Les bonnes surprises du rapport « Balladur »
Le journal Le Monde du vendredi 26 octobre vient de décliner, en avant-première, les 77 propositions du comité Balladur de réforme des institutions. Comme convenu, il s’agit d’une nouvelle étape vers une présidentialisation du régime. Le débat public peut s’ouvrir, alors même que nous venons d’apprendre que l’examen parlementaire, prévu au début de l’année, n’interviendra qu’après les élections municipales de mars 2008. Le texte intégral sera remis au présidnet de la République lundi 29 octobre, mais il est déjà consultable.
La présidentialisation rampante se poursuit, selon les vœux du président Sarkozy. Le président va maintenant « définir la politique de la nation » et le gouvernement se limitera à la « conduire ». Mais de fait, il ne s’agit que de confirmer une pratique induite par les réformes constitutionnelles précédentes. Hormis le cadeau offert à Sarkozy de pouvoir venir s’exprimer « gratuitement » devant le Parlement, cette présidentialisation « continue » donc, est contrebalancée par une revalorisation importante du Parlement, tant dans son droit à l’auto-organisation que dans ses fonctions de contrôle. Personne ne peut nier qu’il y a là des propositions fort intéressantes et réfléchies. « Le comité a unanimement estimé que cet aspect de sa mission revêtait un caractère fondamental » dit le rapport.
Le comité Balladur avec ses 77 propositions balaie tous les titres de la Constitution et il faut s’arrêter sur quelques-unes pour bien mesurer les avancées, loin d’être négligeables, de la réforme préconisée.
Des avancées démocratiques indéniables
Et en premier la fin du cumul des mandats pour les parlementaires. C’est la proposition n°56. Elle est intitulée justement et intelligemment : « Disponibilité des parlementaires », et prévoie d’interdire tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. Si « locale » signifie aussi « départementale et régionale », l’adoption d’une telle mesure serait un pas gigantesque et à elle seule elle mériterait d’emporter le OUI à la réforme.
En que concerne l’introduction d’une dose de proportionnelle, il serait prévu (disposition n°62) de proposer l’élection de 20 à 30 députés pour assurer la représentation des formations politiques minoritaires. Nous rappelons que le PS préconisait un chiffre avoisinant les 60 députés et le Modem près de 50 % des députés élus selon ce mode proportionnel.
La proposition n°67 introduit de fait le référendum d’initiative populaire par une modification de l’art. 11 de la Constitution. Les conditions d’exercice sont draconiennes (1/5e des parlementaires et 1/10e des électeurs inscrits ; c’est énorme), mais de fait le RIC fait son apparition dans la Constitution.
Une nouvelle rédaction de l’article 89 relatif à la révision de la Constitution est proposée qui rend semble-t-il obligatoire le recours au référendum pour son approbation. Proposition n°12 : « (...) Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux Assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le président de la République (...) », complétée par la proposition n°68 stipulant qu’ « en cas de refus de révision constitutionnelle par l’une des deux Assemblées tandis que l’autre a adopté le texte à la majorité des trois-cinquièmes, il soit organisé un référendum de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher ».
Enfin en ce qui concerne le Comité économique et social (proposition n°65), le Conseil supérieur de la magistrature (n°69 et 70) et le Conseil constitutionnel (n°75), des mesures pertinentes sont préconisées pour assurer une modernisation ou une indépendance des membres et des organismes.
Ce rapport présente, à mon avis, des avancées déterminantes. J’en retiens une plus particulièrement car elle fonde la base d’un combat pour le renouveau de démocratie représentative si mal en point dans notre vie politique. Elle concerne le cumul des mandats des parlementaires.
Présentation de la proposition sur le cumul des mandats dans le rapport
Accroître la disponibilité des parlementaires
« L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le comité est-il d’avis que l’interdiction du cumul des mandats et des fonctions est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. »
Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats... A cette situation s’ajoute le fait que les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas dans le champ des interdictions de cumul. « Dans ces conditions, il est apparu au comité qu’afin de donner aux parlementaires la possibilité d’exercer la plénitude des fonctions que leur mandat leur confère l’on devait s’acheminer vers l’interdiction du cumul des mandats et des fonctions. »
« Le comité sait que l’opinion publique y est peut-être moins prête qu’elle-même ne le croit. » Pourtant... sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique (proposition n°56).
Il recommande que l’acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, s’accomplisse de manière progressive à la faveur de chacune des élections...
Nous ne méconnaissons pas les obstacles qui peuvent être dressés sur le chemin de l’adoption de cette proposition de la part des élus et des partis, mais le simple fait qu’elle soit mentionnée officiellement et expressément dans ce rapport officiel est déjà très satisfaisant. Monsieur Balladur avait annoncé que seules les propositions faisant consensus dans sa commission seraient retenues dans le rapport. Il serait tout à fait indécent que les élus fassent barrage à cette proposition, d’autant que les citoyens ne le comprendraient pas.
Il est clair que l’étude du projet ne sera pas de tout repos. Il est, à ce sujet, nécessaire de rappeler que le débat démocratique est un combat permanent et qu’il est des avancées particulières, telle celle sur le cumul des mandats, qui ouvrent des perspectives. En effet, avec des élus responsables, légitimes dans leurs fonctions, présents dans l’hémicycle et reconnus pour leur rôle spécifique, le Parlement prendra aussi de ce fait une nouvelle dimension.
Il faut alors faire deux remarques tirées du texte du rapport.
A) « Il sait que l’opinion publique y est peut-être moins prête qu’elle-même ne le croit. » C’est une manière délicate de faire naître, ou de mettre l’accent sur une certaine suspicion ou une interrogation pas si en l’air que cela. A ce sujet, nous avons aussi, nous autres citoyens, à démontrer le contraire. Des actions futures seront à organiser. Il en va également de notre responsabilité.
B) « que l’acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, [s’accomplisse] de manière progressive à la faveur de chacune des élections... »
Premièrement il s’agit donc d’une mesure à insérer dans le code électoral (loi organique). Donc même si elle est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne elle ne sera pas étudiée lors de la révision de la Constitution au congrès. (Je l’espère, bien entendu, mais les politiques peuvent ainsi renvoyer le débat à plus tard.)
Deuxièmement, ce qui confirme le premièrement, c’est qu’elle se fera de manière progressive lors de chaque échéance électorale. C’est soit une manière de faire passer la pilule aux élus, soit une façon de faire traîner les choses.
Mais pour dépasser les blocages éventuels, il serait peut-être judicieux ou nécessaire aux tenants de cette réforme d’en appeler par référendum à la souveraineté populaire. Au moins l’interrogation du comité "Balladur" serait levée.
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