Les conflits en Syrie, Afghanistan, Yémen et Libye se dirigeront-ils vers le chemin de la paix ? Une bonne nouvelle pour les peuples-martyrs
« Au moins 34 soldats turcs ont été tués et une trentaine blessés dans la province syrienne d'Idleb. Ils sont morts dans des raids que la Turquie attribue au régime syrien. Ankara a aussitôt riposté en bombardant des positions du régime de Bachar al-Assad. Des bombardements de représailles menés par l'armée turque ont tué vingt combattants du régime syrien dans le nord-ouest de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Vendredi, un soldat turc est mort dans une nouvelle attaque des forces syriennes.
Le bombardement de positions turques et la mort d'au moins 33 soldats jeudi, en Syrie, a provoqué une crise impliquant directement la Russie, la Syrie et la Turquie, avec la question migratoire en toile de fond.
L'Otan dont fait partie la Turquie, s'est contentée d'exprimer sa solidarité lors d'une réunion d'urgence vendredi, alors que l'escalade des tensions ébranle la communauté internationale. L'Union européenne s'est inquiétée d'un « risque de confrontation militaire internationale majeure » en Syrie. » (1)
Le 28 février 2020, le site Sputnik donne une situation de guerre entre les forces gouvernementales syriennes et l’armée turque. « L’agence officielle turque Anadolu a affirmé qu’au cours de ces deux dernières semaines les forces d’Ankara ont neutralisé environ 130 unités de matériel de guerre des troupes gouvernementales syriennes.
L’agence indique que les frappes turques menées pendant 17 jours ont détruit 55 chars d’assaut, 18 blindés et 21 autres véhicules militaires, ainsi que 29 mortiers et trois hélicoptères. 1.700 miliaires ont été mis hors de combat. » Donc une guerre est en train de s’amorcer avec une participation directe de l’armée turque dans la bataille d’Idlib. » (22)
Pourtant, même si la Turquie et la Russie soutiennent des camps opposés en Syrie, elles ont renforcé leur coopération sur ce dossier, en parrainant un accord de cessez-le-feu lors d'un sommet à Sotchi en 2018. Et, paradoxalement, ils gardent le contact. Pour éviter de nouveau que la situation dérape et surtout que les violences ont provoqué une catastrophe humanitaire, avec l’exode de 900 000 civils, entre hommes, femmes et enfants, qui ont fui les combats, et se sont déplacés vers la frontière turque, un accord liant les deux parties a été annoncé, à Moscou, pour un cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie. Il est entré en vigueur le jour même, le jeudi 5 mars 2020, à minuit, en vue de mettre un terme à l’escalade de la violence dans la région d'Idlib. La Turquie a cependant prévenu, pour « éviter que la crise humanitaire n'empire », « se réserve le droit de répliquer de toutes ses forces et partout à toute attaque du régime de Damas. »
Il est clair qu’une escalade de la guerre serait catastrophique sur le plan humanitaire, mais aussi en destructions et vies humaines. Et un déplacement de millions de réfugiés vers la Turquie. La Russie ne gagnerait rien en provoquant une catastrophe humanitaire, et un affrontement entre les deux armées serait totalement contreproductif tant pour la Russie que pour la Turquie. Une guerre qui amènerait inévitablement les États-Unis et l’OTAN à prendre parti pour la Turquie. Donc aucun gain sinon un enlisement extrêmement dommageable pour les deux pays.
Pour montrer ses bonnes dispositions vis-à-vis du conflit syrien et de la crise humanitaire à Idlib, Moscou a demandé une réunion du Conseil de sécurité à huis clos pour informer les membres du conseil de sécurité sur l’accord du cessez-le-feu, ce qui est très positif et laisse entrevoir une solution qui peut être durable. Et peut-être que, cette fois-ci, cet accord changera le cours de la guerre en Syrie. Et tout le laisse entrevoir, les deux pays sont au pied du mur. Ils s’entendent ou ils avancent dans l’irréparable.
