Les collégiens en ont déjà plein le dos
Avec la rentrée au collège suit la distribution des emplois du temps et des livres scolaires prêtés par l'établissement et, dans la première semaine, dans encore trop d'établissements, chaque professeur y va de ses exigences en matière de fournitures scolaires : cahier ou classeur, petit format ou grand format, petits carreaux ou grands carreaux, cahier d'exercice et cahier de cours. Le lundi suivant, le collégien doit porter sur son dos, dans des transports publics bondés, un cartable de plus de huit kilos, remplis de livres, de cahiers et de classeurs de tous les formats possibles. Il doit jongler ensuite avec un emploi du temps, qui, de 8 heures du matin à 17 heures, voire 18 heures le soir, le conduira à suivre jusqu'à huit heures de cours de sept matières différentes dans des salles situées à divers endroits du collège.
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La "machine à trier" a commencé son travail par une première épreuve physique : le port d'une lourde charge par tous les temps et dans toutes les situations. Certains, parmi les plus aisés, allègent le fardeau en achetant une série complète de livres pour ainsi laisser un lot dans le casier de l'établissement, quand il est proposé, et l'autre à la maison ; bingo pour les éditeurs de manuels qui réussissent ainsi à vendre plus d'un livre par matière et par élève. Dans le domaine de l'école publique laïque et gratuite, le marché rode aussi.
LES MANUELS SCOLAIRES : INUTILE FARDEAU.
Si le manuel scolaire est censé recouvrir plusieurs fonctions : ressources documentaires, exercices d'application, fil conducteur de l'année scolaire par la mise en perspective du programme officiel, dans les faits, les élèves ne perçoivent pas très bien son utilité si ce n'est d'être un support parmi d'autres de listes d'exercices à faire à la maison. Les enseignants utilisent de manière très inégale cette ressource documentaire obligatoire. L'existence d'autres sources d'informations et de formation, disponibles à travers le réseau internet, réduit le recours aux livres scolaires, mais ces derniers font encore de la résistance et continuent à marquer de leur empreinte le dos des jeunes élèves et à ponctionner le budget des collectivités locales et des familles.
Sans nier la nécessité d'un support physique personnel ( cahier ou classeur ) et documentaire ( livre), il est possible d'en terminer avec les exigences et les lubies de chaque discipline, d'harmoniser les pratiques en la matière et de rechercher des solutions qui intègrent les différentes sources documentaires électroniques ou autres, tout en allégeant le fardeau de l'élève. Mais le problème des livres scolaires n'est qu'un élément de la problématique du partage du temps entre les activités scolaires organisées par l'établissement et les exigences diverses des enseignants en matière de travail à la maison. Pour en finir avec ce collège inique (1) où tout semble conduire inexorablement à la différentiation et à la discrimination, il serait nécessaire de repenser l'organisation du temps scolaire. Aujourd'hui la charge de la journée scolaire évolue au gré des contraintes des emplois du temps des enseignants qui peuvent conduire à une répartition des matières dans la semaine totalement déséquilibrée. Ainsi les cours de Français ou de Mathématiques, en 4°, peuvent être concentrés sur deux jours en début de semaine avec des professeurs qui donnent une série d'exercices à faire un jour pour le lendemain. Le collégien, après une journée de 8 heures de cours, une heure de transport avec sa charge de huit kilos, devra consacrer encore une heure de son temps à la maison à "faire" des exercices. Avec le travail personnel, il s'agit déjà, pour le collégien, d'un emploi du temps de cadre supérieur d'une multinationale, mais sans son secrétariat particulier. Le lendemain, il sera peut-être "libéré" à 15 heures et, suivant sa situation familiale, restera à la permanence, rejoindra la maison et pratiquera ou non des activités complémentaires. Ces variations dans les rythmes quotidiens et les différences dans la conduite des cours et dans les exigences des enseignants, contribuent aussi à accentuer les difficultés pour certains élèves.
Devant cette situation que beaucoup de parents subissent, chacun semble se résigner et renonce à remettre en cause l'existant. Pour réveiller la réflexion sur ce sujet, il nous faut soumettre à la critique des lecteurs quelques propositions dans l'organisation du temps scolaire dans la journée et dans l'année, pour ensuite repenser la conception des manuels scolaires afin de faire du parcours au collège autre chose qu'un parcours d'obstacles inutiles et préjudiciables à l'épanouissement de l'élève.
POUR UNE NOUVELLE ORGANISATION DE LA JOURNÉE AU COLLÈGE.
Consacrer les matinées aux cours fondamentaux ( Français, Mathématiques, Histoire-Géographie, Sciences et langues vivantes) en faisant évoluer la durée des cours de 55 minutes vers 45 minutes ne changerait rien à l’efficacité d’une séquence. Ainsi l’enseignement au collège pourrait être organisé en 25 modules de 45 minutes par semaine, dont la moitié pour l’apprentissage de la langue française et l’enseignement des mathématiques, à raison de cinq modules par matinée, de 8h 30 à 12h30, pendant cinq jours.
Les après-midis, de 13h30 à 17h30, pourraient être réservées à des activités sportives et artistiques, à des travaux pratiques, organisées en atelier à thèmes sur un trimestre, à l’accompagnement personnalisé, à la remédiation ou à l'approfondissement, à la recherche documentaire en apprenant à utiliser les réseaux informatiques et à l’étude personnelle encadrée pour faire les exercices et travaux exigés pour la compréhension du cours.
