Les bienfaits du néo-libéralisme mondialisé
À longueur de temps d’antenne, de pages de journaux, experts, économistes, journalistes voire philosophes expliquent aux gens du commun le merveilleux monde en voie de construction. Quel est leur argumentaire qui semble faire consensus ?
Les différents peuples de la terre, de la planète, doivent s’unir pour changer de monde, de civilisation, de valeurs : les périls qui menacent l’humanité sont trop immenses : le changement climatique, la transition énergétique, la raréfaction des matières premières… Les croyants, qui pourtant vénéraient le même Dieu, ne cessèrent pas de s’entredéchirer pour imposer leurs visions des miracles, de l’éternel, des rituels à suivre. Le communisme, et dans une moindre mesure le socialisme, n’ont fait qu’ajouter du chaos au tumulte et personne ne pense que l’on puisse se passer de la propriété privée pour atteindre le bonheur. Tous les essais furent des échecs ou des désastres, nulle part on a pu apercevoir des solutions aux problèmes qui s’accumulaient. Et même les démocraties montrent maintenant leurs limites : les états sont monstrueusement endettés, les dirigeants élus sont incapables d’imposer les efforts nécessaires aux peuples dont ils président les destinées. Que reste-t-il pour rassembler les populations ? Quelle valeur est commune à tous du Nebraska aux îles Samoa ? L’argent ! L’argent n’a pas de culture, pas d’idéologie, il n’est pas associé à une noblesse, il existe partout, il est désiré par tout un chacun, il classe avec clarté ceux qui réussissent et ceux qui échouent.
C’est le monde de la finance qui permet le bien-être actuel des Français. Année après année, les budgets publics sont en déficit. Le tout dernier qui fut excédentaire fut celui de la fin de la présidence de M. Pompidou. Ensuite, il a toujours été nécessaire d’avoir recours à l’emprunt pour combler les trous financiers engendrés par des dépenses excessives. En 2016, la dette publique atteignait ainsi un peu plus de 2200 milliards d’euros soit presque 100% du Produit Intérieur Brut (PIB). La France s'endette non pas pour assurer des investissements à long terme, ce qui serait justifié, mais majoritairement pour assurer des dépenses de fonctionnement, ce qui ne fait qu’accroître les difficultés en les reportant dans le futur. Et le futur n’attend plus : les occidentaux endettés consomment trop de tout. Si les États remboursaient ce qu’ils doivent, la consommation globale diminuerait et on pourrait atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre proclamés à la conférence de Paris ; objectifs inaccessibles sans un effort de tous, y compris bien entendu des classes populaires qui consomment avec avidité et sans discernement les produits et les aliments de basse qualité. Diminution de la quantité, amélioration de la qualité sont les objectifs, tout en conservant aux premiers de cordée la possibilité d’effectuer ce que leur talent leur accorde, leur impose : montrer le chemin qui conduit aux sommets alors que la multitude, dans sa nonchalance, se contenterait d’une vie étroite, sans destinée, sans aventure, sans progrès.
Et à qui les États empruntent-ils les sommes monstrueuses qui ne servent qu’à panser des plaies mais pas à préparer l’avenir ? En partie, en grande partie grâce aux investisseurs étrangers ! Chaque année, l'État français crée une dette supplémentaire pour couvrir le déficit budgétaire et le remboursement de la dette ancienne à échéance. La gestion de la dette d'Etat est assurée par l’Agence France Trésor, rattachée à Bercy. Cette agence procède six à sept fois par mois à des émissions de titres à échéances allant jusqu’à cinquante ans. L’Agence France Trésor vend à des « grossistes » en dette, les spécialistes en valeurs du Trésor (SVT). On en compte vingt : les grandes banques françaises, des grandes banques européennes et, de plus en plus, des banques internationales, afin de toucher les clients étrangers. Récemment des banques canadiennes et japonaise ont par exemple été intégrées. Les SVT choisis par l’Agence France Trésor sont chargés de répercuter les demandes qu’ils reçoivent de leurs clients (assureurs, fonds communs de placement, investisseurs étrangers...). La Chine détiendrait ainsi presque 10% des dettes publiques de la zone euro.
