Les Banques Centrales jouent à la Roulette Russe
Les 600 milliards de dollars achetés par la FED au Trésor Public américain n’ont pas fini de faire couler beaucoup d’encre.
.Lorsqu’on veut faire passer une mesure ou une décision on invente ou réutilise un mot ou groupe de mots qui n’a pas grand chose à voir avec la réalité mais en a l’apparence, pour faire passer la pilule dans l’opinion.
Cette fois-ci l’opération s’appelle quantitative easing. Ce qui ne se traduit pas dans la langue mais dans les faits par création de monnaie, risque d’hyperinflation et détournement (bien que légal) juridique de la procédure constitutionnelle et de la loi fédérale US avec en plus pour but avoué et inavoué selon les jours de faire chuter le dollar pour pousser les exportations américaines.
Dans les années 70 en France les licenciements massifs de la sidérurgie et des charbonnages étaient appelés « dégraissages ».
Plus récemment Alan Greenspan, alors Chairman de la FED, avait plaisamment parlé d’Irrational Exuberance à propos du marché immobilier américain en pleine crise et dont la valeur avait été multipliée par 3 en 5 ans sans aucune logique ni raison économique, financière ou même purement immobilière. En fait d’exubérance irrationnelle, il s’agissait simplement de la crise des subprime et de l’explosion du marché immobilier US qui a ruiné quelques dizaines de millions de foyers Américains et non-Américains, selon les systèmes Madoff, les systèmes équivalents ou même le plus légalement du monde.
L’effet sur la Chine du quantitative easing est au passage de diminuer la valeur de sa créance sur le Trésor US et tout simplement de réduire ses avoirs en dollars constants désormais très sous-évaluées. C’est de bonne guerre car la Chine a sous-évalué artificiellement le Yuan pendant des années.
Cependant, même si c’est de bonne guerre, cela crée des tensions internationales financières et diplomatiques lourdes qui n’échappent à aucun observateur.
La dernière nouvelle à propos de nos fameux 600 milliards de dollars achetés par la FED au Trésor US est que les Républicains qui ont pris le contrôle de la Chambre des Représentants il y a quelques jours et qui disposent désormais d’une minorité très forte au Sénat, viennent aujourd’hui de se pencher sur la transaction qui a tant préoccupé la Chine et les autres grands pays du monde la semaine dernière et oblige le président Obama à intervenir alors que théoriquement et juridiquement la FED est indépendante du pouvoir politique : ces fameux 600 milliards de dollars d’achat par la FED de bons du Trésor US.
Les Républicains contestent vigoureusement – et le font savoir - l’opportunité du mouvement de la FED et la procédure employée.
Sur le plan constitutionnel, ils ne peuvent pas agir sur la FED, sauf en en modifiant les statuts… ou en la faisant disparaitre de droit ou de fait (cela s’est beaucoup fait au XIXème siècle, voir Madison et autres) en la remplaçant par autre chose qui aurait des fonctions plus larges et étoufferait la FED la rendant ainsi inopérante.
Ce qui peut être douloureux pour l’intéressée.
La disparition totale l’étant encore plus.
Après tous, c’est le Congrès, il peut se le permettre, il a tous les Droits Législatifs en vertu de l’article I de la Constitution américaine.
Le Congrès peut aussi demander des comptes au Trésor sous formes d’auditions (hearings) publiques et médiatisées.
Il peut également s’opposer aux futures dépenses du Trésor lors du vote du budget.
Ici il s’agit d’un revenu du Trésor (la vente de 600 milliards de Treasury Bonds à la FED) mais le Congrès a l’habitude, selon le principe constitutionnel américain inspiré de Montesquieu dans l’Esprit des Lois, d’exercer pleinement l’équilibre entre les pouvoirs, le fameux Checks and Balances, de négocier des deals du genre je te tiens tu me tiens pas la barbichette : si tu vends ces Treasury Bonds, je te coupe ton budget de 10% l’année prochaine (ce que le Congrès a le pouvoir de faire).
De manière générale, le Trésor est sensible à ce type d’arguments.
Simultanément en Europe un autre évènement significatif se déroulait : la Banque Centrale Européenne veut forcer l’Irlande à accepter un prêt de 500 milliards d’euros pour stabiliser ses finances et aider à stabiliser l’Euro qui fait le yoyo sur le marché des devises depuis quelques temps. De manière surprenante l’Irlande n’y est pas favorable même s’il va bien falloir qu’elle s’y résolve. La procédure est cependant surprenante que de forcer quelqu’un ou un pays à accepter un prêt dont il ne veut pas mais donc l’acceptation va surtout servir au banquier préteur.
La dernière nouvelle qui démontre une stabilité et un équilibre étonnants des marchés financiers et de la coordination des politiques monétaires des pays du monde est le dernier G20 qui vient de se dérouler à Séoul et au cours duquel dans une grande cacophonie chacun a refusé les propositions des autres et en plus de manière humoristique leur a demandé des comptes sur leurs politiques économiques et monétaires, comme à la Chine.
Questionner autoritairement, le Second-Premier pays du monde qu’est la Chine c’est rigolo. Mais cela peut avoir des conséquences à venir douloureuses pour les questionneurs. Il faut en effet avoir les moyens de ses insolences.
Il parait que la Chine l’a assez mal pris ; qu’elle a pardonné, certes, mais que selon la bonne tradition La Chine a gardé la liste [des pays questionneurs et insolents] … au cas où…
Donc les débiteurs ne veulent plus de l’argent des banques (FED, BCE) et les banques leur en veulent pour cela.
Si on trouve dans la salle quelqu’un pour estimer que cette situation est saine (FED et Congres, BCE et Irlande, G-20 et Chine, le tout dans la même semaine) il devrait se manifester.
Une confusion généralisée ne règnerait-elle pas dans la finance internationale ?
Les institutions financières, les Etats et les groupes d’Etat perdent leur puissance, leur indépendance et ne contrôlent plus leur propres mouvements financiers désormais soumis aux inlassables vetos de leurs partenaires.
Quand 22 joueurs (G-20) de football doivent jouer leurs matchs avec des poids de 10 kilos attachés à chaque cheville, leur vélocité est en généralement réduite.
Par contre leur exaspération augmente.
Olivier Chazoule
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