• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Les cinq stades de l’effondrement

Les cinq stades de l’effondrement

 « Les cinq stades de l'effondrement » est l'indispensable traité de Collapsologie rédigé par Dmitry Orlov, ingénieur russo-américain et témoin attentif de l'effondrement de l'Union soviétique.

Avis aux amateurs : l'effondrement occidental - en cours - sera infiniment plus destructeur que l'effondrement russe des années 1990.

Explication : les sociétés occidentales sont à la fois individualistes et d'une grande complexité sociale.

Individualistes, leurs populations ignorent les amortisseurs « naturels » que sont la solidarité, la rusticité et certaines formes de corruption, autant de conditions élémentaires de la survie quand la crise survient.

Complexes, les structures sociales occidentales sont incapables de faire face, alourdies qu'elles sont par des régulations et des structures bureaucratiques non productives.
Ici, un gonflement de la bureaucratie militaire produit plus de défaites, des dépenses d'éducation accrues répandent l'ignorance, etc... L’existence même de tels mammouths d'inertie transformera un décrochage régulier en une certitude d'effondrement vertical.

Nous allons vers une destruction accélérée de la complexité sociale. 

Le sujet n'est donc pas de trouver un moyen de perpétuer le système actuel par des médecines douces : manger bio, faire du vélo, interdire les pets de vache, dé-radicaliser les méchants, etc...

Le sujet est de comprendre la mécanique de l'effondrement et d'anticiper les questions posées par la « simplification sociale radicale » qui vient. En dernière analyse, c'est à une réflexion sur le rôle de l'État que nous invite l'auteur.

La mécanique de l'effondrement

Depuis une quarantaine d'années, nos sociétés ont quitté les eaux sereines d'une croissance garantie par la disponibilité de carburants fossiles bon marché. 

La conjonction d'un épuisement accéléré des énergies fossiles et de l'accroissement exponentiel de la population mondiale est mortifère : si elles veulent maintenir leur niveau de vie, les sociétés occidentales doivent vivre à crédit.

En 2008, un effondrement financier d'origine bancaire place les économies occidentales face à des niveaux d'endettement sans précédent qui imposent une dilatation continuelle du crédit pour servir la dette. Mais comment assurer que l'argent créé par le prêt maintienne sa valeur relativement aux biens et services disponibles dans l'économie ?

Le piège se referme puisque « chaque nouvelle tentative de gaver d'économie en imprimant de l'argent fait croître la dette plus vite que l'économie elle-même ». Faute de croissance économique rien ne peut plus soutenir l'allure de l'expansion du crédit. 

Certains gouvernements (Russie et Chine) se sont d'ores et déjà lancés dans une nouvelle ruée vers l'or pour garantir leur monnaie.

En Occident, aucun sous-jacent matériel (croissance ou stock d'or) ne vient plus garantir une dette colossale : elle ne sera jamais remboursée… Sauf miracle technologique (dans le secteur de l'énergie) susceptible de relancer la croissance, pénurie et hyperinflation s'installeront durablement.

Pour Orlov, l'effondrement financier est le catalyseur d'une avalanche d'effondrements qui peuvent être partiellement concomitants : commercial, politique, social, culturel enfin. L'auteur prend ici des accents prophétiques : très vite, « les chaînes internationales d'approvisionnement sont rompus et les circuits de distribution sont vides ».

Les installations particulièrement importantes seront gardées de vive force tandis que la population sera livrée à elle-même. Au moment où le réseau électrique s'effondrera faute de fournitures et d'entretien, tout espoir de rétablissement deviendra illusoire. 

L’État contre le peuple

L’État bourgeois naquit d'une désintégration sociale délibérée (Enclosure Act, Révolution française, « transition démocratique » russe) et d'une violence originelle dont il revendique le monopole légitime.

En mûrissant, l'État substitue aux techniques brutales de dépossession et de répression des méthodes plus sournoises de réglementation et de taxation afin d'« empêcher les travailleurs d'accumuler de la richesse et de reprendre leur pouvoir local ». Cela est d'autant plus vrai en période d'effondrement financier : l’État organise l'oppression fiscale de ses administrés pour flatter la finance vagabonde.

