Les cadavres dans le placard de Charly (6) le réseau des réseaux
La French Connection c'est un trafic obligatoirement international, aussi ce ne sera pas une surprise d'entendre parler de la Belgique ou du Paraguauy dans cet épisode. Mais aussi en Argentine où s'est installé un des plus grands trafiquants français, qui là-bas se fait appeler Mario Deniz. Il finira en morceaux dans une valise, retrouvée flottant sur la Seine.. une histoire de contrat raté, très certainement....
Les trafiquants débordent d'idée pour faire passer la drogue. La voiture farcie d'Angelvin décrite dans le film n'est qu'un exemple. Il y a d'autres procédés en effet." La meilleure technique, pour réussir à faire passer de l’héroïne à l’aéroport, était sans doute de demander à une personne ayant des entrées – passeport diplomatique ou même parfois une carte du SAC dans une certaine mesure comme nous l’avons évoqué précédemment– de faire la livraison via ses bagages personnelles : « La plus grosse prise jamais réalisée dans ce pays [le Canada] a été faite en 1962 : à l’époque, 63 kilos d’héroïne avaient été découverts dans les bagages de deux diplomates »101. Mais la corruption s’exerçait aussi en plein cœur des autorités américaines. Dans un de ses livres, Lucien-Aimé Blanc raconte comment un indic lui donna l’information qu’il recherchait sur un trafic de drogue à venir :
« - L’Arménien m’a dit que la filière était sûre. Ils ont levé à Bruxelles un sous-officier américain de l’OTAN, qui doit rentrer aux États-Unis à la fin de son temps. Il voyagera à bord d’un avion de l’US Air Force et transportera l’héroïne dans ses bagages. Pas de douanes, ni au départ ni à l’arrivée : la filière parfaite. Il doit me présenter ce militaire qui viendra passer un week-end à Paris. Je te le ferai savoir. - Tu sais d’où vient la came ? - De Marseille, c’est Condemine qui s’en occupe » Une corruption « haut placée » pouvait occasionnellement aider les organisations qui n’hésitaient pas à recruter des personnes difficilement soupçonnables pour accomplir leur trafic".
Le "Condemine" en question est tout sauf un inconnu, qui nous amène à la CIA et à son goût pour les opération obscures de type Gladio. Dans le livre de Michel Leurquin et Patricia Finné (pages 98 et suivantes) on peut en effet lire ceci : (...) Adriano Vittorio jouera un rôle primordial dans l'enquête sur la filière boraine (...) Il se vantera toujours d'avoir appartenu au très controversé SAC, le Service d'action civique. (...). Voici le SAC invité chez les tueurs du Brabant ! "Le SAC n'était pas en Belgique en terre inconnue. Le plat pays servait de plaque tournante pour exporter de l'héroïne vers la Suède et la Suisse via un homme de confiance, le trafiquant de stupéfiants André Condemine" peut-on lire également .On nage en effet dans le milieu, ce qui signife tout : les politiques y ont aussi des entrées, et le SAC n'y échappe pas non plus.
C'est qu'explique aussi le livre "The Marseilles Mafia" (Pierre Galante - Louis Sapin). En remontant la piste de la maîtresse de Christian David, le gangster membre du SAC, des policiers sont tombés sur un dénommé "Deniz". "Au début de 1972, l'Office central pour la répression du trafic de drogue a identifié l'homme que le bureau américain des narcotiques appelait encore Mario Deniz, qu'on croyait être en Uruguay. C'était en fait André Condemine, un Français. Pendant toutes les années où avait agi comme un lien entre les trafiquants sud-américains et les fournisseurs français, Condemine avait réussi à dissimuler ses activités derrière l'identité de Mario Deniz. Il avait testé cette couverture quand il l'avait remarié Gilberte G sous un faux nom alors qu'il s'était déjà marié sous le nom Condemine. Au début de 1972, le couple vivait à Bruxelles, où Gilberte avait une entreprise de décoration. Elle possédait aussi une BMW gris clair que son mari utilisait souvent. Au printemps, la BNDD appris que certains trafiquants américains avaient appelé le numéro de téléphone 25 77 20 à Bruxelles, de New York ; c'était le numéro de Condemine (...) Le 10 Novembre les « stups » ont appris que Condemine pourrait vivre dans un studio dans une rue calme dans le XVIème arrondissement. Le 14 il était localisé. Le studio était la rue des Pâtures. A cette adresse, un homme se faisant appeler Alphonse Mostin vivait dans un studio donnant sur la cour au troisième étage, depuis le 1er Novembre. La concierge a qui avait été montré la photo de Condemine avait reconnu "ce charmant Mr Mostin ". Elle a ajouté qu'il se déplaçait à bord d'une BMW de couleur claire avec une plaque d'immatriculation belge".
