Les banques, les médias, et le simulacre démocratique
Sans financement pas de candidat, sans candidat pas de retour sur investissement. Tel est l’adage cruel qui gouverne la politique vue des lorgnettes de ses bailleurs de fond. Ce qu'il est intéressant d'observer pour le spectateur avisé face au spectacle de ces élections présidentielles, ce n’est pas tant le débat démocratique -qui sommes toutes est soigneusement évité - que la mise en scène du simulacre démocratique par les médias de masse.
Je me souviens d'un professeur qui m'expliquait à l'école ce qu'était la « démocratie ». « Un système né en Grèce, quoique nous disait-il, la Grèce n’était pas une véritable « démocratie » au sens ou nous l’entendons "nous". À l’époque très peu de gens votaient. Seuls les « citoyens » votaient. Les esclaves, par exemple, n’étaient pas considérés comme des citoyens, et n’avaient pas le droit de vote. »
Deux mille ans plus tard, et quelques années après mes années lycée, les esclaves ne vont plus travailler avec un boulet au pied – impossible à trimballer dans le métro – mais avec un CDI et un SMIC. Quant au vote, seulement 1,5 million de personnes sur 66 millions ont voté à la primaire socialiste en France, et seul 58% d’entre eux (auxquels il conviendrait de retrancher les gens qui ont voté quatre fois) à voté pour le gagnant ; soit seules environ 900 000 personnes ont voté pour le candidat qui se présentera sous la bannière du « parti socialiste ». L’« élu » est censé être légitimé ensuite par une sorte de plébiscite obligatoire devant la péril du Front National mis en scène par les médias au deuxième tour de cette « présidentielle » qui n’a rien à envier à l’élection de ces chefs d’états africains élus avec 99% des suffrages exprimés une fois qu'ils ont fait emprisonné tous leurs rivaux et conduit les électeurs aux urnes avec des baillonettes. Ah ! La belle alliance populaire ! Abjecte populisme à peine dissimulé. François Hollande n’aura pas simplement déshonoré son patronyme, il aura contraint un parti politique à changer de nom. Après lui, feu le parti socialiste devient « La belle alliance populaire ».
Oui, le scénario est usé, mais les générations se renouvellent, et n’en connaissent par forcément tous les nœuds dramatiques. L’oligarchie est prévoyante. Et pour 2017, les banques et les médias se sont arrangés à faire entrer sur la scène politique un personnage tout neuf capable d’incarner vos espoirs. Ah… la belle alliance populaire… Vous n’y croyez plus ? Et bien regardez un peu par ici.
On vous le vend partout comme quelque chose de nouveau. Son nom est court. Il se prononce en deux syllabes et évoque un produit de nouvelle technologie. Il a les attributs de ce que vous n’ avez jamais expérimenté. De quoi résoudre tous vos problèmes. Il sort de nulle part, tel un héros venu d’ailleurs pour vous sauver de votre sort scellé par des années où vous avez accordé votre confiance à la mauvaise personne. Il est évidemment soutenu par Alain Minc et Pierre Berger… C’est « le candidat… Macron », le candidat « anti système » nous dit-on. Jeune, dynamique et au dessus des partis. Les photos sont toujours soignées dans les pages des magazines conservateurs en papier glacé. Le sourire parfaitement maîtrisé. Les dents blanches, les yeux clairs, cravate et chemise impeccable. Seul la montre est quelque fois du mauvais côté du poignet… preuve que Macron s’ennuie aux réunions ? Non, à celui-là, le Canard Enchainé - surveillant complice malicieux du système- n’ira pas lui chercher des noises : « comment Macron est financé par Soros » ; « Comment Macron finance sa campagne politique » ; « les médias et les banques derrière Macron » ; « un prêt sans caution pour Macron » ; « Ces banques qui financent les candidats » ; « pourquoi les médias sont derrière Macron » ; « comment le candidat Macron a été fabriqué » ; « un candidat financé par les banques est-il libre politiquement ? » … Non, non, non. Les mouches plates et les tiques vont se mettre sur le pelage du candidature Fillon et elles n’ont pas prévu de changer d’âne. Un catho pro russe, ancien ministre de Sarkozy, et donneur de leçon avec ça… là nous sommes bien sur les plates bandes du Canard Enchainé. Dans son domaine de compétence. Le journal cherche la vérité, mais, il est enchainé, comme il le dit. Non pas au pouvoir, mais à sa basse-cour. A sa propre conception idéologique du monde, qui détermine où il fourrera son bec. Le canard ne vole plus, il s’engraisse, à force de manger le maïs dans les mains anonymes de qui le lui tend. Aller voler dans les plumes de Macron, pas question ! Autant redevenir un oiseau migrateur.
