossible de les montrer. On résoud de se débarrasser du problème avec une histoire d'immersion sans images à montrer. Le storytelling mettant le paquet sur le côté secret de l'affaire, et ce, à outrance ("seule une équipe restreinte autour du président était au courant"). Histoire de pas "pouvoir" montrer de preuves réelles. Au passage, on se trouve un député US pro-Bush, James Inhofe ; pour assurer qu'il a vu la tête explosée de Ben Laden et que c'est trop horrible à voir, bien sûr. L'homme avait été bien choisi, ayant été un promoteur zélé de la chasse au terroristes, à qui montrer des clichés du corps de 2002 aurait dû suffire pour le calmer. Pour beaucoup, ce n'est autre que le "Senator Joseph McCarthy of the day".Jadis, en pleine guerre du Viet-Nam, il avait demandé à ce que Jane Fonda et MacGverne soient pendus ! Lors des débats sur les agissements d'Abou Ghraïb, il avait soutenu la torture qui y était exercée ! C'était ça, pour lui (et d'autres républicains), ou reconnaître devant les américains que les clowns sur fond bleus montrés par Bush dans sa campagne électorale étaient un montage de vieilles séquences modifiées. Obama est décidément un fin tacticien en politique ! Le 4 mai, au comble de la bêtise, certains sénateurs, en voyant le fake grossier inventé sur Internet par un plaisantin prendront la photo trafiquée pour la réalité.... ainsi le Sénateur Saxby Chambliss, pourtant membre de l'Intelligence Committee, chargé de contrôler les services secrets US !!! John McCain, se montrera plusq intelligent, en affirmant qu'on ne lui avait rien montré. Son collègue républicain Kelly Ayotte clamera "avoir vu la photo lors de la conférence de presse donnée par Léon Panetta"... ou aucune photo n'avait été montrée !
Le 4 mai : Washington, contre toute attente, annonce qu'il maintient son aide financière militaire au Pakistan. L'annonce est l'occasion d'un vrai festival de langue de bois : "le Congrès américain a débloqué 20 milliards de dollars pour le Pakistan sous forme d'aides directes et d'aides militaires pour aider en partie Islamabad à lutter contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre. Toutefois, ces aides subissent un contrôle strict du fait que Oussama Ben Laden se cachait au Pakistan depuis plusieurs années. Le chef de la CIA Leon Panetta a déclaré mardi que les Etats-Unis avaient tenu le Pakistan à l'écart du raid lancé contre Ben Laden, par crainte que ce dernier ne donne l'alerte. Dirigées respectivement par Syed Athar Ali, secrétaire pakistanais à la Défense, et Michele Flournoy, sous-secrétaire américain à la Défense, les deux délégations ont déclaré que la récente opération anti-terroriste qui a abouti à la mort de Ben Laden démontrait l'importance de la coopération dans les efforts des deux pays de combattre le terrorisme." Difficile d'expliquer ça sans une contrainte pour les USA... comme difficile d'imaginer que toutes les rencontres qui ont précédé le raid aient toutes évité le sujet !
Le 4 mai : le vigillant Taike Ailée, sur Agoravox, affirme parmi les premiers que Daniel Pearl a bien été assassiné par l'ISI et non par Al-Qaida, en reprenant les dires étonnant d'Alexandre Adler, jusqu'alors fidèle chien de garde de la thèse officielle du 11 Septembre et de l'assassinat de Pearl. Le journalisme citoyen fait avancer les mentalités, et comme l'a dit l'auteur, nous pouvons être aussi conspirationnistes si l'on pense détenir des informations jugées de la sorte par des individus qui manipulent les faits, le tout étant d'argumenter et de proposer des éléments de réflexion ;
FLe 8 mai : Obama se rend sur la base de Fort Campbell dans le Kentucky pour y décorer les commandos qui ont participé au raid. En fait, il vient remettre... une médaille, celle de la Presidential Unit Citation à l'Unité entière et non à des individus en particulier. On ne lui présente d'ailleurs personne à décorer en particulier. A droite, chez les républicains, on l'accuse clairement de faire de la récupération électoraliste.
Le 10 mai : en apprenant qu'un envoyé US allait se rendre au Pakistan pour apaiser les tensions, le président de la Chambre des représentants, John Boehner, déclare sur NBC : « Je vois (le Pakistan) comme un allié. Mais il y a des questions qui demeurent sur ce qu'ils savaient ou ne savaient pas au sujet de la présence de ben Laden dans leur pays ». « Allons-nous travailler ensemble ? Si oui, soit vous êtes complètement avec nous, soit vous ne l'êtes pas », prévient-il. Il ignore donc totalement ce qui s'est passé exactement.