Le Mostin-Condemine avait en fait organisé un trafic colossal d'héroïne en Amérique du Sud, en Argentine, aidé par le gangster corse Lucien Sarti (ici à gauche), tireur d'élite que l'on citera lors de l'assassinat de Kennedy à Dallas comme possible tireur (Le "Beau Serge" ayant paraît-il refusé l'offre). "Pendant ce temps, pendant qu'ils attendaient l'arrivée de Lucien Sarti et Christian David sur les rives du Rio de la Plata, François Chiappe et André Condemine continué de superviser le réseau Amérique du Sud de Buenos Aires. Il a toujours des problèmes d'organisation. Ce fut seulement lorsque ces quatre personnalités de la pègre forte se sont réunis ce qu'il a vraiment décollé et atteint des dimensions légendaires, progressant de l'industrie artisanale de courriers de petite dimension au niveau de la grande entreprise multinationale. Avec Lucien Sarti, André Condemine devait être le principal architecte de cette transformation. Il s'était déjà installé en Amérique Latine depuis plusieurs années. Son nom avait été mentionné dans aucun des dossiers de police, mais sous celui de Mario Deniz, son pseudonyme, a été trouvé là avec une régularité croissante au cours des années soixante ; comme beaucoup de ses confrères, il a progressé pour se procurer de la drogue au cours de ces années. il vivait avec sa mère, mais elle le voyait rarement. Il a commencé à gagner son argent en s'associé à plusieurs criminels d'Alsace qui s'étaient spécialisés dans les vols à main armée."
Des alsaciens ? Effectivement l'argent de départ provenait du plus gros casse de l'après-guerre : le 12 décembre 1958, une voiture du Crédit Commercial de France de Mulhouse s'était arrêtée devant les bureaux de la Sécurité sociale de la rue des Trois-Rois. Un messager de la banque est était sorti, avec à la main deux sacs de billets contenant dix-huit millions de francs. Deux hommes armés s'en emparent et s'enfuient dans une Peugeot 403 grise garée au bord de la route. Un échange de tirs et l'employé était retrouvé au sol. Les hommes qui ont fait le coup étaient « Dédé '(Condemine),' dit le Rasé », « Jacky » et « Gros Pif ». Protégés par la pègre lyonnaise, ils s'étaient vite enfuis en Argentine, où on retrouvera Condemine au restaurant El Sol à Buenos Aires. Il sera ensuite vu au Venezuela et au Brésil. Condemine connaissait aussi B.Farcy et Desoulière du SAC, que l'on retrouvera cités dans la tuerie d'Auriol.
Condemine sera pisté à Bruxelles, mais curieusement, sa filature sera interrompue, l'agent qui l'effectuait étant brusquement muté. Voilà qui nous ramène à d'autres intérêts "supérieurs" : "le 3 août 1979, François Raes (un gendarme) est informé de ce que Denis Marin, un autre adjoint du gros trafiquant B. Farcy, est en relation avec une étrange firme située à Saint-Gilles, la SA Medico. Après une enquête discrète, Raes constate que cotte entreprise à la dénomination trompeuse fait officiellement de l'import-export. Medico signifie "Middle East Development Corporation". Initialement, c'est le personnage de Denis Marin qui attire l'attention de la BSR sur Medico. Mais d'autres éléments aiguiseront bientôt la curiosité des enquêteurs. C'est avec surprise qu'ils découvrent que l'administrateur-délégué de là firme, Dirk Ykelenstam, un ancien directeur de la multinationale américaine ITT, fait l'objet d'une enquête de la section moeurs de la BSR parce qu'il est client du réseau de call-girls de F. Israël et L. Montaricourt. Leur surprise est d'autant plus grande lorsqu'ils s'aperçoivent que Philippe Chauveau, un manager français, devient un des gros actionnaires de la société Medico le 15 juin 1979. Chauveau est l'un des deux beaux-fils du ministre de la Défense Vanden Boeynants pour qui il a organisé fin 1978 un meeting électoral dans le milieu des affaires et ce, à l'auditorium du CEPIC situe rue Belliard à Bruxelles. De l'enquête de François Raes, il ressort qu'il n'y a jamais personne dans les bureaux de Medico situés rue Blanche. Les convocations de la police restent sans réponse. Au registre du commerce, les actes de la société mentionnent qu'elle n'a pas de contact avec le public et qu'elle traite ses affaires par téléphone. Mais Raes ne pourra jamais poursuivre son enquête. Début septembre 1979, il est en effet évincé de la BSR, sur ordre de l'état-major général". Décidément dès qu'on touche à l'héro, on a affaire à des professionnels... du réseau !!!