Et pourtant qu’est ce qui pose le plus problème du point de vue de l’éthique démocratique ? Le financement et le soutien d’un candidat à coups de prêts de plusieurs millions par des banques, ou un candidat qui a utilisé mesquinement l’enveloppe parlementaire pour rétribuer les petits services de son épouse et de ses fils ?
Un candidat dont la campagne politique est financée par des prêts bancaires est-il libre politiquement vis à vis de ses bailleurs de fonds ? N’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt manifeste ? Si encore les banques partageaint les mêmes intérêts que le peuple... Et quid de l’inégalité de traitement médiatique des candidats par les banques, bailleurs de fonds également des médias ?
Une fois ces questions essentielles posées. On se rend bien compte que l’affaire Fillon est une mesquine affaire de morale personnelle montée par les médias au niveau d’un scandale politique national à l'attention du bas peuple qui souffre, tandis que « l’affaire Macron » est une véritable affaire de politique nationale totalement passée sous silence.
Mais qu’espérer d’autre de la part des médias qui sont juges et partis, et eux même spécialistes et promoteurs des conflits d’intérêts en tous genre ?
Certainement, ce Monsieur Fillon, n’est-il, ni très malin, ni très probe, ni très avisé, mais Monsieur Macron… Qui est-il ? N’est-ce pas un personnage que des forces occultes ont propulsé en tête de gondole sans que l’on sache qui il est, par qui il est financé, et ce qu’il veut faire de la France ?
Ce cas d’espèce ne concerne-t-il pas la démocratie toute entière ? Une affaire qui mériterait enquête, justement ?
Le Canard Enchainé ne semble pas de cet avis. Il a sonné l’hallali de Monsieur Fillon. Je ne vais pas défendre l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy qui n’a jamais dit non à son patron. Mais quelle hypocrisie quand par ailleurs on fait du candidat Macron un héros incontournable de l’Avenir, alors que le pauvre bonhomme n’a jamais rien dit d’intéressant, rien fait de concret, et, a pour seul fait d’arme d’avoir été ministre du très médiocre François Hollande !
Dire que le candidat Macron est favorisé par les médias ne suffit pas.
Macron est une créature des médias dans la main des banques qui financent sa campagne. D’abord il n’y avait personne derrière lui, et puis ils ont amorcé la pompe à coups de meetings et de parutions élogieuses sponsorisées. De même que les multinationales promeuvent un nouveau produit sur le marché. On agrège d’abord quelques personnes qui ne savent pas forcément pourquoi elles sont là. Il y avait de la musique on s'est arrêté pour regarder. Et comme dans une émission de télé réalité politique où la production choisi les gagnant, on invite ensuite les gens à voter. De l’argent et un peu d'animation et le public finit toujours par taper dans les mains, faisant sien le candidat de la production. Au bout du compte on appelle « phénomène populaire » un mouvement qu’on a fabriqué. Le peuple voulait d’un candidat anti système, le système l’a trouvé pour lui. Le système ne pense pas, il répond à ses algorithmes. Le système ne fait pas ce qu’il aime, il évite le pire, et travaille pour ses intérêts. Question de statistique. Macron face à Le Pen au second tour, c’était beaucoup moins risqué que Fillon face à Le Pen, si l’on s’en tient aux reports de voix. Alors puisque le système essaie de ne rien laisser au hasard, il convenait de détruire le candidat Fillon dès lors que le candidat Macron était mis en orbite - et le talonnait dans les sondages. L’ancien ministre de Sarkozy, catho et pro russe, avait sans doute du mal à passer le rubicon. Surtout après ses velleités de s’en prendre à la Sécurité Sociale. Le système a eu le choix entre un candidat usé et un candidat tout neuf. L’algorithme a parlé. Quelques secondes plus tard le candidat Fillon était réduit en poussière dans le ciel bleu de l'hiver comme une assiette d’argile vernis dans une séance de ball-trap. Dans une démocratie bien tenue, le vote n’est pas le choix du peuple, mais la re légitimation du pouvoir dominant.
Marion Delage
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