Les déshuntages qui font déchanter les cheminots
Déshuntage, un mot que je n’avais jamais entendu, moi qui écoute les infos de la 1ère radio de France (sic), que je n’avais jamais lu, moi qui suis une adepte de Facebook dont les membres, en plus de se tenir informés sans délai de l’actualité (vraie ou fausse), relaient les meilleurs (?) tweets.
Le soir du 29 septembre dernier, quand je me suis assise devant l’écran de ma télé pour regarder l’émission proposée par « Envoyé spécial », le magazine d’information de France 2 présenté par la journaliste Élise Lucet, c’était bien évidemment pour apprendre, enfin, ce qu’est cette « Affaire Bygmalion » qui envoie, devant les tribunaux, plein de VIP qui en sortent sans en être le moins du monde affecté.
J’ai donc été agacée de devoir « me farcir » un ‘documentaire’ sur les TER X73500 avant de pouvoir satisfaire ma curiosité.
Comme toute banlieusarde habitant la région parisienne, les trains, je les ai trop pratiqués avec leurs mouvements sociaux récurrents. Les trains, « j’en avais soupé ».
Je me rappelle encore mon éclat de rire quand j’ai appris que le réseau des trains de banlieue s’appellerait désormais Le Francilien, de part la volonté de la SNCF dans son souci de les revaloriser. Sûr que ça allait tout arranger et que désormais les trains circuleraient sans défaillance et sans retards.
Mon agacement, en regardant le documentaire présenté par « Envoyé spécial » s’est très vite transformé en un véritable intérêt pour les faits que j’apprenais s’agissant de déshuntages qui perturbent les TER X73500.
Et quand j’ai mesuré l’impact de ces déshuntages qui font d’autant plus la dangerosité des TER X73500 que la SNCF les juge négligeables pour la raison qu’ils sont ‘occasionnels et furtifs’, je me suis dit que le sujet concernait finalement bien plus les citoyens lambda qui peuvent s’y trouver confrontés que l’affaire Bygmalion qui n’est qu’une affaire véreuse parmi tant d’autres affaires véreuses.
Ceci étant dit, je ne suis ni ingénieur ni reporter.
Alors, pour satisfaire ma curiosité, comme à mon habitude, j’ai pratiqué des recherches sur Internet. Ce que je publie n’est donc pas une œuvre journalistique mais une série de copiés/collés agrémentés de commentaires personnels.
Autant le dire de suite,
- la définition du mot shuntage auquel j’ai été confrontée, parce qu’il me semblait nécessaire d’en connaître le sens avant d’aborder mes recherches, a bien failli décourager ma soif de savoir tant certains domaines de compétences me sont inaccessibles.
Shuntage : définition = en électricité, fait de placer un shunt, un dérivateur connecté en parallèle avec un circuit électrique.
- Un découragement accentué par la technicité rébarbative de l’article publié par http://transportrail.canalblog.com/archives/2015/10/29/32847793.html qui ne complaira qu’aux accros de la méthode auxquels je laisse toute latitude de s’intéresser à l’article en cliquant sur le lien.
Par chance http://www.breizh-info.com du 12 octobre 2015 a donné l’explication la plus simple et la plus accessible, à mon cerveau de brune, du déshuntage :
« Les TER X73500, petits et ronds, surnommés parfois « suppos » ou « concombres » par les cheminots, peuvent circuler seuls (en US) ou attachés par deux ou trois (en UM). Élégants et modernes, ils connaissent pourtant régulièrement des problèmes de sécurité très graves, et ce dans toutes les régions de France. »
« Le train disparaît à plusieurs reprises des écrans de contrôle. Et là, comme le rappelle la CGT-Cheminots de Hendaye-Bayonne après un incident grave le 11 janvier dernier**, les risques sont nombreux : « risque de nez à nez [collision frontale] avec un autre train, risque de choc par l’arrière avec un autre train, risque de collision avec un véhicule à un passage à niveau barrières ouvertes… » ou déraillement. Pour résumer, le train est en roue libre, livré à lui-même ou presque. »
**breizh-info fait référence au communiqué de ladite CGT laquelle, pour expliquer un mouvement de grève décidé en juillet 2015, a fait valoir un "grave incident" survenu entre Bordeaux et Bayonne le mois de janvier précédent (http://.sudouest.fr/ le 27.07.2015)
« Le dimanche 11 janvier, un train transportant des voyageurs a vécu un grave incident qui aurait pu avoir de lourdes conséquences. Ce train de voyageur, avec du matériel spécifique autorail X73500, a déshunté à 7 reprises sur 11 km entre Bordeaux et Bayonne." Cela signifie que le train n'émet plus de signal et que personne ne connaît son positionnement.