« Selon le texte de l'accord consulté par l'AFP, la Russie et la Turquie organiseront à partir du 15 mars des patrouilles communes sur une large portion de l'autoroute M4, un axe crucial pour le régime traversant la région syrienne d'Idleb. Ce sera la première fois que Russes et Turcs patrouillent ensemble dans cette zone. » (AFP, 6 mars 2020)
L’autoroute M4, selon les accords entre Moscou et Ankara, constituera un « couloir de sécurité » de six kilomètres de profondeur de part et d’autre de cette autoroute, soit une zone tampon de 12 kilomètres de large au total. Cela nous rappelle la ligne de démarcation militaire (LDM) entre les deux Corées, suite à l’armistice signé en juillet 1953. Et si c’était le cas dans cette guerre internationale en Syrie, en 2020, bien sûr avec d’autres développements mais qui donneront la paix à la région.
Et que ces accords infèreront sur les autres conflits de la région, notamment en Afghanistan, au Yémen, en Libye… qui sont traversés pratiquement par les mêmes enjeux. Des désaccords régionaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, avec immixtion des grandes puissances dans les conflits.
Pour avoir une idée des développements en cours dans le monde arabe, tentons de comprendre l’histoire qui a abouti à cette situation complexe du monde arabo-musulman.
Il faut partir de l’Arabie saoudite, de son régime monarchique qui s’appuie sur le wahhabisme, par lequel elle tire la puissance mobilisatrice de son pouvoir et son alliance avec les États-Unis, scellé sur le croiseur USS Quincy, en février 1945. C’est le pacte du Quincy.
Il est connu que le monde musulman qu’il s’agisse du monde arabe ou non arabe, leurs peuples sont très imprégnés de l’islam. C’est une donnée historique intangible et apparaît aussi comme une protection contre l’occidentalisation du monde aujourd’hui tout azimut. En clair, les peuples musulmans veulent se moderniser mais tout en gardant leur identité, leur religion par laquelle ils ne font qu’un.
Précisément cette identité du monde musulman dans l’islam va permettre à l’Arabie saoudite, dans les années 1970, suite aux chocs pétroliers, et grâce aux pétrodollars, avec l’assentiment de l’Occident, à propager l’islam, par la construction de mosquées partout dans le monde. Cette poussée de l’Islam, via les mosquées dans le monde, surtout en Occident, s’inscrivait dans la compétition Est-Ouest. Il existait donc une vision géostratégique en Occident qui lui permettait, par l’alliance avec l’islam, et les doctrines islamistes foisonnaient, d’en tirer parti au maximum sur le bloc communiste. Pour l’Arabie saoudite, cela lui permettait de s’assurer le leadership sur le monde musulman et la pérennité de son régime absolutiste.
Cependant les guerres israélo-arabes et la politique de deux poids de mesures des États-Unis envers Israël et les pays arabes ont faussé cette stratégie et provoqué un effet inverse. L’islam est devenu une contre-force aux dérives subversives des États-Unis et aux multiples guerres qu’ils ont suscitées pour garder la mainmise sur les riches gisements de pétrole de cette région.
A la fin des années 1970, après la dernière guerre israélo-arabe, c’est la quatrième, l’Égypte qui était le pilier du front arabe contre Israël, fait défection en signant des accords de paix avec Israël. Une défection qui affaiblira beaucoup les pays arabes. Le front de fermeté (Algérie, Libye, Syrie, OLP) ne changera rien à l’équilibre des forces contre Israël, soutenu par les États-Unis.
En 1979, une révolution islamique éclate en Iran. Sponsorisée par les États-Unis qui redoutaient que le shah transforme l’Iran en puissance nucléaire, la révolution démit le shah qui fuit hors d’Iran et installe un régime islamiste. Ce que les États-Unis n’ont pas inscrit dans leurs plans, c’est que cette révolution en Iran va progressivement devenir le facteur le plus néfaste pour leur leadership monial.
