Les cartes du pouvoir élyséen
Jusqu’où les politiques sont-ils prêts à aller pour conquérir le pouvoir ? Défendent-ils des idées ou se battent-ils pour leurs ambitions personnelles ? Pour répondre à ces questions, on peut évoquer deux pièces de théâtre parmi lesquelles une adaptation du Prince de Nicolas Machiavel. La pièce de Laurent Gutmann est intitulée Le Prince, tous les hommes sont méchants. L’auteur y reprend les grands préceptes de Machiavel. Il offre une matière aussi profonde que drôle pour réfléchir à la comédie du pouvoir, et une démonstration éclatante du pouvoir de la comédie. La deuxième pièce de théâtre citée qui donne un aperçu peu flatteur des coulisses de la politique : Les cartes du pouvoir, de Farraguth North de Beau Willimon, mis en scène par Ladislas Chollat. A travers la pièce, le spectateur assiste à trois échecs différents : celui du personnage de l’attaché de presse qui finira seul, hargneux et désabusé, celui du candidat malheureux, et celui d’une Amérique qui ne pourra élire un président qui aurait réellement fait la différence.
Pourquoi Nicolas Sarkozy, François Hollande et aujourd’hui Emmanuel Macron sont-ils si impopulaires ? Comment ont-ils gagné l’élection présidentielle ? Pourquoi sommes-nous d’éternels insatisfaits en matière de politique ?
Pour répondre à ces questions, on peut évoquer deux pièces de théâtre parmi lesquelles une adaptation du Prince de Nicolas Machiavel. La pièce de Laurent Gutmann est intitulée « Le Prince, tous les hommes sont méchants ». L’auteur y reprend les grands préceptes de Machiavel, homme politique et écrivain florentin du XVIème siècle. il offre une matière aussi profonde que drôle pour réfléchir à la comédie du pouvoir, et une démonstration éclatante du pouvoir de la comédie.
Cinq cents ans se sont écoulés et, si cette doctrine d’une politique machiavélique est vieille, force est de constater qu’elle a toujours ses adeptes au détriment des bonnes mœurs. Les discours cyniques et manipulatoires se succèdent. Du texte philosophique de Machiavel, les politicards ont retenu ce que l’on appelle couramment le machiavélisme : une conception de la politique prônant la conquête et la conservation du pouvoir par tous les moyens, y compris la manipulation dans le plus grand mépris du peuple. Ce machiavélisme primaire, ils le mettent au service de leurs ambitions et des puissants lobbies qui leur permettent la conquête du pouvoir.
Au-delà du partage du prénom « Nicolas » avec Machiavel, Sarkozy a fait du machiavélisme son unique mode de conquête du pouvoir. Il pense sans doute toujours que tous les hommes sont méchants et, tout en prônant le rassemblement, il attisait les divisions pour s’en servir. Il ne le faisait pas sans s’aider des sondages et des statistiques. Prenons un exemple simple : sa proposition de mettre fin au statut des fonctionnaires et de les recruter avec des CDD de cinq ans. Immédiatement, la presse libérale avait sorti un sondage qui démontrait que la majorité des Français l’approuvaient, bien sûr après une campagne préalable de bashing des fonctionnaires. Comment s’étonner que, ensuite, des propositions sur le modèle ultralibéral américain fassent leur chemin balisé par la presse tombée entre les mains du patronat. Le secteur public représentait moins de 6 millions de fonctionnaires alors que le secteur privé comptait près de 27 millions d’emplois. L’enjeu est clair : en tapant sur le secteur public, Sarkozy compte sur les 27 millions de salariés du secteur privé, tout en leur préparant des reformes du Code du travail qui mettraient fin au Cdi et aux 35 heures. Quel était son calcul machiavélique ? Comme Machiavel, il pensait que tous les hommes sont méchants et qu’il suffisait de faire appel à des sentiments négatifs comme la jalousie. Il pensait qu’il suffisait de monter