"Ce déshuntage aurait pu provoquer une collision à un passage à niveau ouvert, un nez à nez entre deux trains, un rattrapage par l'arrière du type de l'accident de Denguin.. »
La CGT-Cheminots de Hendaye-Bayonne n’était pas la première à évoquer le danger représenté par les déshuntages des TER X73500. Ainsi, dans un compte rendu du 19 mars 2015 émanant de la Fédération de cheminots (http://cheminots-cgt-marseille.org/wp-content/uploads/2015/03/20150325_CR_audience_19032015_deshuntages_X73500.pdf), on peut lire :
« Un engin automoteur X73500 a circulé sur une distance de 11 kilomètres, sans agir, à 7 reprises (6 selon la Direction), sur les installations de sécurité, sur des périodes allant jusqu'à 27 secondes pour les 6 déshuntages reconnus par la Direction, la durée du 7ème nous étant cachée.
- Le train a franchi un passage à niveau à 130 km/h, barrières ouvertes,… »
La SNCF, qui a retiré les TER 73500 des lignes Thouars-Saumur et Bordeaux-Bayonne-Hendaye, sait à quoi s’en tenir sur la dangerosité des TER X73500 le cas le moins grave étant un déraillement le 12 octobre 2015 à Sainte Pazanne (44).
Deux autres déshuntages de TER X73500 avaient précédemment été la cause d’accidents mortels
- Le 21 novembre 2006, sur le passage à niveau Nº 291, à La Roche-Maurice, entre Brest et Morlaix, une automobiliste a perdu la vie parce que les barrières ne s'étaient pas refermées à l'approche d'un train X73500.
- Le 04 mai 2012, vers 5 h 30 au croisement d’une départementale et de la ligne ferroviaire Paris-Brest, au niveau de la commune de Pédernec, près de Guingamp (22), une collision sur un passage à niveau avec un TER X73500 provoque la mort d’un automobiliste.
Le gouvernement ne peut ignorer la dangerosité des TER X73500 dès lors qu’un membre du Sénat interpelle en séance un secrétaire d’État :
https://www.senat.fr/  ;  ; : Déshuntage de trains et sécurité ferroviaire
14e législature
Question écrite n° 18819 de Mme Laurence Cohen (Val-de-Marne - Communiste républicain et citoyen)
publiée dans le JO Sénat du 12/11/2015 - page 2628
Mme Laurence Cohen attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur le déshuntage de certains trains.
En effet, certaines séries de matériels ferroviaires souffrent de défaillances de conception, appelées « déshuntages ». Sont ainsi concernés 318 trains express régionaux (TER) de la série X73500 ainsi que les engins moteurs du fret BB 60 000 circulant « haut-le pied ».
Plusieurs accidents et incidents ont déjà eu lieu, notamment des collisions mortelles en 2006 et 2012. Plus récemment un train composé de ce matériel a déraillé.
Des cheminots ont fait valoir leur droit de retrait, au nom de leur sécurité et celle des usagers, face au manque de réactions et de prise de décisions de la direction de la SNCF…
La réponse qui lui a été faite n’a guère d’importance. Les politiciens donnent toujours des réponses adéquates et bienséantes lorsqu’ils sont interpellés sur des faits dont ils ne sont pas directement responsables.
Par contre la SNCF est infiniment critiquable
- dont on est en droit d’attendre des actions concrètes pour que cesse ce jeu de roulette russe avec les citoyens
- qui, depuis 10 ans, se moque de la douleur de personnes endeuillées en attribuant la mort de l’automobiliste tuée le 21 novembre 2006 à un suicide.
On imagine facilement cette femme arrivant au volant de sa voiture devant le passage à niveau dont les barrières étaient ouvertes, ralentissant ou stoppant en attendant que le train arrive, et redémarrant en trombe pour se précipiter sous les roues de la locomotive.
C’est d’un grotesque.
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