Les doubleurs se font doubler
Vous avez sans doute entendu que les doubleurs sont en train de se faire doubler. Par l'intelligence artificielle (IA). Ils ont interpellé la Ministre de la Culture Rachida Dati pour faire valoir l'exception française au cinéma et à la télévision.
Alors évidemment ils défendent leur beefsteak, c'est humain. Personne n'a envie de se faire remplacer par une machine, c'est entendu. Cependant je vous propose de pousser un peu plus loin l'analyse, parce que quand on va plus loin, on voit des choses que les autres n'ont pas vues.
Déjà, le doublage, d'où ça vient ? De la fin du cinéma muet, où la question ne se posait pas. À la rigueur on mettait les panneaux en français, une sorte de sous-titrage muet. Ensuite, avec l'arrivée de la voix, plusieurs options se sont présentées, les principales étant : sous-titrer ou doubler.
Et il fallait répondre à la question : sous-titrer, ou doubler ? En France vous connaissez la réponse, nous avons massivement doublé. L'idée était de protéger la langue française. Mais elle était inspirée par la peur de la langue anglaise. Et vous le savez, la peur est mauvaise conseillère.
Parce que regardez ce qui s'est passé : l'industrie cinématographique étasunienne a pu facilement écouler ses films déjà rentabilisés en France, où ils ont pu toucher un large public populaire qui n'avait pas d'effort à fournir pour comprendre une production en langue étrangère.
Tout cela a été en plus facilité par un facteur politique, à savoir que libre circulation des produits culturel étasuniens était la seule contrepartie exigée par le plan Marshall. C'est pourquoi encore aujourd'hui ce sont surtout des séries américaines que l'on voit sur nos écrans de télévision.
Eh oui après tout, pourquoi pas des séries italiennes, belges, espagnoles, roumaines, chinoises ? Ou le cinéma indien de Bollywood ? Après tout il n'est pas cher du tout. Il y a la différence culturelle oui, mais justement, ne s'est-on pas fait avoir ?
À trop vouloir protéger la langue française, n'avons-nous pas favorisé le déferlement de culture étasunienne dans notre pays ? La réponse est indiscutablement oui. Car si les gens avaient eu à faire l'effort de lire les sous-titres, ils auraient consommé moins de culture étrangère.
André Malraux disait qu'une culture, ça se mérite, ou pour être plus précis, ça se conquiert. Oui, mais cela vaut pas uniquement pour les producteurs culturels, c'est aussi vrai pour les consommateurs. Et à être paresseux, le téléspectateur français s'est laissé submerger.
Surtout que là encore, ce n'est pas l'anglais parlé ou même chanté qui change quelque chose. On entend beaucoup d'anglais à la radio, et ce n'est pas pour cela que tout le monde se met à parler cette langue, particulièrement difficile à apprendre pour les Français.
Les sonorités ne sont pas les mêmes, le rythme évolue, l'accent tonique n'est pas du tout placé comme en français, et il y est encore plus irrégulier. C'est pour cela par exemple que dans les spectacles de gymnastique, les athlètes non anglophones ne sont pas gênées par le fond sonore en anglais, puisque de toute façon leur attention ne peut pas détournée par des paroles qu'elles ne comprennent pas.
Eh oui, l'anglais est difficile, c'est une barrière naturelle. Et c'est parce qu'ils n'ont pas fait confiance à la nature que les politiciens français ont favorisé l'invasion du tout-à-l'anglais, car évidemment si 90% des produits culturels qui nous entourent sont d'origine anglophone, le système éducatif a tendance à enseigner cette langue en priorité.
En priorité par rapport aux autres. Aux langues de nos voisins, allemand, italien, espagnol, qui eux sont restés dans l'UE, et avec qui, normalement nous sommes appelés à resserrer les liens. Oui, pourquoi n'a-t-on pas à la radio plus de chansons en langues européennes ?
Parce que, comme déjà évoqué, les produits culturels les moins cher ont déjà été rentabilisés auprès d'un public assez nombreux. La seule solution serait de rentabiliser des produits culturels à l'échelle de l'Europe. Pour se faire on pourrait utiliser l'espéranto, dix fois plus rapide à apprendre que l'anglais.
Son initiation, puis son enseignement massif dans toutes les écoles d'Europe permettrait l'émergence d'une culture réellement européenne, sans menacer les langues nationales, car c'est une langue purement internationale.
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