Les contrats multirisques habitation, comment 33 millions de français sont roulés dans la farine
Vous avez un contrat assurance multirisques habitation ? Eh bien, lisez ceci
Il y a là deux papiers qui se télescopent un peu.
Considérant que, selon l’Association Française des Assureurs (AFA, http://www.ffa-assurance.fr/chiffre-cle), il existe 33 millions de ces contrats produisant un chiffre d’affaires (ou d’encaisse de cotisations) s’élevant à 9,3 milliards d’Euros annuellement, il s’agit là d’un énorme marché concernant la plupart des français.
Les contrats d’assurance multirisques habitation mis sur le marché en France, et malgré un louable effort de pédagogie de la part de certains assureurs, contiennent trop de rubriques confuses qui renvoient à différentes parties du contrat, ce qui est source d’interprétations diverses. Ces contrats, exprimés dans les conditions générales servent le plus souvent à produire des effets d’annonce ne correspondant pas à la réalité. L’assuré qui souscrit un contrat se croit couvert contre les risques mentionnés, mais découvre en cas de sinistre, et alors seulement, une réduction considérable des garanties, avec les pertes financières en résultant.
Une des clauses abusives les plus courantes est celle qui découle d’un article du code des assurances. Cet article permet d’introduire la vétusté des biens lors de l’application des garanties. Elle est dérivée de l’article L.121-1 du codes des assurances :
« L’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ; l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Il peut être stipulé que l’assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu’il supporte une déduction fixée d’avance sur l’indemnité du sinistre. »
La première remarque est que cet article ne figure jamais dans les conditions générales des contrats alors que tant d’autres (code civil, code des assurances) sont indiqués. [Cette loi est trop lourde de conséquences pour qu’on en laisse aux seuls assureurs l’entière liberté d’application]. Cette loi ne s’adresse qu’à l’aspect financier du contrat et pas du tout à la privation de la fonction des objets, c’est-à-dire au confort et à la qualité de vie du souscripteur. Faut-il rappeler qu’un bâtiment n’est pas qu’une somme d’argent, de même qu’un équipement électroménager n’est pas une somme, mais une fonction. C’est une question de point de vue, il est vrai.
Cet article de loi permet d’introduire la notion de vétusté des biens assurés . Les quatre piliers de la vétusté pour les assureurs sont les suivants :
1. Vétusté de l’immobilier (souvent appliquée à 25%, pourquoi ?) 2. Vétusté du mobilier (là, toutes les cas de figure sont possibles) 3. Vétusté des effets personnels, literie, linge de maison (preuves d’âge impossibles à fournir) 4. Vétusté de l’audio-visuel, électroménager, électronique (limitée aux matériels pratiquement neufs avec valeur vénale égale à zéro après 5 ou 7 ans).
Peu de contrats offrent la possibilité de souscription sans vétusté pour les catégories 1 et 2. Dans les cas 3 et 4 il faut noter que la vétusté est appliquée de façon souvent arbtraire et ne permettant pas à l’assuré de mesurer son impact financier en l’absence de grilles ou d’explications claires de méthodes de mesure. Dans tous les cas, elle est appliquée de façon arbitraire en pourcentage de la valeur vénale des biens considérés. Par exemple 25% (cas général), ou encore elle est liée à la durée de possession du bien. Ainsi, un appareil électronique ou audio-visuel se voit appliquer une vétusté en fonction du nombre d’années de possession de ce matériel neuf. Les taux de vétusté sont appliqués à hauteur de 10% par an ou encore valeur zéro du bien après 7 ans et parfois moins, avec toutes les variantes possibles dans les contrats. Pourquoi ces chiffres ? C’est la décision unilatérale de l’assureur dont le langage ne se prive pas des termes « valeur à neuf », « remplacement valeur à neuf », « valeur vénale », etc .
La question se pose donc, comment en l’absence de toute mesure et de toute méthode, l’assuré peut-il connaître les risques pécuniaires qu’il encourt ? Alors que l’assureur, lui, est parfaitement au courant des risques calculés à l’aide des statistiques de ses actuaires liées à son activité. Il s’agit d’un partage très inéquitable des risques, imposés par l’assureur.
