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Accueil du site > Tribune Libre > Les Chinois plus européistes que les Européens

Les Chinois plus européistes que les Européens

Par européisme, entendons la volonté de rassembler les européens dans une structure puissante et indépendante. Les Américains sous cet angle ne sont en rien des européistes. De plus en plus d'européens eux-mêmes se détournent de cette option pour en revenir à des préférences nationales. Or la Chine affirme au contraire vouloir participer à la construction d'une Europe européiste. 

 Ce n'est évidemment pas par altruisme qu'elle agit ainsi, mais parce que son intérêt, pense-t-elle, est de se confronter avec une Europe puissance capable d'équilibrer sa propre puissance, et de dialoguer avec elle d'égale à égale, en conjuguant les efforts pour la mise en place de grands projets ambitieux. Mieux vaut négocier avec un interlocuteur unique et suffisamment sûr de lui pour ne pas entretenir de réflexes de peur, que s'épuiser à tenter de convaincre 27 Etats faibles, opposés les uns aux autres et nourrissant face à la Chine des réactions de repli.

Nous avions déjà observé, en commentant le programme chinois de Nouvelle Route de la Soie, que les autorités chinoises le présentent, non comme un instrument de conquête, jouant des oppositions entre Etats traversés, que comme un lien permettant de rapprocher ceux-ci entre eux tout autant qu'avec la Chine, y compris dans le cas de frères ennemis comme le Pakistan et l'Inde. Ce rapprochement est d'ailleurs nécessaire à la bonne mise en place de cette Route de la Soie. Peut-on construire des liaisons maritimes et terrestres entre pays qui se font la guerre. De plus, si l'on en croit les Chinois, cette Route jouera dans les deux sens. Autrement dit, elle facilitera certes les exportations et influences chinoises, mais elle devrait réciproquement faciliter l'introduction en Chine de produits et techniques provenant des pays traversés. L'industrie allemande semble d'ailleurs l'avoir parfaitement compris.

Plus récemment, la Chine avait créé la surprise en ouvrant la récente Banque asiatique pour le financement des infrastructures (AIIB) aux capitaux de tous les centres financiers mondiaux qui souhaitaient y participer. Les banques européennes avaient d'ailleurs compris que leur intérêt était là. Au grand déplaisir de Washington, elles se sont empressées de postuler à la codirection de l'AIIB. Les sommes disponibles actuellement restent modestes au regard des trillions de dollars nécessaires à la mise en oeuvre de tous les projets envisagés pour cette Route de la Soie, mais elles grandiront nécessairement au fur et à mesure que ces projets se révéleront profitables à l'ensemble des partenaires.

Une « Plateforme de connectivité »

Sans attendre, la Chine a décidé d'élargir encore sa démarche, en proposant aux autorités européennes de participer à la mise en place d'une « Plateforme de connectivité » qui rassemblera tous les partenaires autour de programmes partagés, non seulement dans le seul domaine des transports, mais dans la réalisation de vaste ambitions communes. Mais pour cela, conformément à sa démarche « européiste », elle a dès le départ choisi de s'adresser aux autorités européennes, Commission européenne, conseil des ministres européens et Banque centrale européenne. On ne voit pas d'ailleurs comment elle aurait pu procéder autrement.

Curieusement, pour ceux qui ne voyaient dans ces institutions qu'une « troïka » juste bonne à sanctionner les écarts des Etats à une rigueur budgétaire stérilisante, la réponse des Européens a été très positive. Des négociations s'étaient tenu dans une relative confidentialité, mais leur résultat vient d'être annoncé, tant à Bruxelles qu'à Pékin. Nous renvoyons les lecteurs à ce que seront les fondements et les objectifs de cette Plateforme de connectivité, telle que présentés par le Conseil européen lui même, fin juin, à la suite d'un sommet Union européenne-Chine qui vient de se terminer. La Commission comme le Conseil européen considèrent manifestement que le cadre de cette Plateforme de connectivité permettra au mieux de préciser les projets d'investissement encore vagues qu'ils avaient envisagés, notamment ceux concernant les 300 milliards d'euros évoqués par le plan dit Juncker. La déclaration finale convient de réunir le plus vite possible un Sommet pour cette Plateforme. Nous en reparlerons nécessairement ici.

