Les élections européennes ou la démocratie du dimanche
Aujourd'hui, en ce 25 mai 2014, comme bien peu de mes concitoyens, je suis allé voter pour les élections européennes. Des élections bien connues pour leur taux d'abstention record dû à un désintérêt des citoyens et je dois bien dire que finalement je les comprends tous ces abstentionnistes qui ont préféré rester chez eux se reposer, regarder la télé, jardiner, prendre un verre avec des amis... bref profiter de la vie plutôt que de s'embêter (pour rester poli) à aller voter.
Il faut dire que malgré le climat ambiant de défiance vis-à-vis de la politique européenne et de la politique en général, j'ai tenté de m'y intéresser à ces élections, après tout voter reste la meilleure façon d'exprimer pacifiquement son opinion politique. Et comme a priori, la grande majorité des bureaux de vote de ce pays ne ressemble pas à ceux gérés par les époux Tibéri, les votes ont de bonnes chances de refléter la réalité de l'opinion. En somme voter pour exprimer mon point de vue, participer au choix de mon avenir et ne pas laisser les autres décider à ma place .
Oui mais voilà, le parcours du combattant que constitue le fait de tenter de suivre la campagne pour les élections européennes m'aura finalement démontré que cette élection est une farce et que faire croire que les peuples allaient décider de l'avenir de l'Europe est une insulte à l'idée de démocratie.
Commençons par le commencement, les élections européennes c'est quoi ?
Dès le départ, on constate l'existence d'un problème assez sérieux, la plupart des gens ne savent même pas ce que sont les élections européennes, selon un sondage récent il semblerait que près d'un français sur deux ne sait même pas que les élections européennes servent à élire au suffrage universel direct les membres du parlement européen. Mais allons plus loin, pour ceux qui savent qui est élu lors des européennes, à quoi servent les parlementaires européens ?
Alors là c'est l'hécatombe, plus personne où presque pour donner une explication claire, et la raison est simple, il n'y a rien de clair dans le fonctionnement de l'Union Européenne, suivant depuis 3 ans dans le cadre de mes études un cours sur l'Union Européenne ( enseignement considéré de façon très majoritaire comme affreusement complexe ) je vais tenter de faire un résumé du rôle des parlementaires européens. A l'heure actuelle, les membres du parlement sont en principe des co-législateurs, c'est à dire qu'en accord avec le conseil ( où sont représentés les Etats ) ils votent les directives et règlements de l'Union Européenne qui s'imposent aux lois nationales dans les domaines prévus par les traités. Cependant, ce schéma connaît des exceptions et dans certaines matières il a simplement un droit de veto, voire ne fait que donner son avis. Autre particularité, contrairement aux parlementaires nationaux, les parlementaires européens n'ont pas le pouvoir d'initiative ( celui de proposer des textes ), ce pouvoir revient en principe à la commission ( organe censé représenter l'intérêt de l'UE ) sauf exception où ce pouvoir revient au parlement, ou au conseil, ou à la BCE, ou à la CJUE. La raison de cette organisation ( de ce foutoir ), des traités à succession accumulant le bricolage juridique pour satisfaire tous les Etats, mais ça c'est un autre débat.
Toujours est-il que mon résumé du rôle et de l'impact des parlementaires européens aussi succinct soit-il, l'avez vous entendu à la télévision, à la radio, dans la presse ? Non ou alors avec une visibilité quasi-nulle pour le citoyen moyen ; est-il enseigné aux élèves pour en faire des citoyens autonomes ? Encore une fois non, l'éducation nationale est débordée par l'organisation de la journée de la jupe, il faut avoir le sens des priorités vous comprenez.
Une fois passée la question de savoir pourquoi l'on vote, vient la question pour qui voter ? En principe conséquence immédiate de quel programme pour l'Union Européenne ? Et alors là c'est le festival, le grand n'importe quoi généralisé. A priori, dans la logique de toute personne normalement constituée, dans une élection européenne, le choix des électeurs se fait sur un programme traitant des questions européennes. Eh bien non, après des élections municipales où le débat s'est révélé purement national, certains ( médias, hommes politiques, analystes en tout genre ) ont poursuivi dans cette lancée lors des européennes. La palme d'or dans cette discipline revient sans doute à l'UMP, qui non seulement n'a pas traité des questions européennes mais en plus n'avait même pas de programme hormis celui sans cesse rabâché consistant à dire que voter UMP aux européennes était le meilleur moyen de sanctionner François Hollande.
Pour les autres, on peut dire que le rendu médiatique de cette campagne était tout aussi pitoyable, à l'image de François Hollande lors des cérémonies du 8 mai résumant assez bien le programme de son parti, « l'Europe c'est la paix, sortir de l'Europe c'est sortir de l'histoire » c'est tout ? Vraiment ?