A cela il faut ajouter, comme je l’ai souligné par un courrier à la DGCCRF et à la sous-direction des assurances Assur-1 de Bercy, que l’assureur continue à percevoir les mêmes cotisations alors que le risque diminue avec les années.
Récemment, à la suite d’un litige que j’ai eu avec un assureur dans le cadre d’une assurance multirisques habitation, je me suis penché sur les contrats proposés par les assureurs. Après avoir examiné une dizaine de contrats qui comptent en moyenne entre 60 et 90 pages, j’ai eu la surprise de constater que ces contrats contiennent des informations tronquées présentées à grands renforts de déclarations habiles et racoleuses. Les exclusions dans ces contrats sont très nombreuses, et les silences des contrats, laissés à la seule interprétation des assureurs, mènent à de nombreux abus. Leur complexité même rend aléatoire un recours à la concurrence, dans bien des cas.
Clause abusive concernant la vétusté dans les contrats d’assurance habitation
Les conditions générales des contrats d’assurance habitation contiennent tous une clause appliquant la vétusté en cas de sinistre aux biens immobiliers et mobiliers lors de l’application des garanties. Tous les contrats annoncent triomphalement qu’il y aura un “remplacement valeur à neuf” afin de séduire le client. Mais la question se pose : quel est le rôle de la clause de vétusté dans la vie du contrat, et comment l’assuré peut-il réagir ?
Pour les biens mobiliers, les effets personnels et la literie sont tous concernés par un facteur de vétusté. Ce dernier est limité à 70% au maximum, à raison de 10% par an. Les équipements électriques, électro-ménager et audio-visuels ou informatiques sont systématiquement soumis à une vétusté sur une période s’étendant de 3 à 5 ans en général, suivant les contrats. La valeur résiduelle atteint souvent 0%. La vétusté est dans tous les cas calculée en fonction de l’âge du bien ou de l’objet sur une base annuelle, avec preuve de la date de son acquisition. Cette vétusté est donc déductible de la valeur à neuf (ou valeur vénale) de remplacement de l’objet.
Ces considérations sont purement économiques et ne touchent jamais aux fonctions d’usage ou de confort de l’assuré. La privation de l’usage d’un objet n’ont aucune valeur pour l’assureur qui se réfère à la loi (L 121-1 du code des assurances) qui ne parle que d’indemnité et “d’enrichissement” possible (sic) de l’assuré, qui est interdit. Par contre, l’assureur, lui, s’enrichit à coup sûr. La diversité des offres permet au souscripteur de choisir entre différents produits, comme exposé ci-dessus. Pour les biens immobiliers, le client peut choisir une garantie sans vétusté, mais pas tous les assureurs offrent cette possibilité. Le client semble avoir le choix et c’est séduisant. Mais tous ces calculs sont assez compliqués et les erreurs d’estimation restent la règle.
Devant cette confusion, il est permis de considérer ces clauses de vétusté comme abusives pour les raisons suivantes, particulièrement frappantes pour les biens mobiliers (meubles, etc.).
D’une année sur l’autre, la vétusté augmente à partir du prix d’acquisition de l’objet à neuf. Par contre la prime versée par l’assuré augmente aussi selon les indices autorisés... Il en résulte pour l’assureur un double avantage financier. Les primes augmentent et les garanties diminuent car la vétusté prend un effet croissant d’année en année, mais tout en restant bloquée à 70% ou 75% de la valeur vénale. Par ce procédé de ciseau bien connu (baisse de l’indemnité et augmentation de la prime/cotisation), l’assuré voit donc ses primes augmenter mais sa couverture diminuer avec les années pendant les 7 premières années des biens mobiliers acquis à neufs. Il s’agit bien là d’une clause abusive ou d’un contrat léonin, au choix.