Raes avait pourtant mis le doigt sur des faits importants. Ou plutôt sur les mailles de la toile qui reliait pas mal d'individus entre eux, à partir de Medico. "Au moment où l’enquête démarrait, Euromaco venait d’être fondée par l’épouse de Tiberghien et l’ami de celui-ci, Robert. Ce même Robert avait été présent à l’assemblée constitutive de la société Procédés Parachimiques. Il avait même été le gérant de cette entreprise jusqu’en 1970, date à laquelle lui a succédé l’homme fort de cette ent reprise, le ressortissant français domicilié à Barcelone, Maurice Boucard. Robert a également tenu la firme Opal Oil d’Anvers sur les fonts baptismaux. Cette firme avait repris les activités de Typhoon Oil après la faillite de celle-ci. Officiellement, Procédés Parachimiques faisait le commerce dé toute ; sortes de produits cosmétiques et il y avait des liens à leur laboratoire pharmaceutique à Schaerbeek dont on soupçonnait qu'il était impiqué dans une affaire d'amphétamines. Il a été maintenant établi que Boucard n'était pas précisément un citoyen au dessus de tout soupçon. Un message en provenance de New York ne ferait d’ailleurs que confirmer cette thèse. La brigade anti-drogue américaine avait réussi à arrêter Carlos et Alfredi Mazza, deux trafiquants qui faisaient partie de la French Connection. Lors de leur arrestation, ils étaient en possession de pas moins de sep'ante kilos d'héroïne. Les agents avaient pu intervenir après avoir écouté un coup de téléphone des frères Mazza à un abonné à Bruxelles, un nommé Deniz. Ce numéro de téléphone appartenait à Procédés Parachimiques, la firme de Boucard. Nos recherches nous apprenaient que, l'homme à qui avaient téléphoné les frères Mazza s'appelait ! Mario Deniz, mais ; qu'entretemps il avait pris la tangente en ;compagnie de son amie Gilberte". Boucart-Deniz-Condemine n'auraient fait qu'un, ou plus exactement Boucart aurait servi de paravent à Condemine !!!
"On ne le retrouverait pas avant 1973, lorsque son cadavre a été retiré de la Seine. Des informateurs dans le milieu de la drogue croyaient savoir qulil avait été tué parce qu’il avait perdu une quantité énorme d’héroïne au cours d’un transport vers les Etats Unis. Après avoir retiré son cadavre de la Seine, la police française a également réussi à découvrir la véritable identité de Deniz. Il s’appelait en fait André Condemine. Inculpé de meurtre en France, il s’était enfui en Amérique du Sud où il s’était joint à la bande d’Auguste Ricord, le gangster français qu’on appelait “le roi de l’héroïne d’Amérique du Sud”. Gondemine avait d’ailleurs joué un rôle important dans la réorganisation du trafic de drogue illégal de entre l’Amérique du Sud et les Etats-Unis. En 1970, il était rentré en Europe et s’était fait embaucher dans une des sociétés de Boucard." Un Boucard membre du SAC, mais aussi un gangster chevronné (c'est le cas de le dire) : "Ce n’est que par après que j’ai appris que Boucard avait été un membre de la bande de Jo Attia, le chef de la bande de la “Traction Avant”, très célèbre avant la deuxième guerre mondiale. Il avait de nombreux amis dans les services de renseignements français et il était un collecteur de fonds pour le SAC. Après le terrible meurtre d’Auriol, j’ai été convoqué à ; la BSR. J’apprenais à mon grand étonnement que le dossier avait disparu. On me demandait également si je connaissais les deux Français qui auraient séjourné dans notre pays peu de temps avant la boucherie d’Auriol, mais je ne les connaissais pas..."