Maillon de la « ceinture islamique », l’avènement d’un Iran islamiste va amener l’Union soviétique, face à la crainte d’une extension de l’islamisme en Afghanistan, et le risque qu’il s’étende aux républiques musulmanes soviétiques, à entrer en guerre en Afghanistan. Et parallèlement, une autre guerre éclate entre l’Iran et l’Irak. Les États-Unis et leurs alliés arabes veulent faire d’une pierre deux coups. Affaiblir l’URSS et mettre fin au régime islamique d’Iran qui, dès son émergence, a pris fait et cause pour le peuple palestinien.
A ces guerres vient s’ajouter un facteur économique déterminant, l’endettement mondial et le contrechoc pétrolier. Privant au triple plan économique l’URSS, par une forte diminution de ses revenus pétroliers – le prix du pétrole a baissé à 10 dollars le baril, en 1986 – et la contraction de ses exportations industrielles surtout en armements vers le reste du monde qui était endetté, et le recours massif à l’endettement extérieur, une situation catastrophique qui finit par ébranler les assises de l’Union soviétique et du bloc Est. Le Mur de Berlin tombe en 1989, avec toutes les conséquences sur les pays périphériques. L’Union soviétique cesse d’exister en décembre 1991. C’est la Russie qui hérite les trois quarts du territoire de l’URSS, et du droit de veto au Conseil de sécurité qui la remplace.
Par cette reconfiguration géopolitique du monde, on constate bien que la stratégie de la « ceinture verte » a fonctionné pleinement. Mais, ce qu’il faut dire, compte tenu des événements d’aujourd’hui, que les États-Unis ne seront pas épargnés par cette « ceinture verte » qu’ils ont créée.
Si la république islamique d’Iran s’est opposée, dès sa naissance, à l’impérialisme américain, et la guerre avec l’Irak l’a renforcé militairement, de même pour l’Irak, donc deux pays devenus des puissances régionales de fait, et vu la menace qu’ils représentaient sur le statu quo israélo-américain au Moyen-Orient, il était vital pour les États-Unis d’éliminer coûte que coûte les régimes qu’ils représentaient.
C’est ainsi qu’en 1990, l’Irak qui a annexé le Koweït est attaquée par une coalition internationale menée par les États-Unis. Après la libération du Koweït, l’Irak est mis sous embargo durant toute la décennie 1990. La période Clinton ouvrit une parenthèse pacifiste, faite de ni guerre ni paix. Mais, l’arrivée de Bush au pouvoir change complètement la situation. Les attentats du 11 septembre 2001 donnent le prétexte à l’administration Bush de mener une politique foncièrement agressive, pour imposer sa volonté au monde. L’idée des stratèges américains était d’instaurer un monde unipolaire où les États-Unis, en tant qu’unique superpuissance, seraient la puissance dominante.
Les guerres en Afghanistan en 2001 et en Irak en 2003 entraient dans ce cadre, le plan était de remodeler l’espace qui s’étend du Maghreb au Pakistan en un « Grand Moyen-Orient », ou « Greater Middle East » en anglais. Mais, entre la théorie et la pratique en stratégie, il y a non seulement tout un fossé pour le réaliser, mais aussi des impondérables qui n’ont pas été pris en compte et qui peuvent retourner le plan contre leurs concepteurs. De plus, il y a les « nécessités de l’histoire » dans le sens que tout ce qui arrive doit être viable. Et c’est ce qui s’est passé dans les guerres tout azimut menées par l’administration Bush. Non dans le sens voulu par les stratèges américains, mais dans le sens de ce qui devait survenir, de ce qui devait se prévaloir dans la marche de l’histoire.
En effet, si l’invasion et l’occupation de l’Irak par les États-Unis, en 2003, ont demandé moins d’un mois et demi, la situation s’est ensuite retournée au bénéfice de la résistance irakienne. Amenant les forces américaines à s’enliser, pendant plus de cinq années, en Irak. La férocité de la guérilla irakienne était telle que les médias américains l’ont comparé à la guerre du Viêt-Nam.