Pour limiter cet abus il est bien prévu de bloquer la vétusté à une valeur donnée (remboursement minimum à hauteur de 25 ou 30% de la valeur vénale). Par exemple, si j’assure mon mobilier à hauteur de 100000€, après sinistre pour des mobiliers vieux de 7 ans et plus (pourquoi 7 ans, chiffre biblique ?), compte tenu de la vétusté, je ne pourrais prétendre qu’à 30000€ de couverture (la vétusté étant bloquée au bout d’un certain nombre d’années, à raison de 10% par an – pourquoi ce chiffre ?) pour en effectuer le remplacement. Je devrais avoir l’option d’assurer mes biens pour une somme supplémentaire fixe afin d’effectuer un rééquipement dans de bonnes conditions. Les assureurs n’offrent jamais ce genre d’option et l’assuré est totalement démuni s’il subit un sinistre. Il n’obtient le plus souvent que 25 ou 30% de la valeur vénale de ses biens malgré l’annonce racoleuse de “remplacement valeur à neuf” et du plafond que le client s’est fixé. Ce n’est que lorsqu’un sinistre se produit que le client découvre vraiment la situation, qui reste très désavantageuse pour lui.
Et là, peu d’assurés font ce calcul. Au contraire, les assurés ont tendance à gonfler le plafond de leur couverture (100000€ dans le cas cité) pour prendre en compte la vétusté et accroître le plafond de leur remboursement. Ce dernier chiffre, donnant lieu à une augmentation des cotisations n’est jamais vérifié par l’assureur. Mais cela reste un calcul très approximatif puisqu’on ne connaît pas la valeur de son mobilier au moment de la prise de décision (on ne peu que l’estimer à sa valeur de remplacement à neuf, ce qui est difficile, puis estimer sa vétusté au fil des ans). Exercice très délicat, source de nombreux contentieux. Mais, dans tous les cas de figure augmentation des primes. Et en attendant, lorsque l’option vétusté est choisie, les primes continuent à augmenter et la couverture à diminuer. Tous les programmes contenant des clauses de vétusté sont donc à revoir.
Ce plafond plus élevé s’accompagne donc d’une augmentation de prime pour l’assuré ! Dans ce cas, les assureurs gardent un silence bien compréhensible puisqu’il est à leur avantage. C’est le rapport asymétrique entre assureur et assuré (voir les travaux des Américains George A. Akerloff et Arrow en 1963, A. Michael Spence et Joseph E Stiglitz, Prix Nobels 2001). En France, il est vrai, ces concepts n’intéressent personne, et pour cause.
Il n’est donc pas rare que les clients soient dans une confusion totale et se trouvent démunis en cas de sinistre. Ils effectuent très souvent des souscriptions en ligne sans avoir vu les conditions générales. Sur certains sites internet, la signature du contrat se fait sans avoir pris connaissance des conditions générales, et certains assureurs refusent même de les fournir au prétexte que les clients ne les lisent pas !. Deux assureurs m’ont même assuré que personne ne lisait ces contrats. Les conditions générales font entre 60 et 90 pages, et malgré les efforts de clarté de certains assureurs, restent difficiles à analyser. Les propositions de “remplacement valeur à neuf”, mais avec vétusté restent une parfaite antinomie.
Il est aussi à noter, dans les conditions générales, que la vétusté est représentée sous sa forme la plus anodine, par exemple 10% par an, avec un plancher indiquant qu’elle ne peut descendre au-dessous de 75%. Dans les contrats, le chiffre réel de 75% de perte de valeur n’est jamais mentionné, mais seulement les 25% de la valeur restants. Mais, pour un capital de 100000€ de couverture, il ne faut pas être grand clerc pour s’apercevoir que ce capital de couverture est réduit en fait de 75000€... Peu de souscripteurs font ce calcul. Ils sont tous leurrés par cette somme impressionnante (je suis couvert à hauteur de 100000€) et se croient bien protégés. Belle illusion entretenue dans le silence du contrat.
Considérant le nombre important de ces contrats en France, il serait urgent de se pencher sur ce problème. Il serait très souhaitable que les assureurs illustrent leurs propositions à l’aide de simulations chiffrées et fassent part du risque encouru aux souscripteurs. L’assurance n’est-elle pas la couverture d’un risque ? C’est peut-être le cas, mais à minima.