Le 16 mai : Reste le problème des victimes US. C'est le monsieur bons offices des démocrates, l'inusable négociateur John Kerry, ancien candidat malheureux à la présidence (qui s'était fait battre par une manipulation informatique de dernière heure !) qui est envoyé pour négocier leur retour aux pakistanais, présentés par la presse comme étant en fureur du raid du commando US. Il y était déjà allé en mars pour négocier la libération de Raymond Davis, comme on a pu le voir. Interrogé sur ce qu'il comptait dire aux responsables pakistanais, M. Kerry a répondu : « tous les sujets pertinents sont sur la table, et il y en a beaucoup ». « Il y a de sérieux problèmes, des questions sérieuses que nous devons résoudre ensemble. Et notre intérêt et le leur, je pense, sont bien servis si nous travaillons à résoudre ces difficultés », a ajouté le sénateur." Le langage diplomatique toujours. Reste à trouver une méthode pour récupérer les dépouilles des commandos, renvoyées dans un premier temps par les pakistanais en Afghanistan, en juillet. Le langage de Kerrry ne dit rien d'autre, car logiquement les seuls à avoir intérêt à négocier quelque chose étaient les pakistanais, pas les américains, au départ : pour eux, de ne pas être totalement humiliés par ce qui a bien été une ingérence complète sur leur propre sol.
Le 17 mai, les américains annoncent "réduire leur présence au Pakistan", ce qui a dû faire l'objet du deal des nombreuses négociations d'avant le raid : les pakistanais ont obtenu une porte de sortie inattendue avec le crash, et ils profitent de l'aubaine pour accentuer leur pression sur le départ américain. Mais le chiffre de départ donné est particulièrement bas au regard des troupes mises en place les années précédentes. Tout est présenté comme si une fois Ben Laden éliminé, il n'y avait plus d'autres dangers dans la région. A se demander le pourquoi d'une si importante présence de drones, alors. Et pourquoi leurs tirs meurtriers continuent. Le 6 juin 2012, c'est au tour du libyen d'origine Mohamed Hassan Qaïd, alias Abou Yahia al-Libi (**) d'être éxécuté par un missile tiré d'un drone. L'homme était depuis longtemps en cheville avec les américains : il avait réussi à s'échapper de la prison de Bagram, au milieu de plus de 12 000 soldats US.
Le 6 août, l'administration US et les pakistanais s'étant mis d'accord sur une remise des corps des victimes, on peut annoncer un crash mystérieux dont on n'aura aucune photo ayant provoqué la mort de 22 Navy Seals. Il y a même un chien et son maître- John Douangdara- parmi les victimes (en photo il s'agît du texan Matt Mills, âgé de 36 ans, photographié à bord d'un MD530) ! Le même nombre que celui à bord du S-92 qui s'est écrasé à Abbotttabad. C'est la perte la plus importante qu'ai jamais subi en une seule fois le Naval Special Warfare Development Group (DEVGRU). On n'en saura pas plus : "quand ils sont tués, aucune annonce publique n'est faite dans leurs villes natales. Pas de sanctuaires improvisés, pas de fanions aux devantures ou devant les jardins. Pas de foule jonchant les rues pour saluer leurs cercueils entourés du drapeau" résume avec justesse Le Los Angeles Times. Le silence des Seals, légendaire, est bien pratique. Très peu feront le rapport entre cette perte exceptionnelle et le raid raté d'Abbottabad : c'est pourtant bien là que réside la clé de l'énigme. Les pertes d'Abbottabad ont été proprement et simplement escamotées. Le second Eagle Claw est vite effacé des tablettes : il y va de la survie électorale d'Obama. C'est un fait indéniable : un second Eagle Claw et il pouvait dire adieu à sa réélection !
Le 8 août, pour mettre fin au plus vite aux spéculations sur la mort des commandos dans le Chinook fictif afghan, le New-Yorker sort la version considérée comme définitive du raid d'Abbottabad, répartie sur les sites internet du monde entier, signée du fils du responsable de la lutte cybernétique aux USA. "Aucun Marines n'a été tué ni même blessé", bien entendu, dans l'opération et "le corps de Ben Laden" a été "emporté", puis "jeté en mer". Le scénario de sortie du personnage est presque parfait, si Schmidle (qui en a berné plus d'un) n'avait pas accumulé les contre-vérités et les approximations. Obama réussit à la fois à faire passer un Eagle Claw bis comme une réussite, et à se débarrasser d'un problème complexe datant de plus de vingt ans, hérité de ses prédécesseurs. Il fait coup double, avec une adresse politique démoniaque. Il n'y a pas, c'est du très grand art !