Une autre guerre allait être déclenchée contre l’Iran, qui soutenait la guérilla irakienne. Si ce n’était l’irruption de l’ouragan Katrina qui a frappé les États-Unis par ses dévastations – la ville de la Nouvelle-Orléans était inondée, la Louisiane dans la désolation – et refroidi les ardeurs des va-t-en-guerre américains contre l’Iran. Les États-Unis ont finalement abandonné leur projet suicidaire de guerre. Enlisé en Irak, que va donner une guerre contre Iran surtout si des armes tactiques (nucléaires) seraient utilisés contre les sites nucléaires iraniens enfouis profondément sous terre. Une catastrophe nucléaire pour ‘humanité.
En 2008, la crise financière qui a fait irruption aux États-Unis puis s’est étendue au reste du monde, laissait transparaître que les États-Unis sont arrivés à leurs limites et devaient procéder au retrait de leurs forces en Irak. Ce qu’ils ont fait en signant un accord (SOFA) avec le gouvernement irakien qui stipulait que les États-Unis avaient, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2011, pour retirer leurs troupes stationnées en Irak.
Mais, l’histoire va surprendre de nouveau, un autre événement et celui-ci est tout aussi déterminant et dont les États-Unis n’en sont pas étrangers, c’est l’irruption du « Printemps arabe ». Il éclate en décembre 2010-janvier 2011, entraînant l’effondrement du régime autoritaire tunisien, la fuite du président Zine el-Abidine Ben Ali vers l’Arabie saoudite, la démission de Hosni Moubarak et la gestion du pouvoir en Égypte par l’armée, la détérioration de la situation en Syrie qui débouchera sur une guerre civile. Au Yémen comme en Libye éclatent également des guerres civiles, et jusqu’à aujourd’hui tous les conflits armés sont restés sans solution. Les autres pays arabes ont été très peu touchés grâce surtout aux réserves de change qui ont permis à l’Algérie et à l’Arabie saoudite d’acheter la paix sociale.
Une question néanmoins se pose. Le « Printemps arabe » n’a-t-il pas joué à peu près comme cela s’est passé pour la révolution islamique en Iran, en 1979. Si en Tunisie, l’état d’urgence avait été décrétée ou même le pouvoir avait instauré un état de siège, et l’armée mis un terme aux manifestations comme cela s’est passée en Chine en 1989, lors des manifestations de Tian'anmen et qui se sont terminés par une vague de répression, ou encore en Algérie, lors des émeutes en 1988, avec état de siège décrété par le pouvoir et couvre-feu, le Printemps arabe n’aurait tout simplement pas existé. Les manifestations en Tunisie auraient été tuées dans l’œuf et rien ne se serait propagé aux autres pays.
Même processus en Iran, si le shah et l’armée iranienne avaient décrété l’état d’urgence et instauré un état de siège, la révolution islamique n’aurait pas eu lieu, et tout serait, après quelques réformes, revenu dans l’ordre. Mais, comme les armées iranienne, tunisienne et égyptienne étaient liées au Pentagone américain, et donc existait une certaine dépendance, le mot d’ordre était de « laisser faire », précisément ce « laisser-faire » était voulu par l’establishment américain. Il permettait aux États-Unis, de l’échec en Irak de rebondir de nouveau mais cette fois-ci par peuples arabes interposés. Avec toujours ce même leitmotiv, pérenniser l’hégémonie américaine sur le monde, à travers son omniprésence dans le monde musulman où se trouvent les plus grands gisements de pétrole du monde.
Mais là encore, comme lors de la révolution islamique en Iran, en 1979, ou lors de la guerre par deux fois contre l’Irak, tout ne va pas se dérouler selon les plans américains. Toujours les mêmes erreurs, le même aveuglement, les mêmes apories qui, si elles paraissaient sans issue, voire irrationnelles, en fait elles étaient rationnelles et avaient un but historique ou mieux encore, à l’instar de la révolution islamique en Iran, le Printemps arabe était assimilé par l’histoire. On peut même dire que les États-Unis ont été « manipulés » par leurs propres plans. Bien sûr ceci dit selon une approche herméneutique.