En régime de démocratie représentative, l'allégeance des politiciens ira d'ailleurs plus aisément au banquier qu'au citoyen, puisque c'est du premier qu'ils attendent leur « subsistance et la poursuite de leur carrière politique ». En économie de marché, le commerce est un parasite de l'économie et la finance un parasite du commerce ; le politicien est un super-parasite, obligé de la finance. La souveraineté nationale est troquée contre la possibilité d'un renflouement continuel par les marchés. 

La classe politique occidentale est résiliente à la façon des morts-vivants : une démocratie à l'agonie se mue en farce médiatique alors qu'aucune décision ne peut plus être prise. 

La Tradition contre l’État 

En définitive, la problématique centrale du livre est celle du lien. Si la démocratie représentative est une forme dégénérée de démocratie, l' « économie de marché est une forme dégénérée de contact humain ». La culture locale est phagocytée par le commerce, le lien social est médiatisé par la culture commerciale - magasins, sport-spectacle, distractions, télévision, Internet. Face à l'effondrement financier, les États affaiblis font la guerre à leur peuple pour le rançonner.

Ils se doivent de persécuter les formes potentiellement concurrentes de socialité : famille, clans, tribus. Ces organisations qui peuvent contester l’État et résister efficacement à l'augmentation des acteurs violents dans la société ont toutefois un besoin vital de confiance.

Les États occidentaux jouent donc systématiquement la carte des collections d'individus solitaires dans des sociétés disloquées et ethniquement hétérogènes. Une « démocratie » représentative ouverte à la corruption et aux abus devient antinomique de la démocratie authentique fondée sur cette amitié confiante qu'est la philia aristotélicienne et dont les racines sont nécessairement tribales (Grèce antique, cantons suisses).

Toutes les expériences de construction nationale « démocratique » « à partir d'un matériau ethnique hétérogène se sont avérés de flagrants échecs » qui ne résistent pas à la fiction de l'unité nationale : Rwanda, lrak, Soudan, Congo.

Cela pose bien sûr le problème de l'immigration dans nos pays développés : les pays hôtes qui « ne peuvent plus fonctionner sans un sous-prolétariat importé n'osent plus priver les étrangers d'avantages sociaux » ; ces derniers, comprenant très bien que leur emploi peut à n'importe quel moment être supprimé ou déplacé, développent naturellement une « rhétorique interne d'auto-exclusion ».

Orlov en conclut qu'un État effondré est préférable à un État faible qui se dresse sur la route de l'autogouvernement du peuple. Un prochain collapse électrique pourrait bien sortir les peuples de leurs torpeurs virtuelles et de leurs addictions télévisuelles ! Cesserait alors et d'un même mouvement, le contrôle des populations et leur consentement à l'oppression. 

Restera alors à s'atteler à une refondation sociale dont la conclusion d'Orlov fournit le socle :

« La famille est la société... au fondement de la survie humaine, il n'y a pas d'individus et il n'y a pas d’État : il n'y a que la famille ». 


Moyenne des avis sur cet article :  4.38/5   (13 votes)




Réagissez à l'article

17 réactions à cet article    


  • eddofr eddofr 24 août 2018 11:19

    Je ne suis pas certain que la famille soit « La Solution ».


    C’est effectivement le point de départ minimal d’une reconstruction d’un « collectif » de solidarité.

    Mais si on n’arrive pas à étendre la solidarité au delà, on va pas aller loin ...

    Il nous faut, dés maintenant commencer à reconstruire des solidarités locales et catégorielles ...

    Mais comment on fait  ? Ça je sais pas (sinon je serais déjà en train de le faire).

    • spearit 24 août 2018 13:05

      @eddofr

      La famille n’est qu’un groupe composé « d’individu »...comme tous les groupes d’ailleurs (politique, religieux...)

      Un agrégat d’individu, sous prétexte d’avoir des tendances communes, ne sera jamais qu’un agrégat d’individu...le plus fort se croira toujours le plus fort, le plus malin se croira toujours le plus malin et s’il y a deux individus qui pense être chacun le plus de quelque chose, il se passera ce qui se passe depuis la nuit des temps, ils se mettront sur la gueule...

