Les cons de Darwin

En 1859, Charles Darwin a émis l’hypothèse que l’évolution est régie par un processus de sélection naturelle et de concurrence. Les espèces, des plus anciens micro-organismes jusqu’aux Hommes modernes, suivent cette route tracée pour eux. Les évolutions se produisent tout d’abord lors de brisures qui affectent les brins d’ADN porteurs des caractéristiques génétiques. En dehors de ces mutations, des caractères acquis peuvent aussi se transmettre sur quelques générations. Les caractéristiques d’un individu peuvent donc se transmettre qu’elles soient acquises, innées ou accidentelles.
Il en a été déduit par nombre de personnes que la sélection des plus aptes, des plus forts, est non seulement naturelle mais nécessaire à la bonne vie d’une espèce. Les plus vigoureux, les plus séduisants, les plus intelligents doivent conduire la multitude vers son salut.
Avant d’avoir ce type de certitudes, il serait bon de définir ce qu’est le vivant et en quoi consiste exactement la sélection naturelle.
Les réactions chimiques communes montrent une transformation plus ou moins rapide de réactifs en produits d’une manière prévisible : les produits apparaissent tandis que les réactifs disparaissent. D’autres réactions chimiques, rares mais déterminantes, montrent un tout autre comportement. Si vous versez, par exemple, une solution de nitrate d’argent au sommet d’une colonne contenant de la gélatine et du bichromate, vous obtenez après quelques instants une série d’anneaux de couleur espacés d’une façon régulière les uns au-dessous des autres. Ainsi, avec un mélange homogène de produits inorganiques vous obtenez une structuration spatiale du milieu. Dans un autre cas, deux plaques conductrices séparés par de la cire sont portées à deux températures différentes. Rapidement la cire laisse apparaître des cellules parfaitement organisées. Si vous prenez ensuite un mélange d’eau oxygénée, d’iode, et d’iodate, vous pourrez observer une augmentation périodique de la concentration d’iode qui fait que l’on peut comparer le système à une horloge chimique. D’autres exemples, assez peu nombreux toutefois, pourraient être trouvés. La possibilité de structurer spatialement et temporellement des milieux homogènes purement inorganiques, d’origine non animale et non végétale, a conduit à de multiples études pour comprendre l’origine de cette particularité.
Pour tous les systèmes chimiques montrant des possibilités spontanées d’organisation, la cause et l’effet sont liés d’une façon non-linéaire, un accroissement de la cause ne conduit pas à un accroissement proportionnel de l’effet, c’est ce qui détermine leurs propriétés. Exprimé plus simplement, les produits formés facilitent la transformation des produits de départ. On nomme ce phénomène autocatalyse ou rétroaction.
Les réactions biochimiques sont largement dépendantes de phénomènes de rétroaction : une cause initiale engendre un effet qui va à son tour amplifier (ou affecter) la cause originelle. Sans ce phénomène, présent sous diverses formes, la ‘vie’ ne peut pas être présente. Ceci permet une définition précise de la vie : c’est un ensemble de réactions chimiques dont certaines démontrent des processus auto-catalytiques. Les enzymes, les hormones, l’appariement des paires de bases de l’ADN, la fixation de l’oxygène par l’hémoglobine… sont quelques unes des réactions biologiques coopératives les plus connues. Elles sont physiquement de même nature que celles entrevues dans le monde minéral avec les horloges chimiques ou les anneaux de Liesegang. On qualifie de ‘complexe’ une assemblée dans laquelle les interactions entre les éléments et les échanges sont régies par les processus non-linéaires.
L’eau est le plus simple des systèmes complexes. L’eau est apparue presque en même temps que la Terre. Toute vie nécessite sa présence. Il peut même être posé que l’eau H-O-H, est le tout premier maillon de la vie. Il existe au sein des milieux aqueux des structures organisées, des ‘agrégats’, formées grâce à des liaisons hydrogène directionnelles H-O-H···O-H entre molécules d’eau. Le caractère non-linéaire de l’interaction est dû au fait que la formation de la première liaison hydrogène facilite l’interaction avec une autre molécule d’eau (autocatalyse), favorisant ainsi la formation d’agrégats. L’eau contient en son sein des espèces moléculaires assez bien structurées, (mais malgré tout fugaces).
Lorsque des réactions auto-catalytiques prennent le pas sur les réactions chimiques non-coopératives, elle tend à s’accaparer les ressources à sa portée. Mais, dans le même temps, il va s’installer une division des tâches (dont la division du travail n’est qu’un surgeon). Des agrégats distincts, mais tous mus par des réactions non-linéaires, vont se former et ‘coopérer’ entre eux pour constituer des assemblées plus grandes et plus complexes. La complexité croissante du monde vivant repose donc sur l’alliance ‘autocatalyse-division du travail’. La compétition conduit à une sélection en faveur du plus efficace pour la reproduction (comme première préoccupation) tout en favorisant l’émergence d’entités différenciées en charge de rôles complémentaires.