Dans l'immédiat, nous pouvons faire deux observations. La première est que la Plateforme sera nécessairement considérée aux Etats-Unis comme une gifle infligée à Obama. Celui-ci, comme le département d'Etat et le lobby militaro-industriel, ont entrepris de traiter la Chine comme, après la Russie, le second ennemi héréditaire de l'Amérique. C'est dans la zone pacifique que les efforts pour contenir la Chine sont les plus évidents, mais, avec la Plateforme, un nouveau front anti-chinois s'imposera nécessairement aux stratèges américains à leur Est, dans cette Europe qu'ils avaient de bonnes raisons de considérer comme un ensemble de colonies dominées par eux. On peut d'ailleurs se demander ce qu'il adviendra des négociations pour le Traité transatlantique dit TTIP. Si celles-ci doivent faire une place à la Chine, elles n'aboutiront jamais. Les adversaires du TTIP en Europe s'en réjouiront.

La deuxième remarque concerne la place future de la Russie dans ces projets de Plateforme. Géographiquement et économiquement, la Russie devrait en être un partenaire significatif. La Chine est, comme la Russie, membre du Brics. Les nécessaires coopération entre l'Europe et le Brics (euroBrics) que nous considérons ici comme indispensables à l'avenir de l'Europe, avaient jusqu'ici piétiné du fait de la soumission scandaleuse des Européens aux « sanctions » imposées par les Etats-Unis à la Russie. On peut penser que les intérêts économiques et politiques européens, souffrant gravement de ces sanctions décidées à Washington, saisiront l'occasion de la Plateforme pour participer à des projets communs intéressant, non seulement la Chine, mais inévitablement la Russie, alliée de la Chine. Ce sera une excellente chose.

 

 Sources

EU-China Summit - Council of the European Union Joint statement

* Voir aussi deux article de Friends of Europe et de EUobserver

http://www.friendsofeurope.org/global-europe/eu-china-connectivity-thinking-big-acting-small/

https://euobserver.com/opinion/129415

 


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7 réactions à cet article    


  • V_Parlier V_Parlier 4 août 2015 13:16

    Il n’est certes pas surprenant que les Chinois soient européistes car c’est en effet dans leurs intérêts. Cependant un raison de taille a été oubliée : L’UE est la zone la plus « libre-échangiste » du monde, empêchant à ses membres toute régulation du commerce. Ca ne peut être qu’un avantage pour la Chine, trop heureuse de négocier en piètre contrepartie l’achat de quelques trains et avions à ses conditions bien avantageuses (transfert de technologies, etc....).
    Bref, cette raison d’être européiste me semble bien plus probable que cette noble volonté de discuter « d’égal à égal ».
    Remarquez que je ne reproche pas à la Chine d’agir dans ses intérêts dans le cadre des lois internationales (ce qui n’est pas le cas de tout le monde, US/UE en tête). Mes reproches vont envers ceux qui finissent de nous liquider (industrie, recherche, secteurs stratégiques, souveraineté...) pour le plus grand bonheur de la Chine. Au début c’était ma hantise, mais finalement quand je vois ce que l’UE est capable de commettre comme crimes dans le monde avec l’approbation tacite de ses peuples, je me dis que nous l’aurons peut-être mérité. Ca va faire mal... Mais çà aura au moins le mérite de calmer les USA.


    • Rincevent Rincevent 4 août 2015 13:27

      Décidément les Chinois sont partout, sur tous les fronts, dans tous les coups. L’Empire déclinant, un autre se lève ?


      • Doume65 5 août 2015 00:18

        « au regard des trillions de dollars nécessaires à la mise en oeuvre de tous les projets envisagés pour cette Route de la Soie »

        Quel est l’intérêt d’énoncer de telles stupidités. Un trillion, c’est un milliard de milliards. Il faudrait donc plusieurs milliard de milliards de dollars (tiens, le Yuan n’exise plus...) pour mettre en œuvre cette route de la soie ? Absurde !


        • Cyborgien 5 août 2015 01:26

          « Il ne peut pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens »
           
          théorème de Juncker
           
          « Pour discuter des affaires européennes, il faut aller aux Etats-Unis »
           
          Poutine


          • V_Parlier V_Parlier 5 août 2015 10:34

            @Cyborgien
            La différence entre les deux est que Juncker promeut le principe alors que Poutine le constate. (Il n’est plus européiste du tout, quoi qu’on pense de lui). Et ce constat est excellent !


          • MagicBuster 5 août 2015 11:50

            Les dictatures rouge, verte, jaunes, bleues s’allient naturellement pour accroitre leur pouvoir.
            Il y en qui appelle ça LA pieuvre.


            • aimable 5 août 2015 13:15

              l’Europe , rassemblée , puissante et indépendante .
              a condition qu’un pays ne dévore pas tous les autres pour en devenir le leader , voir le maitre  !
              ce qui arrangerait les us.

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