Malgré l’apport de financement grâce à l’utilisation massive de l’endettement, des apports monétaires supplémentaires durent être trouvés car les dirigeants élus n’avaient encore pas à faire face aux revendications des syndicats, des groupes de pression, des associations. Par voie de conséquence, les prélèvements obligatoires ont constamment augmentés de 1960 aux années 2010 pour atteindre presque 50% des richesses produites, 1 euro engendré par la société sur 2 finit dans les caisses de l’État. Aucune valeur sacrée n’unit plus les Français, chacun voulant une part chaque jour plus grande des richesses, il n’y a donc plus d’alternative à la privatisation des services publics : le bien commun n’existe que si les individus sont avant tout des citoyens, ce qui n’est plus le cas.
Bien que la théorie néo-libérale soit fausse, comme toutes les théories mais davantage encore pour les théories économiques qui ne découlent pas d’expériences, il sera postulé que l’intérêt commun résulte de la satisfaction des intérêts particuliers. La main invisible désigne cette théorie fausse mais dont on ne peut pas se passer selon laquelle l'ensemble des actions individuelles guidées uniquement par l'intérêt personnel contribuent à la richesse et au bien commun. « Ce n'est que dans la vue d'un profit qu'un homme emploie son capital. Il tâchera toujours d'employer son capital dans le genre d'activité dont le produit lui permettra d'espérer gagner le plus d'argent… Il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, il est conduit par une main invisible, à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ». Cette théorie trouve toute son utilité car personne n’a trouvé comment ou par quoi la remplacer. Mieux vaut une théorie inepte que des errements, des divagations, des élans mystiques qui conduisent inévitablement aux pires des chaos.
Le capitalisme mondialisé assure avec efficacité les opérations de restructuration et de délocalisation et il faut impérativement réduire le rôle des politiques publiques, afin d’accroître le rôle du marché, et éliminer les obstacles à la libre circulation internationale des marchandises, des services et des capitaux. Les déréglementations ont eu lieu dès la fin des années 1970 grâce à Margaret Thatcher) et à Ronald Reagan et ont commencé en France en 1983. Peu à peu, grâce à cette approche néo-libérale le monde est sorti de l’ornière où l’avait plongé des politiques d’aides au développement basées sur la charité et non pas sur l’efficacité. Ainsi, « après pratiquement deux siècles de hausse continue des inégalités entre les citoyens du monde, à la suite de la révolution industrielle, ce processus s'est ralenti, puis renversé depuis une vingtaine d'années. Cette rupture de tendance est le résultat d'une forte baisse des inégalités économiques entre pays, notamment entre pays développés et pays en développement, depuis les années 1990. Mais, dans le même temps, un autre renversement s'est produit : après plusieurs décennies de stabilité, les inégalités à l'intérieur d'un grand nombre de pays, développés ou en développement, tendent à augmenter à nouveau. » Les inégalités permettent de conduire les peuples vers les efforts qui construisent un futur plutôt que vers les futilités qui ne durent qu’un instant. Elles peuvent sembler amorales à l’échelle de l’individu, elles sont indispensables pour la survie d’une société. C’est ainsi que les pays pauvres peuvent se développer tandis que la nécessaire contraction de la consommation des pays riches peut se mettre en place. Comment peut-on envisager qu’une société d’égaux ou de semblables pourrait imposer à la multitude le chemin de l’avenir, pentu, ardu, exigeant ?
Il est évident que les inégalités, lorsqu’elles sont acceptées et lorsque les responsabilités sont confiées aux plus compétents, créent des richesses pour tous même si elles sont mal distribuées. Il peut être cependant contesté que l’avidité au gain soit la meilleure pierre de touche pour déterminer l’appartenance à une élite. Remplacer la morale par le légal, le sacré par l’intérêt, l’amour par le désir, la justice par la charité, le savoir faire par le faire savoir, l’être par le paraître… ne me convient pas.
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