D’autant plus qu’un autre acteur allait surgir, à son tour, sur la scène politique moyen-orientale. Et il ne sera pas de trop dans les conflits, tant les crises politiques et les guerres ont bouleversé la scène politique moyen-orientale et nord-africaine durant toute la décennie 2010. Cet acteur, c’est la Turquie. Bien avant les années 2000, l’islamisme turc était déjà en gestation, mais n’avait pas assez de force compte tenu de la position particulière de la Turquie en Europe. Mais, avec la fin de la guerre froide, et l’islamisme tout azimut sponsorisé par les États-Unis, la Turquie aura elle aussi son islamisme. Dès le début des années 2000, un nouveau régime politique est mis en place. Le régime laïc depuis l’époque de Kemal Atatürk est battu en brèche par l’arrivée au pouvoir des islamistes. Après l’arrivée au pouvoir de l’islamiste Necmettin Erbakan, devenu Premier ministre, en 1996-1997, c’est l’actuel président de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan qui reprend le flambeau et devient Premier ministre en 2003, puis président de la Turquie, en 2014.
L’apport de la Turquie dans la guerre syrienne a été cardinal. C’est la Turquie qui a pris le plus lourd fardeau tant sur le plan humanitaire que sur la rébellion anti-régime de Damas. Et on peut dire par la situation qui prévaut en Syrie, et pas seulement, en Afghanistan, au Yémen, en Libye, et nous sommes en 2020, toutes les crises ont atteint leur sommet. Elles sont à leur plus haut degré, et ne peuvent aller plus loin, surtout, elles sont arrivées à ce pourquoi elles avaient éclaté. En clair, les limites ont été atteintes, et les buts aussi.
Et il faut savoir que l’histoire ne s’arrête pas à un but ou un autre but, l’histoire, comme en témoigne l’évolution de l’humanité depuis la nuit des temps, est une succession de de buts historiques, une succession de stades historiques. Aujourd’hui, le « Printemps arabe » commandité par les États-Unis a fait son « travail historique ». Non pas que les États-Unis ont atteint leurs buts, mais l’histoire qui les a « manipulé » pour atteindre « ses buts historiques », « ses buts qui sont viables » et s’inscrivent dans la marche du temps de l’humanité. C’est cela qui importe à l’histoire, l’homme est simplement un acteur qui agit par lui-même et pour lui-même mais aussi pour l’histoire. Tel est le paradoxe de l’histoire de l’humanité.
Mais comment comprendre cette appréciation de l’histoire qui utilise la première puissance du monde pour arriver à ses « fins historiques » ? Pour cela, il faut savoir qui a gagné en termes de gains dans ces guerres. Et ça concerne évidemment surtout les grandes puissances qui influencent la marche du monde. Et il faut le souligner en termes de richesses, de gains territoriaux aussi.
La question alors se pose dans ces guerres tout azimut par les États-Unis, depuis les guerres en Afghanistan, en Irak jusqu’au Printemps arabe, qui a réellement gagné ? N’est-ce pas la Chine qui, depuis 20 ans, ne cesse d’accumuler des réserves de change. Partie de 171,763 milliards de dollars en 2000, elle en compte, en 2014, 3900 milliards de dollars. Devenue la première créancière des États-Unis, la deuxième puissance économique mondiale, en 2010, elle aspire à détrôner les États-Unis pour prendre le rang de première puissance économique du monde. Ce qui est légitime eu égard à sa puissance économique.
La Russie n’a-t-elle pas aussi gagné en réserves de change avec un pétrole haussier depuis quinze années ? Et par quelle grâce ? Par les États-Unis et l’Europe qui ne cessaient de créer massivement des liquidités internationales qui se comptent en dizaines de milliers de milliards de dollars, euros et yens et un endettement massif vis-à-vis de la Chine et la Russie, et aussi des pays exportateurs de pétrole. De plus, la Russie a gagné doublement en annexant la Crimée, en 2014, suite au conflit ukrainien, et en septembre 2015, a faussé tous les plans occidentaux en intervenant militairement au côté du régime de Damas. La Russie renaissait de ses cendres, après plus de vingt ans d’éclipse sur le plan géostratégique mondial.