le propriétaire envieux d’une Clio contre celui qui avait pu se payer une Mégane, pour ensuite mettre tous les salariés au pas. Il voulait monter le plus grand nombre contre des boucs émissaires faciles. Il pensait qu’en livrant les fonctionnaires (dont le nombre se réduisait sous des politiques d’austérité) à la vindicte des salariés du privé en CDD ou au chômage, il se servait habilement de la nature humaine pour se faire élire et, ensuite, appliquer une politique ultralibérale qui pénaliserait tous les salariés au profit du patronat et des spéculateurs. Autres exemples : Sarkozy était devenu partisan de l’extraction du gaz de schiste, dont nul n’ignorait le lobbying pratiqué par les grandes compagnies pétrolières et gazières. Il voulait convaincre que cette prise de position antiécologique lui était dictée par le souci de créer des emplois, alors que la transition écologique en matière de ressources énergétique est tout aussi créatrice d’emplois et d’indépendance énergétique. Nul n’ignore les dégâts écologiques que l’extraction du gaz de schiste provoque. Il suffit d’aller faire un tour au Etats-Unis pour s’en convaincre. Même son choix d’avancer sa campagne aux élections présidentielles en passant par la présidence de l’UMP relevait d’un calcul machiavélique. Il a voulu couper l’herbe sous les pieds de Juppé et Fillon, tout en se plaçant dans une position présidentiable qui, devait-il penser, le mettrait à l’abri des multiples procédures judiciaires si les sondages lui étaient favorables. Les journalistes n’arrêtaient pas de vanter son habileté politique et à force d’habileté, il y aurait bien un moment où « trop, c’est trop ». Le moment est arrivé, car sa prétendue habileté ne faisait que mettre en évidence son cynisme et son hypocrisie qui renvoyait l’éclat trompeur de celui qui méritait plus le mépris que les louanges.
Tout le monde avait compris que Nicolas Sarkozy n’avait pas changé et, pour reprendre une formule de Machiavel, il ne cheminait qu'entraîné par la force de son naturel. Il jouait sa carte personnelle en s’entourant d’une garde prétorienne aux dents longues. Cela nous amène à la deuxième pièce de théâtre citée qui donne un aperçu peu flatteur des coulisses de la politique : Les cartes du pouvoir, de Farraguth North de Beau Willimon, mis en scène par Ladislas Chollat
Jusqu’où les politiques sont-ils prêts à aller pour conquérir le pouvoir ? Défendent-ils des idées ou se battent-ils pour leurs ambitions personnelles ? Faut-il mettre ses principes de côté pour gagner une élection ?
Les Cartes du Pouvoir est l'adaptation française de la pièce de théâtre Farragut North écrite par Beau Willimon et sortie en 2008. Elle est tirée de l'histoire vraie de l’ancien gouverneur américain Howard Dean. Elle a été adaptée au cinéma : un film qui avait fait l'ouverture de la Mostra de Venise « Les Marches du Pouvoir » (The Ides of Marchs, 2011) réalisé par et avec George Clooney de Nespresso.
Synopsis : Stephen Bellamy, attaché de presse et conseiller de campagne du gouverneur Morris est jeune, séduisant, brillant, ambitieux et déjà très expérimenté. Il prépare les primaires de la présidence américaine, sous la tutelle de Paul Zara, directeur de campagne incontournable qu'il admire et dont il a toute la confiance. Tous deux, profondément convaincus de leurs idéaux politiques et sociaux, s'engagent honnêtement, avec une solidarité indéfectible dans ce combat électoral. Mais il faut gagner... Dans le jeu des Cartes du Pouvoir, la trahison est-elle inéluctable ? A travers la pièce, le spectateur assiste donc à trois échecs différents : celui du personnage de l’attaché de presse qui finira seul, hargneux et désabusé, celui du candidat malheureux, et celui d’une Amérique qui ne pourra élire un président qui aurait réellement fait la différence.
