Les cercles de silence
Lancés à Toulouse par des chrétiens exaspérés par le traitement des sans-papiers, des cercles de silence se développent partout en France. Des militants muets et immobiles se retrouvent régulièrement pour défendre la même cause.

J’ai découvert l’existence des cercles de silence dimanche dernier, par hasard, en zappant sur la télévision pour échapper au tintamarre des élections américaines. Comme l’idée m’intéressait, je me suis documentée sur internet, et je viens donner ici quelques brèves informations sur ce mouvement.
Révoltés par l’enfermement des migrants sans-papiers dans le centre de rétention de Cornebarrieu (Haute-Garonne), les franciscains de Toulouse ont initié l’année dernière un mode de protestation originale qui ne cesse de faire des émules. Depuis le 30 octobre 2007, tous les derniers mardis du mois, les religieux et leurs amis organisent un « cercle de silence », une heure, en fin d’après-midi, en cercle au milieu de la foule de la place du Capitole. C’est pour cette raison que j’ai illustré cet article de la figure de saint François d’Assise, fondateur de l’ordre des franciscains.
Ces rassemblements protestent silencieusement contre les conditions de vie des étrangers sans-papiers dans les centres de rétention administratifs. De nombreuses villes ont suivi le mouvement. Certains participants sont croyants, d’autres non. Beaucoup d’entre eux ont dépassé depuis longtemps l’âge de manifester dans la rue, d’autres non. Ils ne disent pas qui ils sont. On sait seulement que différentes organisations, religieuses ou laïques, ont appelé leurs membres à se joindre au mouvement. Ils se tiennent droits et recueillis, incitant des passants intrigués à chuchoter entre eux après avoir déchiffré le tract que presque tous portent dans le dos : « Nous dénonçons l’enfermement des étrangers dans les centres de rétention ». Parfois des passants se joignent au cercle, qui peut s’agrandir jusqu’à 150 personnes.
Dans la France entière, chrétiens et laïcs sont nombreux à utiliser ce mode de protestation non violent pour exprimer leur refus de la politique menée en France envers les étrangers. Chaque mois ou même chaque semaine, ils se réunissent pour former un cercle silencieux pendant une heure au centre de la ville : à Nice (place du Palais-de-Justice), à Montélimar, à Orléans, à Rennes, au Havre, à Bayonne, à Dijon, à Bordeaux (place Pey-Berland), à Grenoble, à Épinal, à Auxerre, à Avignon, à Paris (place du Palais-Royal), à Saint-Dié, à Metz, à Béziers, à Lille (place de la République), à Marseille (place Félix-Baret), à Montpellier, à Nantes, à Pau, à Reims, à Rodez, à Saint-Étienne, à Tarbes, à Toulouse (place du Capitole), à Tourcoing, à Tours, à Étampes, au Puy-en-Velay, à Strasbourg, à Castres, à Massy, à Melun, à Rouen, à Sète, à Lyon (place des Terreaux), à Villeneuve-sur-Lot, à Annonay…
Les franciscains de Toulouse ont rédigé un texte à l’intention de tous ceux qui ont développé cette forme de mobilisation. On le trouve sur le site de Toulouse Réseau Unitaire Citoyen.
Au-delà de la question des centres de rétention des sans-papiers, on peut se demander pourquoi le silence est si important pour ce mouvement. Il n’est pas très étonnant que l’idée vienne des franciscains, car on sait bien que les moines aiment le silence. Nous, au contraire, nous sommes intoxiqués par le bruit. Dans le train, dans le bus, nous avons des écouteurs collés aux oreilles. En arrivant à la maison, nous branchons machinalement la radio ou la télévision. Les ados se précipitent sur l’ordinateur pour retrouver leurs jeux vidéo. J’ai lu quelque part que les journalistes de la radio font la chasse aux silences parce que quelques secondes de « blanc » leur font perdre de l’audience. Si le silence nous angoisse à ce point, n’est-ce pas parce que le bruit nous évite de réfléchir ?
Le bruit matériel n’est pas le seul qui occupe notre esprit. Il y aussi ce bruit intérieur provoqué par l’amour, la haine, les passions, les émotions, à la lecture d’une lettre par exemple, ou d’un article de journal. Difficile de s’en défaire. Un moment de silence dans nos pensées peut nous aider à retrouver un peu de sagesse.
Ce n’est qu’une simple idée.
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