Ainsi tous les élèves quitteraient l’établissement à la même heure, libérés du travail personnel. Le temps d'activité scolaire à la maison pourrait être consacré exclusivement à la lecture ou au visionnage d’émissions suggérées par les professeurs. Tant qu'ils existeront, les livres scolaires distribués par le collège, pourraient ainsi rester dans les casiers.
POUR UNE NOUVELLE ORGANISATION DE L’ANNÉE SCOLAIRE
L’enseignement organisé en niveau de la durée d’une année scolaire de 36 semaines est trop long ; il ne permet pas de poser clairement les objectifs et de mettre en place des stratégies de remédiation.
Organiser les cours en unité d’une durée de 13 semaines - 12 semaines de cours et une semaine d’évaluation, ( avec une semaine de vacances en milieu de cycle et deux ou trois semaines à la fin et cinq semaines en été) permettrait de mieux fixer les enjeux en « colorant » différemment chaque trimestre en fonction des thèmes abordés. Au cours des quatre années du collège ce seraient 12 unités trimestrielles à organiser. La dernière pourrait être consacrée à la certification des connaissances et des savoirs acquis dans cette école fondamentale que devrait être le collège et à un stage dans la vie active pour préparer l’orientation.
DES ENSEIGNANTS FAISANT AUTORITE DANS LEUR DISCIPLINE AUTOUR D'UN DIRECTEUR DE CLASSE
Une des difficultés de l’enseignement au collège est aussi le passage brutal d’un enseignement pluridisciplinaire autour d’un maître, le professeur des écoles, à l’école élémentaire, à un enseignement cloisonné par matière en 6°, sans qu’aucun des professeurs n’ait la maîtrise de la conduite de la classe, le rôle du professeur principal étant en pratique très réduit.
Pour transmettre des connaissances, la qualité de la relation enseignant-élève est fondamentale, elle induit respect et écoute. Créer la fonction de directeur de classe est nécessaire pour que l’élève ait la conviction d’être réellement suivi et accompagné. Professeur d’une discipline fondamentale, il serait déchargé partiellement de cours pour assurer cette conduite de la classe et les tâches qui en découlent : le suivi individuel des élèves, les réunions avec l’équipe pédagogique, avec les représentants des élèves et des parents, l’organisation des modules de soutien, des évaluations, la médiation et la gestion des conflits. Pour cela il disposerait d’un bureau, il serait aussi le représentant auprès de la direction de la classe et il contrôlerait l’ensemble de la vie scolaire de l’élève et gérerait les sanctions. Il s’agit ainsi de permettre une très forte réactivité de l’équipe pédagogique face aux difficultés rencontrées par un véritable pilotage de la classe et le choix de stratégies pour la réussite de tous les élèves. Il revient à l'administration de l'établissement et de l’Éducation Nationale, de faire émerger ce nouveau métier en proposant une formation et des perspectives de carrière qui valorisent ces nouvelles responsabilités exercées par ce directeur de classe.
Pour une acquisition plus sereine des connaissances, une charte des attentes de l’équipe pédagogique, avec une présentation en classe, par chaque professeur, du déroulé du trimestre avec les modalités des évaluations, doit permettre à l’élève de savoir ce que l’on attend de lui dans le cadre de ses études. Il doit pouvoir mettre en perspective son trimestre et organiser son travail en fonction de tous ces éléments. Le redoublement d’une unité deviendrait inutile. Il serait en effet, dans ces conditions, plus facile sur un trimestre de concevoir des stratégies de remédiation adaptées à chacun.
DEUX MANUELS ET DEUX CLASSEURS SUFFIRAIENT
Ce cadre général posé, il est possible de définir un cahier des charges pour la conception du fameux manuel scolaire, support nécessaire au bon déroulé des enseignements. L'objectif étant de réduire la charge de l'élève à seulement deux livres par trimestre. Le premier, véritable manuel trimestriel pluridisciplinaire, regroupe l'ensemble des documents et les coordonnées des ressources complémentaires autour des trois ou quatre thèmes étudiés dans chaque champs disciplinaires, (adresses de sites, livres à lire, films à visionner, etc.. ), à exploiter par les enseignants dans les séquences qui constituent un trimestre. Le second est un livre d'entrainement pluridisciplinaire dont le contenu est organisé autour d'une liste de travaux et d'exercices que l'élève doit réaliser pendant le trimestre, dans une matière ou dans une approche pluridisciplinaire.
Avec ces deux livres par élève, deux classeurs individuels trimestriels pluridisciplinaires, un de cours, l'autre pour les travaux personnels, permettraient d'archiver à la maison les feuilles de cours ou d'exercices par matière et par date. Ces classeurs, seraient évalués régulièrement par les enseignants.
A la fin du trimestre, après les évaluations finales, l'élève conserverait ces deux manuels avec les deux classeurs comme référence des savoirs acquis pendant un trimestre.
Ainsi abandonner les manuels scolaires actuels, requiert une réflexion globale sur l'organisation des enseignements au collège, en vue d' alléger le fardeau de l'élève, d'en terminer avec des exigences inutiles, de mieux organiser le temps de l'élève, d'accompagner l'élève vers des évaluations programmées sur des sujets connus, d'aider le collégien à surmonter ses difficultés. Ces mesures contribueraient à la réussite de tous. Mais est-ce bien la mission de ce collège unique que de donner à tous ce socle de connaissances nécessaires pour vivre ensemble en bonne intelligence ? On peut en douter quand tout semble concourir à la réussite individuelle de quelques-uns au dépens des difficultés du plus grand nombre et de la construction d'une culture commune, fondement de toute communauté de destin.
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(1) Voir l'article "brevet des colleges:vive le college inique pour tous".
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