Sarkozy et Hollande partagent un aspect du machiavélisme. Après avoir accédé machiavéliquement au pouvoir, ils auraient voulu se maintenir dans une situation ouverte à tous les retournements. « Si tu savais changer ton caractère, quand changent les circonstances, ta fortune ne changerait point », écrivit Machiavel. Ils ont retenu la leçon, comme ils en ont retenu une autre : « Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus. » Mais, pour ne pas laisser voir cette perfidie, il doit aussi « posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler ». Son hypocrisie doit le faire paraître « tout plein de douceur, de sincérité, d’humanité, d’honneur, et principalement de religion ». L’humanisme n’est chez eux qu’un ingrédient dans les discours de campagne électorale. L’honneur ? Il aurait fallu qu’ils honorent leur mandat de Chef d’Etat au lieu que ce soit le titre de Président de la République qui les honore à tort. Pour ce qui est de la sincérité, elle est un calcul comme un autre, pour reprendre un extrait de « Becket ou l’honneur de Dieu » (Jean Anouilh). La douceur ? Celle du gant de velours ou, en osant une trivialité, de la vaseline. Leur religion est le culte l’argent.
Sarkozy et Hollande ont sans doute oublié ce que disait Rousseau de Nicolas Machiavel : « En feignant de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince est le livre des républicains ». Les vrais républicains en ont une autre lecture qu’eux et pensent qu’il ne faut pas sous-estimer l’intelligence du peuple, au point de le manipuler deux fois. La France gagnerait à ne plus faire de la présidence de la république l’enjeu de politiciens qui n’ont retenu de Machiavel que les manigances, les manipulations et le mépris du peuple.
Nous sommes au XXIème siècle et leur maître à penser vivait en d’autres temps et sous d’autres cieux. Nicolas Sarkozy est un petit président déchu démocratiquement après un quinquennat. Il voulait que les fonctionnaires soient recrutés avec un CDD de cinq ans. Il faut rappeler qu’un CDD de Président de la République coûte ensuite à la France entre 1,5 et 2 millions d’euros par an à vie au profit de chacun d’eux. Nous avons entretenu à grands frais Chirac et Giscard d’Estains. Sarkozy et Hollande ont pris la relève. Qui ne rêve pas d’un CDD pareil. Nous proposons que le Président de la République ne fasse qu’un seul quinquennat et que des réformes constitutionnelles nous sortent de cette république bananière placée sous la présidence d’un monarque élu. Cela nous mettrait aussi à l’abri d’une éventuelle monarchie familiale.
Sous une allure sympathique, BC BG, peut se cacher un vrai pourri, cynique, imbu de sa personne, imbuvable, égoïste, manipulateur, intéressé, colérique… En un mot « détestable » ! C’est Stephen Bellamy, l’un des personnages de la pièce, joué en 2014 par Raphaël Personnaz dans la pièce « Les cartes du pouvoir ». On entre dans ce petit monde de la politique qui est fait aussi d’attachés de presse et de journalistes aux dents acérées. Nous plongeons au cœur d'un monde où tous les coups sont permis tant que l'on ne se fait pas prendre. Dans le jeu des Cartes du Pouvoir, la trahison est-elle inéluctable ? L'engagement humain professionnel et privé, se fait et se défait lorsqu'il est confronté à la grandeur et la décadence de la cynique quête du pouvoir. Cela vous fait-il penser à quelqu’un en particulier et à quelques-uns en général ? En faisant de Stephen Bellamy et du gouverneur Morris, le mixte d’un seul et même personnage, j’y vois le profil cynique et hypocrite de l’actuel locataire de l’Elysée qui poursuit l’œuvre de ses prédécesseurs et en particulier celle de Sarkozy avec les mêmes objectifs. Ils pensent tous les deux que le peuple aime le roman et les charlatans. Pour eux, le peuple est un éternel mineur, pour reprendre Gustave Flaubert dans sa Correspondance.
Si l’on revient sur les élections présidentielles depuis 2017, on doit reconnaître que Machiavel avait raison lorsqu’il a écrit : « « En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal ». Il faut préciser que le plus souvent le moindre mal s’avère être l’égal du pire. Le pouvoir corrompt avant d’être corrompu. Macron et sa morale ? Il la porte, pour lui-même, comme sa houppette et, pour les autres, comme une brosse métallique qui racle la peau. Un grand nombre d’électeurs finissent par se lasser de tout. Cela fait sans doute partie de son calcul si l’on réfléchit à la montée vertigineuse de l’abstentionnisme.