L’assurance à la personne n’a rien à voir dans une assurance habitation. Tous les chapitres concernant l’assistance à la personne sont extrêmement complexes et ne devraient pas être inclus dans le corps du contrat principal. Cela représente un frein à a concurrence. Car un assuré peut trouver des produits/services intéressants dans le reste du contrat, mais sera en butte à la complexité des clauses dans le chapitre « assistance à la personne ». Ce chapitre devrait pouvoir être négocié séparément. Car, entre l’assurance des personnes et l’assurance des biens il s’agit de deux produits très différents.
Toutes ces clauses résultent sans doute d’un empilement de garanties ajoutées au fil du temps, rendant les contrats obscurs, décourageant les assurés et donnant libre cours à l’arbitraire des assureurs.
C’est une situation confortable qui avantage considérablement les assureurs vis à vis de leurs clients qui, dans les faits, ne savent jamais ce qui les attend en cas de sinistre. En France il existe une relation très déséquilibrée entre assureur et assuré. Serait-ce là ce qu’on appelle les lois du marché ? Où le plus fort (ou mieux informé et plus habile) profite des silences du contrat et abuse du plus faible. Ce cas est-il unique en France, et qu’en est-il de la régulation européenne (à condition qu’elle existe) ? Dans notre pays les instances régulatrices chargées de veiller à l’équité de ces contrats ont donc failli. Il y a dans ce domaine une complaisance de l’Etat, une passivité proprement consternantes.
La mise à plat des contrats d’assurance habitation représente un gros travail et nécessiterait la participation de plusieurs personnes dans un groupe de travail : juristes, usagers et représentants d’un groupe politique pour faire avancer les choses. Il serait nécessaire d’interpeller le ministère de la consommation chargé de veiller à l’équité de ces contrats et d’obtenir des résultats. Chose délicate en période d’élections où ce papier a été rédigé.
Une touche ironique pourrait être ajoutée à cette situation. Certains assureurs offrent le remboursement d’un soutien psychologique de l’assuré en cas de sinistre. Ce pauvre assuré en a bien besoin, surtout quand il constate que sur les 100000€ (par exemple) de couverture auxquels il pensait avoir droit pour protéger ses biens, il s’aperçoit qu’il perd 75000€ en raison du principe de vétusté expliqué ci-dessus. août 2016
Je me suis adressé à diverses entités telles que la DGCCRF, à l’organisme de contrôle des assurances et même au ministère des finances censées contrôler les assureurs, mais sans succès. Au ministère des Finances, le bureau chargé du contrôle des assurances m’a répondu que ma demande était du ressort de la commission des clauses abusives. Mais, cette commission n’est pas accessible à un particulier, ni sans doute à un député. Donc retour à la case départ.
En désespoir de cause, je me suis adressé à la députée de ma circonscription (dont j’ai tu le nom) qui a bien voulu adresser une question écrite au ministère des finances. Voici la réponse : pour des raisons techniques Bercy s’est défilé. La question, posée le 7 mars 2017 a été retirée ! Je laisse le lecteur conclure...
Rubrique >assurances Tête d’analyse >contrats Analyse > contrats multirisques habitation. Question publiée au JO le : 07/03/2017 Date de changement d’attribution : 18/05/2017 Question retirée le : 20/06/2017 (fin de mandat)
Texte de la question "Mme XXXX attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur les contrats multirisques habitation. De nombreux assurés se considèrent protégés contre les risques mais découvrent, lors d’un sinistre, que la garantie n’atteint pas le niveau de réparation attendu. Ils dénoncent une telle minoration au regard d’une détermination unilatérale d’un coefficient la vétusté des biens. Dans le même temps, ils dénoncent aussi un montant de cotisation identique ou majoré alors que le bien, si l’on s’en tient au coefficient de vétusté appliqué, en toute logique, a baissé en valeur. Enfin, si l’assuré peut demander une révision de ses cotisations lorsque les risques encourus diminuent, celle-ci n’est pas spécifiée dans le contrat. Pour toutes ces raisons, les intéressés font valoir le caractère abusif et opaque des clauses de ces contrats. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement s’est préoccupé de cette situation et si des mesures sont envisagées pour remédier à cet état de fait."
Que faire ? Je ne sais pas comment créer une pétition en ligne. Quelqu’un peut-il m’aider ? Merci.
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