Les bandes de jeunes délinquantes : entre préjugés et réalité
Les bandes de jeunes sont réputées pour leur agressivité, leur hostilité et incarnent la dangerosité dans les quartiers. En effet, elles occupent une place importante dans l'actualité journalistique et suscitent ainsi la peur auprès de la population. Cependant ces jeunes ne sont pas tous aussi mauvais qu’ils n’y paraissent. L’opinion publique est faussée par les images véhiculées par les médias.
« Lisons Le Monde des 3 et 4 janvier 1960, à propos des vols de sacs à main et de bidons de lait perpétrés par des adolescents : ces jeunes « étaient vêtus de blousons noirs et de blue jeans, très exactement semblables à la déplaisante image que l’on se fait d’eux. »1 . Les actions des bandes de jeunes étaient déjà très médiatisées à l’époque des blousons noirs entre 1958 et 1961.
Qu’est ce qu’une bande de jeunes ?
D'après Marwan Mohammed, chercheur-doctorant au centre de recherches sociologiques sur les droits et les institutions pénales et spécialiste des bandes de jeunes, « À la base, une bande de jeunes est un groupe de pairs liés par l'amitié ».2 « Il s'agit d'un groupe relativement petit, avec une solide clôture contre les voisins et les étrangers – ou contre les petits groupes, de quelque manière, antagonistes – mais en revanche avec une cohésion d'autant plus forte. Contrairement à d'autres regroupements de jeunes, la bande est un but en elle-même, elle ne se forme pas pour mener une activité sportive, culturelle ou autre, ou en relation avec un milieu professionnel, elle regroupe des jeunes qui vivent sensiblement les mêmes situations sociales ou familiales. », souligne Maryse EsterleHedibel dans Les bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours 3.
Pourquoi les jeunes se regroupent-ils ?
Selon Marwan Mohammed, ce qui différencie un jeune qui va entrer dans une bande de celui qui ne le fait pas, c'est l'expérience scolaire, personnelle. En effet, nous pouvons lire dans « La violence dans l'univers des gangs : du besoin de protection à la construction identitaire masculine » de Patrice Corriveau, qu'il existe de nombreux facteurs explicatifs de l'adhésion des jeunes à des bandes, notamment l'effritement du tissu social, la perte des valeurs familiales, l'isolement social, la tendance des adolescents à admirer les modèles délinquants, l'attrait à la violence, l'imprévisibilité, une éducation déficiente, des difficultés scolaires, des complications familiales, une mauvaise estime de soi, une vision idéalisée de la vie dans les gangs, une vison noire de la réalité liée au manque d'opportunités sociales, un besoin d'intégration, un besoin de reconnaissance, le besoin d'être entendu et compris…
Ce phénomène de bande est très accentué dans les quartiers défavorisés, où le taux de chômage est élevé. Le plus souvent, ces jeunes sont perdus, ils ont des relations compliquées avec leurs familles, ils sont en échec scolaire, ils ne se sentent pas intégrés dans la société…
Quel est leur objectif ?
L'objectif de ces jeunes n'est pas tant d'être violents, mais bien de se recréer un monde où ils se sentent inclus, où ils se sentent bien et appréciés. Ces jeunes se regroupent pour trouver de l'aide, du soutien les uns auprès des autres car ils sont relativement tous dans la même situation. Ces jeunes agissent parfois en utilisant la violence car ils ont un besoin indéniable de se sentir entendus, écoutés et de prouver qu'ils existent. Finalement, ils transgressent les règles de la société avec laquelle ils se sentent en conflit. Comme l'explique Monsieur Mohammed dans le documentaire « Les bandes, le quartier et moi »4 : « dans la tête de ces jeunes, une fois qu'ils ont fait parler d'eux, c'est du prestige, c'est du pouvoir, c'est de l'estime de soi et c'est pour ça que d'une génération sur l'autre ça continue et parfois ça s'aggrave. Cette aggravation est due à une logique de surenchère. ». Ce dernier affirme que ces embrouilles n' apportent pas d'argent aux jeunes qui en sont les acteurs et qu'ils n'ont aucune revendication. Ce sont des jeunes qui se ressemblent et qui, si ils habitaient dans le même quartier, passeraient du temps ensemble. Selon lui, ces guerres de quartiers s'intègrent dans un champs de réputation très informel ou il s'agit de faire parler de soi, de son groupe ou de son quartier et la réputation, liée aux embrouilles, apporte un certain statut social que personne, à ce moment là, n'arrive à leur apporter : ni les familles, ni les éducateurs, ni le monde professionnel, ni les élus…
Quel est le rôle des médias ?
Les médias ont un rôle très important et pas toujours très positif dans la création de l’image des bandes de jeunes qui est véhiculée. Par ailleurs, l’extrait « Mise en scène, mise en presse » écrit par l’agrégée et docteure en histoire, Ludivine Bantigny, dans le livre Les bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours, nous permet de bien nous rendre compte de cela. En effet, en le lisant, nous comprenons que la presse et les médias en général, accentuent la réalité quand il est question des bandes de jeunes et ce depuis longtemps. L’agrégée en histoire écrit même que « dans le cadre des « blousons noirs », l’information se fait souvent déformation, l’explication, dénonciation et les moyens d’actions des moyens de répressions ». En utilisant ces mots, Ludivine Bantigny souhaite dénoncer l’injuste titre de délinquant attribué à ces jeunes. Certes, nous ne pouvons pas nier le fait qu'ils soient violents. Cependant, selon les avis des sociologues qui ont déjà étudiés le sujet, les médias exagèrent les faits et utilisent des « formules-chocs » afin de donner une réputation de délinquants, à ces jeunes, plus mauvaise qu'elle ne devrait l'être. C’est aussi l’opinion de Jean-Jacques Yvorel, un historien de la justice des mineurs, qui déclare que les jeunes se constituent en bande « pour s’amuser ». Il ajoute « qu’au cours de ces amusements » , la bande « va commettre quelques délits mais elle n'est pas structurée sur le délit »5. Laurent Mucchielli, sociologue spécialisé dans le domaine de la criminalité, affirme lui aussi que « les médias vont homogénéiser des situations très hétérogènes en alignant vers le bas »6 , c’est-à-dire que certaines bandes vont être très violentes et d’autres pas du tout, mais les médias vont toutes les catégoriser de la même manière en les jugeant toutes comme étant violentes. Ainsi les journalistes trouvent de quoi écrire et suscitent la peur de leurs lecteurs qui vont se tenir au courant des différents fait-divers pouvant se dérouler et se méfier des bandes.
1 BANTIGNY Ludivine, « Mise en scène, mise en presse », dans MOHAMMED Marwan, MUCCHIELLI Laurent (sous la direction de). Les bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours, Paris, La découverte, 2008, pages 20-24.
2 DURAND Jacky. La pratique de la séquestration est ancienne et fréquente. QUOTIDIEN PREMIÈRE ÉDITION, publié le 18 février 2006, n°7708, pages 3,4.
3 MOHAMMED Marwan, MUCCHIELLI Laurent ( sous la direction de ). Les bandes de jeunes, des « blousons noirs » à nos jours, Paris, La découverte, 2008.
4 MEDESSOU Atisso. « Les bandes, le quartier et moi ». France 5, 2010.
5 OMÉLIANENKO Irène, « Le péril jeune », réalisé par JUZA Camille, BERESSI Julie, France Culture, diffusé le 07/12/15.
6 OMÉLIANENKO Irène, « Le péril jeune », réalisé par JUZA Camille, BERESSI Julie, France Culture, diffusé le 07/12/15
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