Les dix candidats s’affichent
Analyse sémantique.
Cette fois, c'est la dernière ligne droite ! À la fin de la semaine, il n'y aura plus que deux affiches sur les panneaux électoraux de nos bureaux éponymes. Il est encore temps de regarder d'un peu plus près les messages subliminaux, les intentions cachées, les points de fracture ou de convergence qui émanent de ces messages apparemment si convenus.
Deux éléments tout d'abord ont immédiatement attiré mon attention. Une surprise étonnante, une absence plutôt qui interroge sur la nature même de ce qu'elle peut signifier. Six candidats qui n'affichent pas leurs couleurs, qui n'indiquent pas le parti dont ils sont issus, et pas des moindres puisque les deux favoris auto-proclamés ont effacé de leur carte de visite la structure partisane qui finance grassement leur si couteuse campagne.
Une coïncidence ensuite, un trait de communion et d'union pour quatre slogans si semblables en apparence, qu'ils finissent au-delà du mot commun, par se condenser en seulement trois mots pour chacun d'entre-eux. La France avec eux se fait Forte, Solidaire ou Libre. Elle s'affirme même pour la dernière dans une expression qui fait peur quand on pense à son contraire : « Oui, la France ». Que tous se trouvent du même côté de l'échiquier politique et l'on va supposer que leurs adversaires n'aiment pas la Nation.
Pourtant, au-delà la dame exclusive et extrême, il y a bien des nuances entre les adjectifs. Solidaire est une invitation au partage, reprend la fraternité de notre devise. Pas d'objection de fond sur cette invitation au partage que son tenant envisage dans une rigueur qui se veut équilibrée. Libre est un rappel au grand modèle, au Général et ses FFL qui firent sa gloire et son honneur. Le candidat, dernier héritier légitime, s'en prend d'ailleurs à l'Europe, barrière à la liberté de notre Pays.
C'est le dernier adjectif que je trouve un peu Fort de café. La France forte, laquelle ? Celle des riches qui ont profité des largesses du bonhomme ? Celle qui se soumet aux ordres de l'Europe et de l'Otan ? Celle qui roule des mécaniques en ne cessant de faire des lois à chaque fait divers pour ne jamais les appliquer ensuite ? Il fait fort le petit homme !
Puis j'observe et découvre un autre mot commun, une promesse chez les deux associés du troisième tour. Le changement est maintenant pour l'un quand il est ailleurs pour l'autre, dans une réponse différente et qui se nomme écologie. Belle manière de mettre à distance la fusion des deux partis, le vrai changement, ce n'est pas celui de l'heure qui s'approche, c'est une modification plus radicale qui se nommerait écologie.
Un candidat la joue un peu autrement. Il joue de la brièveté comme ses collègues précédents mais il se décentre du problème. Il en appelle aux électeurs par une injonction surprenante pour des élections : « Prenez le pouvoir ! » Chiche, serions-nous tentés de lui répondre.
Enfin, il y a ceux qui ont besoin de plus de mots pour développer leurs idées. Qui sont là manifestement pour proposer un témoignage et non prendre rendez-vous immédiatement avec le suffrage universel. Ils évoquent tous trois le capitalisme, la bourse qui ruine l'économie réelle, ils proposent de faire payer les riches. Pour l'un, c'est très clair, les capitalistes doivent payer leur crise, pour l'autre, il faut en finir avec la City et Wall Strett. La dernière enfin, à qui l'on donne si peu la parole, profite de l'espace offert pour se lancer dans un assez long message.
Mais l'élection présidentielle c'est encore le rendez-vous d'un individu avec une Nation, c'est alors une bataille d'égo, une porte ouverte au culte de la personnalité. À ce petit jeu, c'est Madame Le Pen qui prend la plus grosse part de l'affiche, elle au centre de tout, en un plan épaule pour nous démontrer qu'elle a la tête justement au dessus de cet endroit. Quand Dame Joly s'offre au très gros plan en affichant ses couleurs sur ses lunettes.
Ils sont quelques-uns à s'offrir de face ou légèrement de profil à notre contemplation énamourée. Certains vont chercher en arrière plan, une mer Egée, un clin d'œil dont se passeraient volontiers nos amis grecs. Seuls les représentants des travailleurs nous la jouent sobre, en retrait, sans ostentation. Ce qui me choque le plus c'est la dérobade du candidat sortant, ce placement en biais comme s'il ne pouvait regarder la France dans les yeux. À côté de lui, lui tournant franchement le dos, le trublion de la campagne se serre sur le coté pour inviter le peuple à prendre la place centrale.
Tous s'affichent et nous font de l'œil. Qui saura vous séduire ?
Affichement leur.
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