Des éléments chimiques de la soupe primordiale jusqu’aux hominidés les plus évolués, les mêmes mécanismes chimiques fondamentaux régissent l’évolution tant animale que sociale.
Il existerait, selon les experts, un ancêtre commun universel dont serait issu toutes les espèces actuelles (et passées). Il aurait vécu il y a un peu moins de 4 milliards d’années. Peu de temps avant, la terre n’était encore qu’un vaste nuage de gaz et de poussières. Il y aurait de nos jours de l’ordre de 8,7 millions d’espèces vivantes : 7,8 millions d’espèces animales à côté des champignons, des moisissures, des végétaux. En laissant la ‘sélection naturelle’ œuvrer, une multitude de systèmes complexes auto-catalytiques a été engendrée créant ce qu’on appelle communément la biodiversité.
Mais si la sélection naturelle donne accès (ou permet) une extraordinaire diversité, la sélection guidée par l’Homme, qui n’a plus rien de naturel, peut appauvrir et uniformiser son milieu pour assouvir d’autres besoins rien moins que naturels. L’Homme seul dicte maintenant sa loi, il décide seul qui peut vivre et qui doit mourir, la sélection naturelle disparaît pour devenir une décision politique. Dans l’antiquité, la population mondiale était de quelques millions d’individus. Au Moyen-Âge, la population totale était de quelques centaines de millions d’individus, elle atteignit 500 millions d’habitants avant la Révolution industrielle. La population dépassera 2 milliards en 1930. Elle est de l’ordre de 7,7 milliards de nos jours. Il s’agit de la prolifération d’une espèce qui ne peut se faire qu’au détriment de toutes les autres, y compris d’une partie de la sienne propre. Schématiquement, les plus démunis se reproduisent pour résister aux nantis qui décident à leur place. Il s’ensuit une extermination de tout ce qui est un obstacle pour imposer une délétère uniformité : la même ‘culture’, la même organisation sociale, les mêmes directives politiques, les mêmes consommations, les mêmes dires, les mêmes rêves. La sélection anthropocentrique progressivement mise en place depuis l’explosion démographique correspondant à la révolution industrielle conduit à un renforcement de la tutelle des démunis lorsqu’ils se révèlent gênants. Une espèce s'éteint ‘naturellement’ en environ 10 millions d'années. Les taux d'extinction, avant l’envahissement de la planète par l'homme étaient donc faibles. L'extinction des espèces a bondi à un taux sans précédent depuis quelques siècles et plus encore depuis quelques décennies. Un quart des vertébrés, des invertébrés et des plantes sont ainsi sur le point de disparaître. La sélection naturelle a permis la floraison d’innombrables espèces, la sélection anthropomorphique va vers son extinction.
La sélection naturelle n’a plus rien de naturel. Ce n’est pas la Nature qui conduit à être obèse, diabétique, drogué, à rester cloitré pour voir des feuilletons débiles ou pour jouer à assassiner tout ce qui remue, à être angoissé par n’importe quoi et d’abord par la vie, à manquer de respect à tous y compris à soi-même. C’est un système pensé par les uns pour les autres qui conduit à ce résultat. Ce n’est pas la Nature qui fait que la notion de concurrence « juste et équitable », est inscrite dans le traité de Rome. Cette loi s’est imposée partout mais elle n’a rien à voir avec Darwin. Elle s’est répandue car une minorité prenant la place du divin a souhaité imposer ses propres tables de la loi.
La Nature peut conduire à l’éclosion d’un nombre prodigieux d’espèces vivantes riches de leurs différences, la déraison, sous couvert de la Raison, conduit à l’envahissement de la planète par la plus puissante d’une d’entre elles, par l’ivresse du pouvoir, la fascination morbide de la domination. Dans les deux cas la concurrence est évoquée, mais c’est un habillage de la volonté de puissance dans le second cas. La sélection naturelle implique que chacune des fleurs puisse se perpétuer sans autre choix que celui du hasard des rencontres, des caprices du vent. La sélection anthropomorphique ne fait pas confiance au hasard, elle calcule tout et se trompe.
Darwin était un naturaliste et un paléontologue de talent et son travail consista à débrouiller les écheveaux qui obscurcissaient l’origine des espèces. Les prétentions scientifiques de ceux qui le citent pour démontrer le caractère incontournable de la sélection naturelle ne font qu’essayer de dissimuler leur volonté de toute puissance derrière des oripeaux scientifiques.
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