Aujourd’hui, les États-Unis ont compris que toutes les guerres qu’ils ont menées ont profité à la Chine et à la Russie sur le plan économique et géostratégique. Et même les guerres par procuration utilisant l’État islamique (EI), qui n’a été qu’une fiction mais au long cours de tueries, de massacres, de décapitations, de scoops médiatiques pour tromper l’opinion mondiale, ont constitué un échec cuisant est là pour les États-Unis et pour l’Europe. Se rappeler les chimères de Laurent Fabius contre le régime de Damas alors que l’histoire continuait son parcours vers ce qui est nécessaire pour l’humanité. Et, entre autre, le désir de paix pour les peuples-martyrs loin des subversions des puissances, qui, malheureusement, font partie de la marche de l’histoire.
En 2019, le président américain Donald Trump ne cesse de sonner le repli. Il renoue avec l’isolationnisme d’antan, cherchant à remettre en question les relations commerciales avec tous ses partenaires, Europe, Japon, Chine. Ce qui est naturel, les États-Unis ont compris que le « pétrodollar » profite plus à leurs partenaires et au reste du monde qu’à leur économie.
Évidemment, on ne peut occulter que ce sont les guerres menées par les États-Unis au Moyen-Orient que l’économie mondiale a fortement progressé. Et c’est là le paradoxe des guerres que mène la première puissance dans le monde. Pourquoi ? Parce que le libellé du pétrole arabe est adossé au dollar US. Et financer la guerre et l’économie américaine qui n’est pas compétitive dans le commerce mondial et enregistre toujours des déficits jumeaux – publics et commerciaux – oblige sans cesse la Banque centrale américaine (Fed) à émettre massivement des liquidités ce qui irrigue le commerce mondial.
De même après la crise financière de 2008, et les programmes de « quantitative easing » que la Réserve fédérale américaine (Fed) a menés pour sauver l’économie. Et ce faisant, elle a fait la part belle au reste du monde, en particulier à la Chine, à la Russie et aux pays exportateurs de pétrole. Entre 2009 à 2014, la Fed a mis en œuvre trois programmes successifs de quantitative easing, QE1, QE2 et QE3, ce qui a amené un cours haussier du prix du pétrole, durant 6 années, dans une fourchette comprise entre 100 et 130 dollars le baril.
La situation commence à s’éclaircir surtout avec l’irruption du coronavirus qui a mis en émoi le monde entier. Les peuples ont peur que l’épidémie se transforme en pandémie et emportera des millions d’êtres humains et non les 3500 morts que l’on compte aujourd’hui.
Ce que l’on constate aujourd’hui, le retrait des forces américaines de Syrie est pratiquement total. Il ne reste que 400 soldats américains selon les chiffres officiels américains. Pourquoi faire ces 400 soldats américains ? Et déjà les FDS qui sont pour l’essentiel des Kurdes ont demandé la protection du pouvoir de Damas pour se protéger de la Turquie ? Les Américains maintiennent ce chiffre dérisoire de soldats pour sauver la face ?
En Afghanistan, de même, un accord a été signé, en février 2020, avec les Talibans pour un autre retrait qui est planifié pour les forces américaines. Même si des violences persistent, elles ne remettront pas en cause l’accord de paix signé le 29 février 2020. Les États-Unis ont compris que rester en Afghanistan, en Syrie n’a plus de sens, et n’iront que d’échec en échec et en dépenses inutiles. C’est la Russie qui a gagné en rebondissant dans le théâtre moyen-oriental et dans la crise ukrainienne. De même, l’Iran et la Turquie sont devenus des acteurs incontournables au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Aussi peut-on dire pour l’Afghanistan, si le retrait américain n’est plus qu’une question de temps qui sera court. Selon le texte de l’accord « Un calendrier de principe prévoit le retrait total de toutes les forces étrangères d’Afghanistan « au cours des 14 mois suivant la signature de l’accord » (3) Dès lors, ni la Russie ni l’Iran ne serait intéressé de soutenir les Talibans. La paix surviendra inévitablement en Afghanistan.
Et tout porte à croire que la ligne de démarcation en Syrie dans la région d’Idlib sera durable, et le régime syrien ne pourra aller contre son principal soutien la Russie qui, elle, ne veut pas détruire ce qu’elle a commencé lorsqu’elle est entrée en septembre 2015. Le retrait programmé américain en Afghanistan, un arrêt durable des hostilités dans la région d’Idlib et progressivement des négociations qui permettront de régler définitivement la crise syrienne et aboutir à la réunification du territoire syrien. Certes cela prendra du temps, mais le temps est réparateur des plaies, il ne restera alors que deux conflits importants, celui du Yémen et de la Libye.
Et tout porte à croire que cela fera tâche d’huile sur les autres conflits. Il ne pourra y avoir d’échappatoire pour l’Arabie saoudite. Cinq années de guerre avec les Houthis Chiites, aucune visibilité de victoire ni de sortie de crise. Comme l’ont fait les États-Unis en Syrie et en Afghanistan, et probablement les Américains penseront également à retirer leur dernier contingent d’Irak. Et, l’Arabie saoudite sera poussée à imiter son protecteur. Aucun gain au Yémen pour l’Arabie saoudite et ses alliés, et une guerre qui n’a pas d’avenir, la seule issue est qu’elle mette fin à l’agression et sorte du conflit yéménite, laissant les yéménites régler leurs problèmes en interne. L’Iran y trouvera son compte, et l’Arabie saoudite aussi.
Pour la Libye, même processus. Si le conflit au Yémen qui suit le retrait des États-Unis d’Afghanistan trouve solution, dès lors, la Turquie suivra le processus des autres conflits. La Turquie trouvera un terrain d’entente avec l’Arabie saoudite et ses alliés, l’Égypte, les Émirats arabes unis… et laisseront les Libyens régler leurs conflits en interne.
Tels sont à peu près les pronostics sur les conflits en Syrie, Afghanistan, Yémen et Libye dont la situation laisse penser qu’ils n’ont plus de motifs ni de soutiens des puissances qui sont arrivées au pied du mur. Et qui laisse penser que ces conflits se dirigeront inéluctablement vers le chemin de la paix ?
Évidemment ces pronostics paraissent très optimistes, mais on ne voit pas d’autres solutions. Il y a réellement une éclaircie, et on le constatera très prochainement, dans quelques mois, avec la consolidation de l’autoroute M4, qui sécurisera la population syrienne d’Idlib, d’un côté, et les forces du régime de Damas qui ne doivent plus subir d’attaques des rebelles et djihadistes, de l’autre. L’intérêt est la paix et un règlement négocié avec la situation nouvelle. Et ce sera à la Russie et à la Turquie de veiller sur ce chemin de la paix pour la simple raison que si ces accords sont enfreints, ces puissances auront trop à perdre.
Une décennie de guerre pour la Syrie, c’est trop, de même pour les autres conflits. L’Afghanistan, depuis 18 ans.
Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
Notes :
1. Soldats turcs tués en Syrie : l'UE craint un risque de « confrontation militaire internationale majeure », par le journal « Le Parisien », le 28 février 2020
http://www.leparisien.fr/international/soldats-turcs-tues-en-syrie-reunion-d-urgence-de-l-otan-des-migrants-sur-la-route-de-l-europe-28-02-2020-8268684.php
2. La Turquie publie une vidéo de sa frappe contre l'armée syrienne à Idlib – images, par Sputnik France. Le 28 février 2020
https://fr.sputniknews.com/international/202002281043143069-la-turquie-publie-une-video-de-sa-frappe-contre-larmee-syrienne-a-idlib---images/
3. Afghanistan : accord historique entre les États-Unis et les talibans, par la
Presse canadienne. Le 29 février 2020
https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/202002/29/01-5262863-afghanistan-accord-historique-entre-les-etats-unis-et-les-talibans.php
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