(*) Saïd a été supprimé pour ne pas avouer aux Etats-Unis les liens entre l'ISI, Al-Qaida et les talibans : "Le 5 avril, dans un article intitulé "A Certain Outcome for Pearl Trial : Death Sentences Expected, Despite Lack of Evidence", NBC a rapporté : "Certains aussi dans le gouvernement pakistanais sont très inquiets de ce que Saïd pourrait dire devant le tribunal. Son organisation et les autres groupes militants ont ici des liens avec l'agence des service secrets pakistanais [l'ISI]. Il y a des inquiétudes qu'il pourrait essayer d'impliquer cette agence gouvernementale dans l'affaire Pearl, ou autres affaires douteuses qui pourraient être pour le moins embarrassantes."
Les américains, qui avaient besoin de Musharraf pour continuer à contrôler le Pakistan, l'ont laissé tuer Saïd et on couvert ensuite son meurtre : "Le 3 mars, le Secrétaire d'Etat Colin Powell a exclu tout lien entre "des éléments de l'ISI" et les meurtriers du journaliste Daniel Pearl. Le Guardian a été l'une des rares voix à interpeller Powell sur ce mensonge évident et à dire que le commentaire de Powell était "choquant", étant donné les preuves accablantes montrant que le suspect principal, Saïd Cheikh, travaillait pour l'ISI : "S'il était extradé vers Washington et qu'il était décidé à parler, toute cette histoire serait dévoilée. Sa famille a peur. Ils pensent que Saïd pourrait être traduit devant une cour d'exception et exécuté pour empêcher que l'identité de ses commanditaires ne soit révélée". Une semaine avant que Powell ne fasse son commentaire, même son collègue à la Défense, Donald Rumsfeld "a reconnu que des rapports montraient qu'Omar Cheikh pouvait avoir été un "agent" de l'ISI."Les américains savaient déjà quel rôle jouait l'ISI.

Ce que Adler ne se demande pas (au moins à voix haute et devant le grand public), c'est pourquoi il a fallu attendre presque dix ans pour que des informations parues la première fois en octobre 2001 en Inde et au Pakistan (puis quelque peu en Occident) commencent à se diffuser, certes encore très timidement, et par un simple sous-entendu de sa part. Et aussi pourquoi les Etats-Unis ont décidé de cacher cette connexion entre Ben Laden et l'ISI après le 11-Septembre. C'est peut-être bien pour ne pas avoir à répondre à ces questions embarrassantes qu'Adler n'a fait que suggérer le savoir "tout à fait essentiel" de Daniel Pearl, sans le dire explicitement (ce qui n'aura sans doute pas fait tilter la plupart des téléspectateurs). Dans une hypothèse "non conspirationniste", on devrait au minimum se dire que l'administration Bush a caché une part de la vérité et l'identité de certains responsables, afin de pouvoir instrumentaliser le 11-Septembre dans le sens de son agenda guerrier fixé avant les attentats - selon le plan établi par le PNAC.
Mais il est remarquable de noter que c'est une des plus emblématiques figures de l'ISI qui a été l'une des toutes premières personnalités, si ce n'est la première, à accuser le Mossad et ses associés américains d'avoir perpétré les attentats du 11-Septembre. Le 26 septembre 2001, Hamid Gul, directeur de l'ISI à la fin des années 1980 (et alors proche de la CIA), accorde un entretien à Arnaud de Borchgrave pour United Press International. Il affirme que Ben Laden, qu'il connaît bien, n'avait pas les moyens de mener une telle opération (reprenant, notons-le, l'analyse à chaud, le 12 septembre 2001, de Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz, selon laquelle un Etat - l'Irak - avait nécessairement appuyé l'opération). Le 7 octobre 2001 commencent à sortir dans la presse des articles sur le financement du 11-Septembre par le directeur de l'ISI Mahmoud Ahmad. Curieuse coïncidence. Gul a-t-il voulu faire diversion ? De toutes façons, l'information ne sera jamais utilisée - par les Américains notamment - pour nuire au Pakistan, elle sera, au contraire, superbement ignorée et contournée.
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