Chez les centristes, un problème ? Plus de fédéralisme ; un autre problème ? Plus de fédéralisme.
Au front national, un problème ? Sortie de l'Europe fermer les frontières ; un autre problème ? Sortie de l'Europe fermer les frontières.
Quant à nos chers médias, leur point de vue était en globalité tout aussi risible, le front national c'est le mal, si on sort de l'UE on va tous mourir, l'UMP et le PS n'ont aucun programme ? Si, mais c'est juste qu'ils ne savent pas le formuler, ils sont maladroit. Le tout saupoudré d'innombrables reportages en France montrant tous ces projets financés en partie par l'UE histoire de nous montrer que sans l'UE la France ce serait le tiers monde, par contre ils sont beaucoup plus discret sur le fait que la France est contributeur net de l'Union Européenne ( c'est à dire qu'elle donne plus d'argent à l'UE qu'elle n'en reçoit ). On nous vante aussi les bienfaits de la solidarité européenne pour sauver l'euro et les banques, mais on oublie aussi de nous dire que cette solidarité est à plusieurs vitesse avec le chèque britannique ou l'allègement des contributions de l’Allemagne en matière de TVA.
Concernant les débats entre candidats enfin, ceux-ci étaient quasi absent et n'allaient jamais au fond des choses à l'image du « des paroles et des actes » consacré à la question, on notera aussi le débat entre les candidats au poste de président de la commission avec un doublage digne d'une telenovela bas de gamme devant lequel j'ai capitulé au bout de 5 minutes.
Devant le niveau ridicule de cette campagne sur un plan médiatique, je me suis donc rabattu sur ces fameuses grandes enveloppes marrons que l'on reçoit environ une semaine avant le scrutin et contenant les différentes listes et programmes. J'ai pris le temps de lire chacune d'elle attentivement pour connaître enfin les différents programmes. Premier constat, alors que les interventions publiques et les débats se limitent presque exclusivement à 6 formations politiques, mon enveloppe marron contient elle 13 listes. A la lecture des programmes, malheureusement guère de surprise, en particulier pour les partis dominants dont le programme est souvent plus court d'ailleurs, on retrouve la même musique avec pêle-mêle « l'Europe c'est la paix », « la France c'est trop petit », « Bruxelles ils sont méchants », « faut plus de fédéralisme ». Passé cela, on a bien souvent le droit à des programmes relevant de la pure incantation, dépourvu de toute idée concrète quelques exemples, l'UMP veut : « une Europe qui n'agit que là où elle est vraiment utile » , le PS veut « promouvoir une Europe de la défense », les verts veulent « faire reculer la corruption » etc.
Malgré tout, au milieu de ce bourbier, on finit par trouver quelques propositions concrètes et par faire un choix et je me suis donc rendu à mon bureau de vote, et là c'est le coup de grâce, en approchant de la table où étaient posés les bulletins de vote, je constate qu'il n'y a pas 6 listes comme les médias le laisse penser, ni 13 comme mon enveloppe marron en contenait mais 25 parmi lesquelles par exemple l'UPR, démocratie réelle, le NPA ; un peu désarçonné je prends les bulletins, me rend dans l'isoloir, acte le choix que j'avais fait puis vais voter. Mais en sortant du bureau de vote, une impression désagréable m'envahissait, celle de m'être fait avoir, le système m'aurait-il mis une quenelle ? Je le crains, et surtout oui je comprends ceux qui ne sont pas allé voter en ce dimanche. Comment reprocher aux citoyens de ne pas aller voter, lorsqu'on ne leur explique même pas qui sont les personnes pour lesquelles elles vont voter, lorsqu'on ne les informe pas sur les enjeux de l'élection, lorsque les programmes se résument à des incantations et à des renvois aux questions nationales, lorsque les médias ont une vision totalement partiale de la réalité, cachent l'existence de la grande majorité des candidats et qu'on découvre l'existence de la moitié d'entre eux en arrivant au bureau de vote, c'est ça la démocratie ??
Ce petit jeu pervers qui consiste à détourner les citoyens de la voie de l'expression démocratique de leur opinion fonctionne peut-être pour l'instant et permet toujours aux mêmes de faire leurs petites affaires dans leur coin, mais ils risquent de le regretter le jour où les peuples atteindront le point de rupture.
Sur ce constat bien désolant, je termine cette tribune, en ce dimanche soir je ne m'attarderais pas devant ma télé pour voir encore une fois les mêmes hypocrites se foutre de moi, la politique m'a assez dégoûté pour aujourd'hui.
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