Les congés d’été plombent la France et son économie
Trop peu, trop tard et trop lentement. Ces trois locutions pourraient être la marque de la société française. En ce mois d'août 2016 où les entreprises et les villes sont vidées (pour la quatre vingtième édition de congés payés) nous pourrions nous être transformés en un pays sans travail, sans éducation et sans réel avenir.
Lundi 15 août 2016 en France : les services, l'éducation, la formation, l'administration à l'arrêt
Après guerre, durant les 30 glorieuses, l'arrêt de la plupart des activités (hormis le tourisme à Paris ou au bord de la mer) se comprenait facilement
- dans les campagnes il fallait se consacrer aux travaux des champs (les longues vacances d'été des écoliers furent bâties sur ce compromis entre la classe paysanne et Jules Ferry)
- dans les usines on pouvait sans dommage arrêter la production (les biens pouvaient être produits avant l'été et stockés pour être vendus durant l'été)
- dans les villes il fallait permettre aux citadins de retrouver un contact avec la nature que ce soit à la campagne (la plupart des citadins avaient des racines rurales) ou au bord de la mer (pour ces fameux congés payés rédempteurs dont on célèbre cette année les 80 ans)
Au XXI ème siècle cet arrêt de l'activité, que ce soit le dimanche ou durant l'été, est devenu préjudiciable au pays
Le système éducatif, à l'arrêt durant 3 mois (mi juin à mi septembre), fait perdre aux enfants les moins favorisés l'essentiel des connaissances qu'ils ont pu acquérir au cours de leur année scolaire,
- les bâtiments scolaires et universitaires sont sous-utilisés, moins d'une journée sur deux et sur de plages horaires très restreintes (on vient juste de découvrir la possibilité d'ouvrir les bibliothèques universitaires le WE ou le soir !)
- les services (75 % de notre activité désormais) ne sont pas stockables et donc ce qui n'est pas produit durant l'été (ou les multiples congés) est définitivement perdu
- l'Internet par contre est ouvert 24 h/24, 7 jours sur 7 et il est parfaitement possible de faire le 15 août ses courses en Chine, en Italie ou dans n'importe quelle partie du monde depuis son ordinateur
Notre système éducatif : une armée soviétique qui oscille entre méritocratie déclinante, élitisme dépassé, immobilisme et nostalgies.
S'il est un domaine où notre pays semble incapable de changer c'est bien celui de son éducation (en fait le trio : éducation, apprentissage, formation).
Face à un monde éducatif qui est totalement bouleversé depuis 30 ans, face à des puissances économiques émergeantes qui pèsent plus que nombre les Etats (les GAFA-M et diverses Licornes) la France, au sein d'une vieille Europe fracturée depuis le Brexit, la France éducative et sociale se révèle incapable de changer, de se reconstruire, d'abandonner son système de diplômes surannés , ses corporatismes et recettes syndicales du passé .
Croyant à tort que les 30 glorieuses pourraient renaître (avec un digital qui sauverait le monde développé) nous faisons preuve d’une incroyable cécité
- laisser croire que la crise de 2008 ne fut qu'un accident conjoncturel et que très bientôt nos modèles (macro)économiques seront à nouveau pertinents, que la croissance ne serait qu’une question de temps et de patience (après la pluie le beau temps) et que le chômage finira bien par s'inverser de lui-même dans un happy end généralisé.
- penser que des règlementations ou lois nouvelles pourront améliorer la société ("on ne change pas une société par décret"). Faire montre à tout moment d'une pensée magique pour conjurer le sort (ça va mieux, la croissance va revenir...)
- ignorer le monde tel qu'il est, penser que les progrès technologiques, les capacités d'adaptation, de renouvellement, ou que la concurrence de 7 milliards d'individus ne seront jamais notre problème parce que nous serions bénis de dieux, beaux, productifs, intelligents et enviés de tous (notre « modèle » social ferait rêver la terre entière).
La France n’offre plus un cadre éducatif de qualité à ses habitants parce que
- elle est immobile, incapable de reconnaître les efforts de nombreux habitants (ne se conformant pas aux canons de la réussite scolaire)
- l’école est devenue une institution paresseuse qui dégoutte d’apprendre bien plus qu'elle n'accompagne ou n'encourage la prise de risque éducatif
- la société française ne sait pas prévenir, se contentant de soigner et d'éteindre des incendies (les maladies, le déclassement, les difficultés économiques ou le chômage)
Le gaspillage est omniprésent en France : gaspillage social et éducatif, gaspillage des ressources, gaspillage des talents
- Nous surconsommons de l’énergie, des ressources et des espaces naturels,
- Nous entretenons un système éducatif qui forme dans le vide loin des besoins du travail et de l'activité
- Nous dépensons pour l'éducation ou la santé plus que l’Allemagne avec des résultats en forte baisse (les nouveaux indicateurs internationaux le confirmeront sans nul doute)
- Nous refusons d’adapter l'activité en sanctifiant un code du travail qui n’est plus qu’un empilement grotesque de bons sentiments sociaux
- Nous empruntons 500 millions tous les jours pour financer des régimes sociaux qui servent de dérisoires (et provisoires) bouées de sauvetage
La France est devenue un désert cognitif pour une grand partie de ses habitants
- Un travailleur passe en moyenne 1 minute par jour (6 h par an) à se former alors qu’il devrait y consacrer 10 % de son temps travaillé
- 10 % à peine des entreprises en France favorisent le développement des compétences de leurs salariés
- La lecture est passée de mode au profit de loisirs de masse formatés (TV + sur- consommation d’Internet)
- Les jeunes sont abandonnés par une école au service d’elle-même et de ses personnels
- L’inculture économique (entretenue par l’école) et la peur du risque (économique) entraînent nos concitoyens dans des modèles obsolètes qui ont fait faillite partout (Cuba, l’ex-URSS, Le Venezuela)
Le temps libre n'est plus une conquête mais il est devenu une malédiction sociale
En 2017 pour remettre en marche la société française il faudrait bien plus que des réformes du travail, quelques négociations sociales ou réformes de l'Etat, c'est tout notre système économique, social, éducatif et administratif qui doit être reconstruit, cela ne se fera pas en 5 années (le temps du quinquennat du nouveau Président) mais sur une ou deux générations.
Plus nous attendons pour nous adapter plus ces changements seront douloureux, coûteux et dangereux pour le vivre ensemble.
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