      Pas plus que la solution ne se trouve dans un chemin à suivre (les il faudrait que...), qui dit chemin dit une méthode pour accéder à quelque chose... et cette méthode conduira toujours à la corruption de ceux qui l’adopte parce que la récompense qui nous attends au bout du chemin devient plus importante que le chemin lui-même et ça termine par « la fin justifie tous les moyens » et on fini par se mettre... sur la gueule

      Nul chemin, nul méthode nous conduirons à l’harmonie, la paix, le bonheur, la liberté...

      Et moi aussi je ne saurais que conseiller, que faire... mais bien souvent « ne pas faire » certaine chose à bien plus d’impact que « faire quelque chose »
      « Dire qu’il suffit que les gens n’achètent pas pour que ça ne se vende plus... » disait Coluche

      Orlov est une personne d’origine russe (fort sympathique au demeurant) qui pense comme un étatsunien...

    • Samy Levrai samy Levrai 24 août 2018 11:20

      Ce Orlov est toujours d’une grande sagacité.


      • Samy Levrai samy Levrai 24 août 2018 12:43

        @cassini
        Oui, un esprit russe qui relève le niveau qui est si bas de l’autre coté de l’atlantique , c’est un peu comme les officiers britanniques qui disaient à je ne sais quel general de Napoleon : vous les français combattez pour de l’argent nous le faisons pour l’honneur et le français de repondre : nous nous battons toujours pour ce que nous manquons le plus.


      • JC_Lavau JC_Lavau 24 août 2018 13:01

        @samy Levrai. à Robert Surcouf !


      • Samy Levrai samy Levrai 24 août 2018 13:14

        @JC_Lavau
        Alors un corsaire pas un général de Napoleon... désolé.


      • wawa wawa 25 août 2018 11:56

        @cassini


        aux dernière nouvelles,il fait du camping près d’un lac en russie


      • Albert123 24 août 2018 12:31

         « épuisement accéléré des énergies fossiles »


        est un mythe auto entretenu, car les gisements qui n’étaient pas rentables ou technologiquement accessibles il y a 30 ans, le sont aujourd’hui, et dans 30 ans d’autres le seront à leur tour.

        la chute du QI moyen en occident est elle une réalité, que l’on peut constater dans le contenu des émissions de TV, le traitement de l’information, l’absence de débat et ce qui caractérise le personnel des médias autorisés.

        La flatterie et le refus du principe de réalité sont désormais chez le plus grand nombre le seul mode d’expression toléré, ce qui constitue en soi un marqueur de l’état de délitement de la civilisation occidentale.

        Aussi quand bien même on trouve encore des intellects viables et porteurs de solutions force est de constater que l’effondrement du niveau moyen amène la masse à ne plus considérer ces éventuelles solutions car elle n’est plus en capacité de simplement les comprendre, ni même capable d’en tolérer la simple écoute.

        Ne parlons même pas de la classe dirigeante élue par cette même masse abrutie, pas beaucoup plus intelligente et surtout totalement aveuglée par diverses idéologies toutes plus stupides les unes que les autres.









        • Samy Levrai samy Levrai 24 août 2018 12:56

          @Albert123
          La vache et moi qui était persuadé que nous parlions d’énergie fossile qui donc ne se renouvelait pas, alors qu’il y en aurait à l’infini et qu’il n’y a qu’à se baisser jusqu’à la fin des temps !



        • Albert123 24 août 2018 14:10

          @samy Levrai

          il n’est pas question de renouvellement des énergies fossiles dans mon propos mais des gisements existants jusque là non exploités pour des raisons de rentabilité (ou de simples contraintes techniques qui ne le sont plus avec le temps).

          de toute évidence votre incapacité à lire et comprendre les propos d’autrui ne fait que souligner la réalité décrite dans la suite de mon commentaire.