Les Français en ont sans doute leur claque de cette clique de politiciens qui devraient prendre leurs cliques et leurs caques et disparaître, pour que l’on puisse s’exclamer : bon débarras ! Malheureusement ils ont déjà leurs jeunes vieux aux portes du pouvoir, des jeunes « politicaillons » triés sur le volet du conservatisme réactionnaire et de l’ultralibéralisme. Inutile de donner des noms, ils se font déjà connaître. Certains ont fréquenté les lycées bourgeois du 6ème arrondissement de Paris et d’autres ont posé les fesses sur les bancs de l’ENA ou à la Sorbonne. Des « fils de » et des « filles de » ont leurs avenirs déjà tracés. Certains iront parfaire leur formation dans une université américaine. Pour être un parfait ultralibéral, il faut parler la langue des Yankees. Le passage comme conseiller dans une banque de l’Oncle Sam est recommandé. Associé-gérant chez Rothschild, c’est un ticket d’entrée à l’Elysée. Il paraît que « banquier d’affaires » est un « métier de pute » où l’on apprend à manipuler l’opinion, dixit Alain Minc et François Henrot, interrogés sur Emmanuel Macron qui aurait toutes les qualités pour ce métier. ( https://youtu.be/w4zFA3oH5dY?si=DnnF9tGQ8SU7Yid2)
Macron, ministre de l’économie à l’époque, lui-même a déclaré : « D’une certaine manière, [quand on est banquier] on est comme une prostituée. Le boulot, c’est de séduire ». On est déçus, on aurait aimé un peu plus de détails. Après le "séduire" il y a quoi ? ( une interview au Wall Street Journal, 2015). L’art de plaire est l’art de tromper, écrit Vauvenargues dans « réflexions et maximes ». Toutefois pour vouloir séduire, il faut se croire séduisant et c’est là qu’est le piège. Le séducteur finit par ne tromper que lui-même en se pensant irrésistible. Il tombe dans le narcissisme qui le conduit à l’égocentrisme pour finir mégalo.
C’est l’itinéraire de l’enfant gâté. Rien à voir avec le film de Lelouch et le personnage de Sam Lion joué par Jean-Paul Belmondo. L’enfant gâté est celui qui né le cul dans le gâteau et une cuillère en argent dans la bouche, celui à qui sa mère explique qu’il est un petit génie et à qui l’on paie des études onéreuses avant de la placer sur orbite grâce à des relations dans la haute bourgeoisie. Souvent la femme prend la suite de la mère pour entretenir le petit génie dans son narcissisme qui lui a fait prendre une grande assurance. Il finit par croire en lui-même encor plus que son entourage croyait en lui. C’est ainsi qu’il atteint très rapidement son niveau d’incompétence selon le principe de Peter, mais il n’en prend pas conscience. C’est là que réside sa dangerosité. Pour séduire, il a appris à communiquer. Dans ses discours, il éjacule des mots rares ou désuets qui lui procurent une grande jouissance toujours renouvelée. « Ah !... Qu’il est bon de renaître ! » déclamait-il à 15 ans, épouvantail dans « La comédie du langage », œuvre de Jean Tardieu. On sentait déjà chez l’élève de Brigitte Trogneux cette jouissance et cet éveil au machiavélisme. On peut parler aussi chez lui de « jaculation des mots ». Cette jaculation de mots de Tardieu est aussi bien « lalangue » de Lacan… mais on entre là dans le domaine de la psychanalyse et de la santé mentale. Nous laissons cette exploration clinique de la pensée macronienne à des doctes spécialistes.
La France doit redouter également les gens qui sont capables de rien et les gens qui sont capables de tout. C’était un conseil d’Adolphe Thiers. Macron est capable de rien mais prêt à tout. Ce « en même temps » est la double raison de redouter ses actions, même si, en 2027, il devrait rendre les clés de l’Elysée.
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