Le 28 Juillet 1973, la Police repêche effectivement une valise à la dérive de la Seine,. A l'intérieur le cadavre d'un homme avec des balles dans le cœur et le cou. C'est celui d'André Condemine, Février. mort depuis février selon l'autopsie. On soupçonne que ça a quelque chose à voir avec l'arrestation quelque temps auparavant de Jean-Baptiste Croce : Condemine avait cherché à reconstruire un réseau de stupéfiants d'Amérique latine et au Mexique, sur le terres mêmes du trafiquant Croce. Or Jean-Baptiste Croce et Joseph Mari avaient été arrêtés à Marseille l'année précédente.
Car Croce, c'est aussi la filière canadienne chère à notre mai Pasqua : "fin 1952, Paul Mondoloni est envoyé au Mexique avec Jean-Baptiste Croce par son mentor Ansan Bistoni, dit l'Aga Khan (ou l'Ismaélien). Là, ils doivent rejoindre Antoine D'Agostino, ancien collabo, pour l'aider à monter une nouvelle filière pour le trafic d'héroïne. D'Agostino a en effet du mal à envoyer de la poudre vers les États-Unis depuis l'arrestation de ses deux principaux associés, Joseph Orsini et François Spirito. Il apprend aux deux nouveaux venus dans le monde de la drogue les rouages du trafic. Mais les inséparables Croce et Mondoloni vont d'abord manquer de chance : lors de leur première transaction, début 1953, ils sont arrêtés au Texas avec la marchandise. Après avoir passé quelques mois en prison, ils sont extradés vers le Mexique où ils reprennent leurs activités. Et leur apport à la filière mexicaine a effectivement était par la suite d'une grande utilité. Du moins jusqu'en 1955, date à laquelle D'Agostino est arrêté. Croce et Mondoloni, après avoir prit des contacts en Italie et en France, partent alors pour le Canada. À Montréal, ils se rapprochent des pontes locaux, Lucien Rivard et les frères Cotroni, et vont s'associer avec eux dans le trafic d'héroïne. Une nouvelle filière est alors montée. Y prennent part Ansan Bistoni et son ami Gabriel Graziani, Dominique Nicoli, fournisseur d'héroïne et oncle de Mondoloni, Dominique Albertini, chimiste surdoué, et les frères Venturi, dont l'un, Jean, a été rencontré par Croce et Mondoloni au Canada. Le réseau utilise des voitures bourrées de poudre. Embarquées à Barcelone, elles sont ensuite envoyées à Montréal ou Véra Cruz d'où elles partent pour New-York. Cette filière permet à l'équipe de faire rentrer environ trente kilos d'héroïne aux États-Unis chaque mois. À ce moment, Croce et Mondoloni sont des trafiquants aguerris et sont devenus des piliers de la French Connection avec leur ami Bistoni. En 1956, ils partent s'installer à Cuba où ils prennent des parts dans plusieurs boîtes de nuit et touchent des commissions sur les machines à sous de la Havane. Les derniers contacts avec la mafia sicilo-américaine qu'ils leur manquaient sont pris sur place et permettent de grossir les filières déjà existantes ou d'en créer de nouvelles. " Arrêté en 1956 pour l'affaire de la Bégum, il s'en sort deux mois après sa condamnation à deux ans et reprend donc tranquillement son juteux trafic...
Et toujours l'imbrication des trafiquants avec le mouvement des gaullistes fanatiques. Selon "Les Parrains Corses : Leur histoire, leurs réseaux, leurs protections" de Jacques Follorou et Vincent Nouzille, "à Marseille, deux complices de Croce, Joseph Mari et Jospeh Marro, sont membres du SAC. Autre pilier historique de la Corsican Connection, le Corso-Marseillais Gabriel Graziani qui se rendait naguère au Canada et à Cuba pour voir ses amis Croce et Mondoloni, est proche de l'organisation gaulliste. Il sera arrêté à Lyon en 1977, dans le cadre d'une affaire de hold-up à la Caisse d'épargne. L'un des quartiers généraux des membres du SAC à Marseille n'est autre que le bar Chez Toto, propriété de Philippe Pasqualini, alias "Toto", qui sera suspecté de trafic de drogue. A la fin des années 60, le responsable officiel du SAC marseillais est le militant Gérard Kappé, mais son véritable patron n'est autre que Constantin Tramini, hôtelier, spécialiste du racket, qui tente de prendre la relève des Guérini après leur déclin en 1967. Une fois Tramini abattu en octobre 1972, c'est son ancien bras droit, Daniel Boggia, autre encarté du SAC, qui essaiera de s'affirmer comme parrain, jusqu'à son exécution en novembre 1973". Cela commence à faire beaucoup, chez les amis de Charly !!! Un vrai cimetière !!!
Le SAC était donc largement impliqué dans le trafic d'héroïne vers les Etats-Unis, mais il n'était pas le seul comme on vient de le voir. L'exemple précédent le montre sans aucun doute, une opinion renforcée par d'autres témoignages encore : "la police française put procéder en avril 1970 à de nombreuses interpellations dans la Nièvre, les Landes, à Nice, à Marseille et près de Perpignan. Les arrestations de Nice concernèrent deux individus chez qui on découvrit des cartes du SAC : Jean Audisio (repris de justice déjà condamné pour vol à main armé) et Pierre Lahovary (ancien professeur de judo). Les deux malfrats arrêtés étaient liés à Marcel Galvani responsable du SAC dans les Alpes-Maritimes. On découvrit chez lui en plus d’un livre de comptabilité une correspondance suivie avec le responsable régional du SAC pour le Sud-Est, Gérard Kappé (l'adjoint de Pasqua à Marseille !). On avait utilisé des membres du SAC comme courriers pour transporter l'héroïne vers les États-Unis. Le policier libéra sa conscience devant la commission : « À ce moment-là, tant du côté de la justice que du côté de la hiérarchie du ministère de l’Intérieur, aucune instruction ne m'avait été donnée, d'ailleurs étant à la police judiciaire, je ne menais pas mon enquête comme bon me semblait et du fait qu'aucune infraction n'avait été reprochée à ces personnes, quant à leur appartenance au SAC, l'affaire du SAC n'avait pas été rattachée à l'enquête sur le trafic de drogue. » Nommé chef de l’antenne française à New York, Claude Chaminadas témoigna dans cette affaire et vit les deux malfrats condamnés à cinq ans de prison."
Et ce même Chaminadas n'y alla pas par quatre chemins en effet dans sa déposition : "Claude Chaminadas, chef inspecteur divisionnaire au commissariat central de Toulon et spécialiste de la lutte antidrogue, exposa les conditions dans lesquelles ces deux individus avaient été arrêtés : « Au cours de ma carrière, il m’est arrivé de tomber sur des gens appartenant au SAC dans les circonstances suivantes. Vers la fin de l'année 1969, un de nos informateurs m’avait communiqué un renseignement selon lequel des Niçois transportaient de la drogue aux États-Unis. À ma demande, cet informateur réussissait a s'introduire dans le réseau, d'où il me fit parvenir dans un premier temps une liste de noms dont je vérifiais le pedigree dans nos archives. Rien à ce moment n'indiquait leur appartenance à un mouvement quelconque. C'est par la suite, en pénétrant dans ce réseau, que mon informateur m'a précisé que certains de ses membres, repris de justice pour la plupart ou en instance de l'être, transportaient de l'héroïne aux États-Unis, en utilisant pour ce faire une carte tricolore qu'ils présentaient aux frontières. Certains d’entre eux auraient appartenu au SAC » Collaborant avec le Bureau américain des narcotiques, le policier envoya un agent féminin infiltrer le réseau. Elle aida les services américains à identifier les trois Français chargés de réceptionner la drogue". En 1969, époque où Pasqua est au fait de sa puissance au sein du mouvement, auréolé de son après 68 flamboyant... un mouvement qu'il quitte brusquement... aurait-il craint d'être cité dans l'affaire ? Aurait-on trop vite découvert ses liens avec son ami corse Jehan ? Lors du décès du détective Edward R. Egan, qui avait inspiré le film, le New-York Times avait rappelé que c'était bien Jehan qui avait incité Angelvin à transporter la drogue, mais qu'il avait "réussi à s'échapper". C'est un des plus lourds secrets de Pasqua, ce Jean Jehan !!!
A sa décharge, il faut savoir qu'à l'époque, comme on l'a vu, les américains de la CIA rodaient aussi autour de l'OAS : désireux de mettre des bâtons dans les roues de De Gaulle, ils la soutenaient, comme ils avaient créé le syndicat FO pour contrôler les dockers de la CGT de Marseille. Et eux aussi, participaient au trafic, à la barbe de leurs propres inspecteurs des stups ! La CIA, on l’a vu, s’intéressait à Marseille. Mais on la retrouve aussi dans une autre affaire louche. Cela commence par l’arrestation par les douanes, aux Etats-Unis d’une hôtesse d’Air France nommée Simone Christman, avec de l’héroïne dissimulée dans son soutien gorge. Elle avoue très vite que la poudre a été mise là par "un certain Mr Mueller", à Paris. Condamnée à 4 ans de prison, elle se retrouve vite libre… pour une raison fort particulière : selon un agent du Federal Bureau of Narcotics elle aurait été était, en fait, « une espionne de l'Organisation armée secrète (OAS), un groupe de soldats français qui, avec le soutien de la CIA, étaient la lutte contre les forces du président de Gaulle en Algérie » En plus de la libération discrète et rapide de Christman, dit l'agent du FBN stationné à Paris a promis de ne pas enquêter sur le mystérieux "M. Mueller." « L’agent a dit que les douanes américaines avaient été chargé de l'affaire ; mais il savait que la CIA avait, en effet, bloqué l'enquête afin de dissimuler son implication avec le trafic de drogue de l’OAS qu’elle protégeait ». Or entre temps un diplomate, Maurice Rosal Bron, l'ambassadeur du Guatemala aux Pays-Bas a été arrêté lui aussi, au milieu de l’année 1960, en train de ramener un buste contenant près de 100 kilos d’héroïne pure. Les policiers US ont surtout découvert que le buste avait été proposé par le corse Etienne Tarditi, qui, ayant découvert le penchant pour les jeunes garçons du diplomate l’avait fait chanter en lui imposant de trafiquer ainsi de l'héroïne. En octobre, à New York City, les agents FBN arrêtent donc Rosal, Tarditi, un commissaire de bord de la TWA, Charles Bourbonnais, et Nick Calamaris de la famille mafieuse Gambino (Tarditi, photographié ici par la DEA et mis en évidence dans son rapport de 1972). Un autre ambassadeur du Guatemala, Mauricio Rosales en Belgique sera lui aussi arrêté par les narcos, et photographié avec ses trois valises d'héroïne.
Surprise : Tarditi, à peine arrêté mouille le dirigeant syndical Irving Joseph Brown, le représentant en chef à l’étranger de la Fédération du Travail américain de 1945 jusqu'en 1962. En mai 1962, un autre agent du FBN réussit à joindre les deux histoires : "Andrew Tartaglino avait lancé une enquête sur Irving Brown. « Et grâce à une vérification des antécédents de routine, Tartaglino avait appris que Brown (qui était alors pour la Confédération internationale des syndicats libres le représentant commercial de l'Organisation des Nations Unies) fréquentait un restaurant appartenant à George Bayon à Paris. Tartaglino avait appris ultérieurement qu’Irving Brown était l'ami de Bayon ; et que Bayon utilisé l'alias "Mueller" ; et que le restaurant de Bayon était utilisé par les trafiquants de drogue pour « recruter » des diplomates, comme le malheureux ambassadeur Rosal, comme courriers pour leurs entreprises de trafic de drogue (cela fait penser au personnage d'Henri Ferré surnommé "Le Nantais" dans le film "Razzia sur la chnouf" de 1955, avec Gabin). Ces faits ont alimenté la curiosité de l'agent, et son enquête de Brown a été élargie ; et après vérification avec d'autres organismes gouvernementaux, Tartaglino a alors appris que Brown bénéficiait de privilèges portuaires à New York (ce qui signifie que ses bagages n’étaient jamais vérifiés par les douanes) ; que sa femme, Lilly, était une secrétaire pour Carmel Offie, un agent de la CIA qui possédait une entreprise d'import-export à Manhattan ; et qu'il y avait "une possibilité" que Brown lui-même soit "relié d'une certaine manière avec la CIA" écrit en 2010 Douglas Valentine. Bref, les « narcos » américains venaient de découvrir que la CIA trafiquait, comme le faisait le SAC au même moment. Les mêmes agents du FBI se voyant notifier une fin de non recevoir pour enquêter sur deux autres personnes ; "Jean Jehan et Jacques Mouren, dans le cas de connexion française, pour les mêmes raisons, liées au renseignement.. »
"Selon l'agent Tripodi, l'ami de Brown, Maurice Castellani, qui présentait bien, était le directeur des opérations. Et comme un autre agent FBN, Francis Waters, le suggère, Castellani, dont le surnom était "Le Petit Maurice," pouvait même avoir été l'homme mystère Jacques Mouren dans le cas de la French Connection "Patsy Fuca a parlé du Petit Maurice avec une grande déférence,« Waters se souvient. "À une occasion, je suivais Patsy au garage où la Buick de [Jacques] Angelvin avait été planqués », poursuit Agent Waters. « Je vis Patsy parler à Toots Shoenfeld, et je l'ai fait quelques vérifications et constaté que Toots avait été connecté au gars qui avait finançé l'opération de Jean Jehan. Quelques années avant nous avions trouvé la même adresse (à l'appartement où Jehan restait dans New York City) alors occupé par Marcel Francisi ;.. donc nous avons eu un mandat de perquisition et on est allé le visiter, mais c’était une belle place, détenue par un dirigeant des pneus Michelin et nous avons donc dû faire marche arrière ". "Pensez-y," ajoute Waters. "Mouren n'a jamais été identifié ; Scaglia avait été formé par l'OSS, et les gens de Forces spéciales de l'armée des États-Unis ont été impliqués dans l'affaire de la French Connection. "Dans les années 1960 », explique l'agent du FBN Martin Pera, "il était évident que la dope Extrême-Orient asiatique venait aux États-Unis, et tout le monde a été préoccupé avec le fait qu'il ne pouvait pas se faire sans le SDECE." affirme Pera. "Et c’était à l'avantage de la CIA d'avoir ces sources laissées intactes, comme il se devait »…."
"L’héroïne marseillaise était transportée au Paraguay à partir de toute l’Europe, Barcelone, Lisbonne et Bruxelles. Condemine supervisait le transport, tandis que Chiappe faisait la navette entre Buenos Aires et Barcelone, contactant les fournisseurs, les frères Orsini et la Mafia corse. On estima par la suite que 50 à 60 % de l’héroïne produite a Marseille et introduite sur le marché américain transitait par l’Amérique latine, principalement par la filière Ricord. Le « Vieux » s’était entouré de vrais durs... Épluchons la liste des membres du gang en 1970 : Ricord donc, condamné à mort pour ses activités aux côtés de la Gestapo en France ; Lucien Sarti, recherché pour le meurtre d’un policier belge ; Christian David condamné à mort par contumace ; André Condemine, recherché, lui aussi, pour le meurtre d’un policier ; Jean Leonardi, recherché pour homicide ; François Chiappe, recherché pour deux assassinats, et Michel Nicoli, un truand français ancien membre du SAC. Naturellement, dans toutes les grandes villes d’Amérique latine, la vaste toile d’araignée tissée avec patience qu’était le réseau Ricord possédait ses correspondants. Affluant de tous côtés, l’argent était investi dans les restaurants et night-clubs de Buenos Aires, Sâo Paulo ou Caracas. Mais peu à peu, Ricord, succombant à l’alcoolisme laissa le trio, David, Condemine et Sarti, prendre son affaire en mains."
sources :
http://gangstersinc.ning.com/profiles/blogs/the-man-who-stole-the-french
http://www.sciencespo-rennes.fr/mediastore/fckEditor/file/Benichou.pdf
http://www.algerie-francaise.org/barbouzes/foccart-pasqua.shtml
http://www.memoiresvivantes.com/projets/partie.php?id=5
https://medium.com/@lenyyoann/sur-les-pas-du-juge-pierre-michel-f2e376c870f8
http://www.dea.gov/about/history/1970-1975.pdf
voir
https://criminocorpus.org/fr/musee/les-vrais-tontons-flingueurs/
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