        • Samy Levrai samy Levrai 24 août 2018 14:17

          @Albert123
          Non, non, j’avais très bien compris et je trouvais ton commentaire juste vraiment nul... tu sais un truc du style, il n’y a plus d’air non pollué, et dire que si dans les cavernes souterraines il y en a encore mais il faut y descendre pour respirer un peu... pour ton petrole c’est pareil il y en a encore un peu mais pour le trouver tu dois detruire les nappes phréatiques ou depenser des sommes qui serait imperatives ailleurs ( eau, agriculture, autres energies,etc...) donc de toute façon la fin de l’usage du petrole qu’il peut y avoir aujourd’hui. 


        • [email protected] 24 août 2018 20:11
          très bonne synthèse votre esprit a de toute évidence cette capacité bravo
          néanmoins une telle société se mue rapidement en dictature et la population va l embrasser ..
          on verra les vrais résistants ....

          • jjwaDal jjwaDal 24 août 2018 22:03

            Ma grenouille ne voit pas d’effondrement du monde occidental, elle prédit plutôt un glissement du niveau de vie continuel, dû à de multiples facteurs combinés.
            Quelques inexactitudes : l’accroissement exponentiel de la population, quand le taux d’accroissement annuel a été divisé par deux (passé de 2%/an à 1%) entre 1960 et 2017. On garderait ce taux on doublerait d’ici un siècle, on n’en prend pas le chemin. Au besoin 15 milliards d’humains seraient gérables, mais pas avec le style de vie actuel occidental.
            Ensuite l’épuisement accéléré des énergies fossiles... On part d’un stock fini et la consommation augmente, mais la phrase n’a aucune valeur prédictive sinon à l’infini. Quel est le montant de ce stock fini ? Au taux de prélèvement actuel, qu’est-ce qui peut nous faire penser que les renouvelables n’auront pas le temps de monter en puissance pour prendre le relai à temps ? Une large part du pétrole est brûlé dans les transports. Envisage-t’on en situation de crise de continuer le cauchemar environnemental de la voiture individuelle, de continuer le tourisme intercontinental de marchandises qui pourraient être produites localement ? Pas sûr. On pourrait à services rendus voisins consommer beaucoup moins si nécessaire. Par ailleurs, entre le nucléaire ou la bougie quelle fraction de la population choisirait la bougie par amour pour les générations futures (entre 100 000 et 1 million d’années dans le futur) ? Les convictions changent par temps de crise.
            Deux éléments vitaux font tenir notre civilisation : l’approvisionnement en nourriture qui semble ne pas poser de problèmes à terme et l’approvisionnement en énergie de notre armée d’esclaves (les machines), sans lesquelles on retournerait assez vite au Moyen-âge. Je ne sous estime pas les ravages que peut occasionner une crise financière, mais concrètement en 2008, la Terre ne s’est pas arrêté alors que des milliers de milliards de dollar sont partis en fumée. On a cherché les millions d’entreprises fermées, les dizaines de millions de chômeurs faisant la queue devant les soupes populaires, on n’a rien vu. Toutes les grandes entités sont endettées de façon irréversible , Europe, USA, Chine, Afrique.
            Le dollar est du pécul, mais tout le monde en a des quantités énormes, donc on regarde en l’air en sifflotant. Il en serait de même avec l’euro, le yen, le yuan chinois.

            Les Lois de la physique ne changent pas, les règles comptables le peuvent quand c’est nécessaire et si tout le monde boit la tasse, elle changeront vite.


            • zygzornifle zygzornifle 25 août 2018 10:12

              l’effondrement est « en marche » .....


              • Francis, agnotologue JL 26 août 2018 13:27
                ’’En Occident, aucun sous-jacent matériel (croissance ou stock d’or) ne vient plus garantir une dette colossale : elle ne sera jamais remboursée’’ (sic)
                 
                Diable ! du gras, pour bien faire peur !
                 
                Les gros capitaliste s’en foutent : en attendant une hypothétique échéance, ils se gavent et auront l’occasion avant que cela n’arrive, de décupler ce qu’ils ont prêté, lequel « prêté » est le résultat de prêts antérieurs dix fois remboursés par les intérêts perçus.

                • Macondo Macondo 26 août 2018 19:51
                  Quand cela surviendra, sera gravée sur les frontons des monuments aux morts innombrables, la fable du chêne et du roseau ...

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité