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Accueil du site > Tribune Libre > Les émeutes raciales aux USA : une terrible tradition (2) : celles de (...)

Les émeutes raciales aux USA : une terrible tradition (2) : celles de 1965-1968

L'émeute raciale de 1943 est vite tombée dans les oubliettes de l'histoire. Lorsque Kid Creole vient faire son cirque dans les années 90, on évoque Minnie The Moocher mais pas les Pachucos et leurs vêtements mis en lambeaux par des hordes de marins frustrés. Il faudra attendre un peu plus de 20 ans pour que d'autres soubresauts apparaissent à nouveau à Los Angeles. Cette fois-ci les hispaniques y sont pour rien. On pouvait s'attendre à autre chose après la proclamation des droits civiques de 1964 proposés par Lyndon B.Johnson, qui interdit définitivement la ségrégation raciale dans le pays. Mais l'administration traîne, les élus blancs rechignent et les noirs s'impatientent. Le prétexte de l'arrestation d'un jeune noir, Marquette Frye, lors d’un contrôle routier, alors qu'il est alcoolisé et qui a déjà été arrêté comme membre d'un gang local, met le feu aux poudres. Les rancœurs qui couvaient mènent alors la danse, et un quartier, celui de Watts, s'enflamme littéralement à partir de la rumeur de sa molestation par la police, ce qui était faux. Emeute, pillages, meurtres, assassinats, lynchages, on aura le droit à tout devant des cameramen médusés. Paris-Match, qui ne jure alors que par les exploits des cosmonautes de Gemini est pris de court : personne ne comprend pourquoi une telle flambée de violence dans un pays à la pointe du progrès technologique... une flambée qui recommence deux ans plus tard à Detroit et à Newark et un an après l'assassinat de Martin Luther King en fabrique d'autres encore. Le beau projet de nouvelle société de LBJ, ce président pourtant raciste (*), démarrait sous de bien mauvais auspices...

Les révoltes urbaines aux USA ont été nombreuses dans les années soixante : de juin 1963 à mai 1968, ont eu lieu 239 émeutes urbaines différentes, concernant près de 200 000 participants, et qui ont laissé derrière elles le lourd bilan de 8 000 blessés et de plus de 200 morts. L'historique des différents mouvements ne donne pas toujours d'indication véritable sur l'étincelle qui aurait pu tout déclencher, mais en 1964, un événement a du avoir du poids dans l'opinion noire. Le 21 juin 1964 en effet, trois jeunes militants pour les droits civiques, James Earl Chaney, Michael Schwerner et Andrew Goodman – un Noir et deux Blancs, ici à gauche– sont enlevés et sauvagement assassinés et enterrés par des membres du Ku Klux Klan (ceux-là aussi) dans le comté de Neshoba dans le Mississippi : c'est à peine 11 jours avant que LBJ ne signe le décret sur les droits civiques promise par Kennedy, qui interdit la discrimination dans les lieux publics et garantit l’égalité des chances en matière d’emploi... Le KKK a visiblement tenté un coup de force de dernière minute !!! Un KKK vert de rage en décembre de la même année avec la nomination de Martin Luther King qui devient le plus jeune Prix Nobel de la Paix (à 35 ans !). Le 25 février, le KKK s'était trouvé un autre ennemi : le boxeur Cassius Clay, 22 ans, devenu champion du monde des poids lourds en battant Sonny Liston. Les deux sont des noirs, mais le KKK a une autre dent contre Clay, car celui-ci rejoint très vite le mouvement "Nation of Islam" et devient alors Mohammed Ali, se mettant à dos les extrémistes de droite islamophobes (les pionniers du genre ?). Il faudra attendre 2005 pour que la justice américaine revienne sur le cas des trois du Mississipi, dans un revirement qui n'est pas total pour autant ! Le 7 janvier 2005, quarante ans après le crime, Edgar Ray Killen, âgé de 80 ans (ici à gauche), a en effet été inculpé de trois chefs d'assassinat. Il a été accusé d'avoir orchestré les meurtres et le rassemblement de la foule qui a tué les trois partisans des droits civiques. Le 21 juin au 41e anniversaire du meurtre, ER Killen a été reconnu coupable de trois chefs d'homicide involontaire, une accusation moins grave. Il a reçu la peine maximale, 60 ans de prison. Mais le grand jury convoqué a refusé d'appeler à l'arrestation de sept autres membres vivants du groupe d'origine des 18 suspects arrêtés en 1967... l'excellent film d'Alan Parker relatant l'affaire est visible ici (en 10 parties).  Le jury avait notamment fait l'impasse sur le cas du shérif local Lawrence Rainey dont l'attitude déplorable lors du procès (voir image ici à gauche) aurait dû inquiéter : on découvrira plus tard qu'il faisait partie des organisateurs du lynchage !!! Il savait, manifestement, et a couvert délibérément l'opération, ce qu'il a toujours nié avoir fait. Sa photo au procès résume parfaitement le sentiment d'immunité qui l'habitait, comme celle des membres du groupe du KKK, persuadés que jamais personne ne parlerait.

Tout devait aller mieux, pourtant

Alors que le pays s'enthousiasme aussi pour la réforme promulguée, avec des milliers de jeunes noirs et blancs du Nord qui se mettent en route vers le Sud ségrégationniste pour aider les citoyens noirs américains à s'inscrire sur les listes électorales, ceux-ci ayant toujours été réticents (il faudra attendre 2008 pour que cela bascule vraiment !). Tout marche (enfin) dans le bon sens, celui de l'antiracisme, se dit-on, et pourtant, cela recommence cette fois à l'été 1964, avec la révolte du quartier de New-York de Harlem (une révolte ayant déjà eu lieue en 1935 au même endroit, à partir du vol d'un noir Porto Ricain de 16 ans, Lino Rivera, que la rumeur affirmera avoir été battu par la police). En 1965, c'est une révolte d'exploités, selon Malcom X, cet autre extrémiste, ou de gens qui se sentent exploités et exclus des richesses du pays, qui s'attaquent sans le savoir à un dogme intangible, le capitalisme, qui, pour continuer à faire des profits, est obligé de recourir régulièrement à un lumpen prolétariat, qui est alors ... noir : "ces révoltes étaient spontanées et inorganisées, mais elles obéissaient à une logique interne. Attaques et pillages étaient pour l’essentiel dirigés contre les propriétés des commerçants blancs qui exploitaient la communauté noire : ainsi à Harlem, plus tard à Watts. Les Noirs récupéraient en somme les produits qui leur avaient été volés sous la forme de travail sous-payé et de prix prohibitifs." Ajoutée à cela, la lenteur avec laquelle la loi anti-discrimination se met en place ce qui exaspère toute la communauté noire. Encore une fois, c'est donc un fait divers suivi d'une rumeur qui déclenche les hostilités : un jeune noir âgé de 15 ans à peine, James Powell, à été abattu le 16 Juillet 1964 par un policier... qui n'était pourtant pas en service et qui a déclaré avoir été menacé d'un couteau (voilà qui rappelle fort le second cas récent survenu !).

L'attitude d'un policier mise en cause

Le récit du déclenchement de l'affaire est en effet assez incroyable : un individu, Patrick Lynch, propriétaire de trois maisons à Yorkville, une zone blanche de cadres supérieurs située sur l' Upper East Side de Manhattan, lassé de voir ses perrons squattés par de jeunes noirs à décidé d'en arroser quelques uns en les insultant copieusement au passage "sales nègres, je vais vous rendre propre" (ce qu'il niera avoir dit, bien sûr). Les jeunes répliquent aussitôt en lui lançant des ordures, attirant l'attention de trois autres garçons venus du Bronx qui passaient par là, dont James Powell, qui s'avance avec ses deux amis dans le vestibule d'une des maisons. C'est alors qu'arrive le lieutenant de police Thomas Gilligan, venu d'un magasin a proximité, pour tirer aussitôt et sans sommations à trois reprises sur James Powell. Le policier déclara que Powell possédait un couteau, et qu'il l'avait menacé avec, ce que l'enquête n'arrivera absoument pas à établir. Selon le New-York Times qui a interviewé des témoins présents, "quand Gilligan a tiré son pistolet, le jeune Powell a levé son bras droit , pas un couteau, mais comme un geste de défense". Le policier qui en était à dix-sept ans de service, avait des antécédents : il avait déjà abattu deux autres hommes dans sa carrière. Un de ces hommes avait essayé de le pousser d'un toit et l'autre beaucoup plus jeunes qui pillait des voitures en face de son appartement... dès l'annonce du meurtre, des manifestationbs pacifiques apparaissent, demandant l'inculpation du policier. Elles vont vite dégénérer. Le magazine "Time" arrivé sur place écrit bien que "les contradictions fondamentales dans les témoignages tiennent dans les revendications de 15 adolescents, dont la plupart connaissaient Powell, comme quoi Powell n'avait pas attaqué Gilligan avec un couteau. La plupart d'entre eux disaient que Powell était tombé sur le trottoir après le premier coup. Puis, dix de ces témoins, ont dit que Gilligan a tiré deux coups de feu quand il était sur ​​le trottoir", mais il en fait une "revendication"... et met de l'huile sur le feu ou entretien la confusion en écrivant que "pourtant, deux passants adultes ont indiqué que Powell avait certainement tenu un couteau et décrit l'action comme l'a décrite Gilligan. Un autre témoin adulte a dit qu'il était sur que Powell avait "un objet" dans sa main droite. Deux amis noirs de Powell a déclaré que sur le chemin de l'école, Powell leur avait montré deux couteaux, qu'il avait donné à chacun d'eux pour les garder pour lui"... Time ne précisant pas la couleur de peau des "passants" reprenant la thèse du jeune noir armé.

Comme une traînée de poudre

S'en suit toute une série de provocations mutuelles, et surtout une réaction surdimensionnée de la police de New-York, qui envoie aussitôt la police montée et des gaz lacrymogènes.. James L. Farmer, Jr. , directeur national de CORE (le Congress of Racial Equality, créé en 1942), qui a assisté au début des émeutes constareta et dénoncera très vite l'extrême brutalité de la police, et ira même plus loin en déclarant avoir vu des trous de balles dans les fenêtres et les murs de l'Hôtel-Thérèse, signalant donc des tirs à balles réelles ! De Harlem, la rumeur et les pillages se sont déjà déplacés vers Manhattan puis vers Brooklyn, pour culminer dans le quartier noir de Bedford-Stuyvesant. L'émeute fait également tache d'huile à Rochester, au nord-ouest de la ville de l’État de New York, où deux jeunes ayant bu de l'alcool sont arrêtés par la police, ce qui déclenche de nouveaux heurts. Les différentes émeutes de cet été 1964 se solderont par 7 morts et des millions de dégâts, essentiellement des magasins pillés. Pour LBJ, de bonne foi sur cette réforme, c'était une véritable trahison : il convoquera Martin Luther King pour le lui dire. Mais LBJ ne s'intéresse pas au devenir de son pays : il passe son temps à profiter de sa situation présidentielle pour obtenir des cadeaux : sa femme choisit ainsi une chaîne stéréo qui lui a été offerte par un de ses industriels donateurs qui espèrent en retour des facilités fiscales. Sa très courte vue poliique l'empêche d'âgir là où il faut. On lui soumet des rapports, mais il ne les lit pas : "un rapport de 1966 sur la situation à Watts prouve que "rien n'y avait changé depuis l'année précédente et que les services engagés dans la guerre contre la pauvreté, pris dans les chicanes administratives, étaient incapables de fixer les priorités." [cf : Portes, p253]

La pire des infamies ?

Essayer de mettre en place les droits civiques pour les Noirs se heurte souvent à des blocages, dont certains peuvent devenir sanglants. C'est le cas à Selma, en Alabama, dans un état longtemps resté ségrégationniste, où le 7 mars 1965, la troupe de l'Etat et le détachement d'un shérif ouvertement raciste attaquent 525 manifestants pour les droits civils participant à une marche pacifique entre Selma et Montgomery (la capitale de l'Etat). La marche a été organisée pour promouvoir l'inscription des électeurs et pour protester également contre l'assassinat d'un jeune homme noir, Jimmie Lee Jackson, lui aussi un membre des droits civiques pour les Noirs, par un soldat de l'Etat, James Bonard Fowler, le 18 février précédent. Les images, terribles, montrent des civils molestés à terre à coups de bâtons par les membres de la police casqués. Au passage, les matraques cassent les appareils des photographes d'United Press International et le correspondant de NBC NewsRichard Valeriani, est frappé si violemment qu'il se retrouve à l'hôpital. Lors du meurtre de Jackson, il tentait de protéger son grand-père, Cager Lee, âgé de 82 ans, lui aussi molesté. Il faudra attendre le 10 mai 2007 42 ans après l'assassinat pour que l'officier de police James Bonard Fowler soit accusé de meurtre au premier degré par les autorités. Le 15 Novembre 2010, Fowler il plaidait coupable pour deux homicides involontaires (il avait tué l'année suivante Nathan Johnson) et était condamné à deux fois six mois de prison. En 1965, un grand jury l'avait déclaré non coupable ! Le gouverneur raciste Wallace (ici à gauche), aura tout fait pour retarder la reconnaissance des droits civiques dans son Etat. Il gagnera des voix au KKK, mais perdra la face totalement dans le pays. Carter l'appellera "le perdant le plus influent"  ! En 1968 il se présentera à l'élection présidentielle, sur un programme raciste et réactionnaire, et recevra 10 millions de votes, soit 13 % du total des voix.

Des révoltes de frustration, d'écartés de l'opulence

L'été suivant, ça recommence, donc, puisque rien n'a été fait, mais cette fois dans le quartier majoritairement noir de Watts, Los Angeles. Encore une fois c'est une révolte... anticapitaliste au départ, comme le souligne JF Kahn dans un superbe texte écrit le 23 août 1965 dans l'Express : "par une tragique ironie, l'émeute a éclaté le lendemain même du jour où les Noirs allaient s'inscrire en masse sur les registres électoraux de Georgie, d'Alabama ou de Louisiane. La charte des droits civiques venait d'être signée par le président Johnson. L'espoir naissait. Le problème semblait en voie d'être résolu (...) L'époque de la non-violence n'est-elle pas dépassée ? La pasteur Martin Luther King a dû reconnaître son impuissance. C'est qu'il se battait au nom de l'égalité raciale, du droit pour le Noir de fréquenter le même cinéma et le même autobus que son voisin blanc. Il ne s'agit plus de cela. Les Noirs d'aujourd'hui, ce sont les prolétaires d'hier. C'est une lutte de classes où les antagonistes auraient teint leur peau. Inconsciemment, ces masses qui hurlent et pillent vont bien plus loin que les foules calmes et belles de Selma. Ce qu'elles remettent en cause, c'est une certaine inadaptation de l'Amérique à sa richesse. C'est ce que, avec beaucoup de courage, a souligné M. Robert Kennedy : « Je ne crois pas qu'en prêchant l'ordre et la loi sans aller au fond des problèmes qui sont à la base de ces émeutes, nous puissions faire beaucoup de progrès." De nombreux magasins sont mis à sac et pillés, certains incendiés. La "une" du magazine Life du 27 août 1965 titre "les émeutes les plus destructrices de l'histoire des Etats-Unis." Des photos prises d'hélicoptères montrent des quartiers entiers être la proie des flammes. La police, dépassée par les événements, commet des brutalités, sous les ordres de son responsable, William Parker, jugé par beaucoup comme le pire qu'ait jamais eu la ville. Héros du débarquement en Normandie et en Italie, il a orienté sa police vers les méthodes de l'armée, avec un entraînement sévère et l'usage des armes en priorité. Toute sa carrière est marquée par l'augmentation des brutalités policières et d'animosité raciale à l'égard des résidents afro-américains et latinos de la ville. Il encourageait ainsi ses policiers à faire peur aux jeunes enfants noirs en leur disant que plus tard il s'en souviendraient et craindraient la police. En fait, c'est l'inverse qui s'est produit pendant les émeutes, de jeunes noirs bloquant par exemple l'arrivée des pompiers ou tabassant carrément des blancs surpris dans leurs voitures.
 
L'énorme responsabilité d'un chef raciste de la police 
 
Pour ajouter à la haine, Parker ne trouve rien de mieux que de déclarer que les émeutiers "ressemblent à des singes dans un zoo"....  Parker était raciste, même s'il l'a toujours officiellement nié. A la manière d'un Sarkozy ministre de l'intérieur, il avait décidé de réduire le nombre de ses policiers, selon lui pour réduire la corruption ambiante, mais avait surtout donné l'ordre de ne plus faire de patrouilles de quartier au sein de la population : il appelait ça "The Thin Blue Line" . Moins de policiers, mais plus armés. Une militarisation de la police qui résonne étrangement aujourd'hui à Ferguson, comme l'a relevé cet excellent article de Slate, rappelant le livre de Radley Balko... Fait particulier constaté, les maisons des blancs n'ont pas été attaquées par les 30 000 émeutiers recensés : "la plupart des dommages physiques se limitait aux entreprises appartenant à des blancs qui ont été dits à avoir causé le ressentiment dans le quartier en raison d' injustice perçues. Les maisons n'ont pas été attaquées, malgré que parfois des maisons ont brûlé car étant à proximité".  Encore une fois aussi, l'étincelle qui avait tout déclenché était partie d'une rumeur qui s'était vite propagée, celle de l'arrestation (réelle) de arrestation d'un jeune noir, alcoolisé, Marquette Frye, dont on avait annoncé à tort qu'il avait été molesté par la police. Une commission sera nommée (la McCone commission), qui émettra un rapport lénifiant qui disculpera la police locale et n'émettra aucune poposition tangible pour changer les choses. Robert M. Fogelson, un universitaire, lui réglera son compte dans un livre coup de poing, qui ridiculisera cette commission. Elle aura au moins constaté qu'à l'origine des heurts, il y avait "des problèmes sociaux profonds, de la pauvreté et des inégalités" et... "de la disccrimination raciale" !
 
A l'origine, il y a toujours un fait divers qui dégènére
 
On croit les émeutes terminées une fois Watts redevenu calme grâce à l'arrivée de la Garde Nationale appellée pour ramener l'ordre (il faudra pas moins de 14 000 soldats pour sécuriser la ville !), et ça recommence l'été suivant. A Chicago, Cleveland, San Francisco des émeutes raciales similaires et violentes font 7 morts et plus de 400 blessés. L'année qui suit n'inverse pas le scénario : chaque été est celui d'une émeute à caractère racial, qui démarre invariablement sur un quiproquo. Ainsi à Newark dans le New Jersey) le 12 juillet 1967 où un un jeune noir est arrêté pour une infraction au code de la route. Une rumeur se répand alors comme une traînée de poudre selon laquelle il aurait été battu à mort par les policiers : ce sont aussitôt des scènes de pillage qui recommencent. L'armée est obligée d'y envoyer ses transporteurs de troupes, des chars légers, pour patrouiller et rétablir l'ordre. Une émeute qui fait à nouveau des petits ailleurs. Si à Newark on dénombrera 26 morts à la fin des heurts, à Detroit des incidents plus graves encore se déclenchent, la ville étant en partie incendiée. pendant six jours de combats de rue et on relève à la fin un blian très lourd de 43 morts, 467 blessés, plus de 7 200 arrestations, et pas moins de 1 700 commerces pillés et 2 000 bâtiments incendiés. Un an plus tard, je proposerai à ma prof d'anglais de lycée comme texte à étudier "Motor City is Burning" du groupe de rock (lourd) MC5, écrit au départ par John Lee Hooker (qui avait vu celles de 1943 !) qui décrit parfaitement ce qui s'est passé. Elle l'acceptera, mais ne s'éternisera pas longtemps sur le contenu...
 
« Ouais, baby, Détroit est en train de cramer, 
et y’a rien qu’y puissent faire pour l’empêcher, 
Détroit est en train de cramer 
Et la société blanche y changera rien. 
Ma ville est en train de cramer 
Et c’est encore pire que le Vietnam.
 »
 
 
MC5 et "Motor City is Burning"
 
Pour certains, tels l'écrivain Bill Morris, Detroit était un lieu évident pour ce genre d'émeutes, ayant déjà amorcé un long déclin qui a abouti aujourd'hui à ces photos dantesques de cinémas ou de théâtre abandonnés dans des quartiers devenus complètement fantômes. "Une chose est évidente : c'était horrible - 43 morts. ... La ville était littéralement en feu. La vraie raison pour laquelle cela a duré sert comme un moyen d'expliquer tout ce qui s'est passé depuis. Beaucoup de gens disent que les émeutes ont tué Detroit. Si vous regardez plus loin, vous vous rendrez compte que Detroit changeait déjà des années avant que les émeutes ne se sont produites. L'émeute n'a fait qu'accélérer le nombre de changements qui se produisent, à savoir le white flight, bien sûr (notal : " le white flight "désigne la migration des personnes d'origine européenne hors des zones urbaines qui ont vu un taux d'immigration de populations allogènes augmenter significativement"). La population de la ville était en baisse depuis 1950 ... J'espère que ce roman rappelle que ce n'est pas aussi simple que cela."
 
Les émeutes des protestataires contre le Viet-Nam
 
L'année suivante, en 1968, c'est la capitale qui est touchée, comme Chicago, mais cette fois c'est une révolte de la jeunesse estudiantine contre la guerre du Viet-Nam. La répression féroce de la police sera à nouveau dénoncée par un bon nombre d'observateurs. "Les jeunes dans les universités ne sont pas les seules personnes engagées dans des manifestations anti-guerre et des soulèvements. Après l'explosion offensive du Têt au Vietnam, LBJ le président en exercice au moment a annoncé qu'il ne serait pas candidat à la réélection pour la durée du mandat suivant. Cela a mis une pression énorme sur le Parti démocrate deux trouver un candidat dans un moment de controverse. Les manifestants se sont rassemblés et ont perturbé a Convention nationale démocratique (c'est immortalisé dans le disque double de Chicago - cet excellent groupe apparu en 1968 avec une reprise terrifiante de "Im a man"- avec le slogan "The whole world's watching"...), où ils savaient que le candidat serait choisi. Les émeutiers anti-guerre réunis autour à l'extérieur de la convention sont devenus violents lorsque tous les 11 900 policiers déployés ont essayéd'empêcher que certains zones qui leur avaient été interdites. Les événements sont alors allés de pire en pire, quand la police a commencé à frapper les manifestants. Les médias on obtenu la documentation de la police de Chicago qui précisait qu'elle avait blessé gravement non seulement les émeutiers anti-guerre, mais aussi, selon le rapport, des médecins, ainsi que des passants innocents. L'émeute à la convention aurait fait officiellement 119 policiers et 100 manifestants blessés. Une étude a été faite après les résultats terribles de l'émeute pour déterminer comment la violence a commencé. Les résultats de cette étude ont déterminé que la manifestation est devenue violente surtout à cause de la présence et de l'action de la police de Chicago..." Les images vidéos de la répression policière sans commune mesure sont en effet terrifiantes... L'Amérique a essentiellement un problème avec sa police, que les manifestants soient noirs ou non. La culture du "tire d'abord et discute ensuite" est une constante dangereuse chez elle, héritée des milliers d'heures de culture de westerns ou de films violents diffusés tous les jours à la télévision. Les armes et leur législation laxiste sont le problème ; les policiers ont la gâchette facile car ils craignent toujours l'arme en face, tout simplement. L'Amérique est malade de la NRA, tout bêtement ou des tarés qui continuent à défendre le port d'armes pour tous, tel Alex Jones, l'homme de radio texan d'extrême droite complotiste. Son slogan est d'ailleurs révélateur : "il y a une guerre dans votre tête" ! Pour la sienne en tout caq, c'est sûr !
 
 
Aucune leçon na été retenue
 
Le bilan, c'est le sociologue afro-américain Kenneth Clark qui le fera de manière magistrale en 1968 : «  Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en 1919 et c'est comme si je lisais le rapport de la commission d'enquête sur les désordres à Harlem en 1935, le rapport de la commission d'enquête sur ceux de 1943, le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu'on se croirait dans Alice au pays des merveilles, avec le même film qu'on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction ». "Alice au pays des merveilles" ou plutôt le film "Un jour sans fin", tant les situations se répètent à l'infini sans que l'on ne trouve de solution ou qu'on en cherche les véritables origines"Malgré ce rapport, peu a été fait comme recours contre les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient les résidents afro-américains de Los Angeles. Les émeutes sont aujourd'hui dans l'histoire américaine comme un rappel horrible de la violence qu'un tel traitement peut entraîner chez eux. Ce n'était ni la première ni la dernière émeute raciale à Los Angeles, Illustrant trop bien que le chemin de l'égalité et de la justice est longue". Une élection d'un président noir n'ayant pas suffi, comme le démontrent les vingt dernières années, que nous étudieront demain si vous le voulez bien...
 

(*) Lyndon Johnson a beau avoir promulgué cette loi (par choix politique !), il était lui-même profondèment raciste ! Il parlait de "niggers", de nègres quand il évoquait un noir. Devant le démocrate du Mississipi James Eastland, il parlait de la "loi nègre" pour la proclamation des droits civiques des noirs ! "Johnson était un homme de son temps (...) Pendant deux décennies au Congrès, il a été un membre fiable du bloc Sud, aidant à bâtir les deux législations de droits civiques. Comme le rappelle Caro, Johnson avait passé la fin des années 1940 a pester contre les « hordes de nains jaunes barbares » en Asie de l'Est. Croyant dans le stéréotype que les Noirs avaient peur des serpents (qui n'a pas peur des serpents ?) Il se rendait aux stations services avec un dans son coffre et essayait de se trouver alors des serveurs noirs pour l'ouvrir. Une fois, Caro écrit, le gag a fort mal tourné pour lui, où il avait été battu à coups de démonte-pneu".

http://lhistgeobox.blogspot.fr/2009/03/150-mc5-motor-city-is-burning.html

"Motor city is burning" MC5


Ya know, the Motor City is burning babe,
there ain't a thing in the world that they can do.
Ya know, the Motor City is burning, people,
there ain't a thing that white society can do.
Ma home town burning down to the ground,
worser than Vietnam.

Let me tell you how it started now ...
it started on 12th and Clairmount that morning.
Ah said, it started on 12th and Clairmount that morning,
It made the pigs in the street freak out.
The fire wagons kept comin', baby,
but the Black Panther snipers wouldn't let them put it out, wouldn't let them put it out, wouldn't let them put it out.


Well, there were fire bombs bursting all around, people,
Ya know there were soldiers standing everywhere.
I said there was fire bombs bursting all around me, baby,
Ya know there was National Guard everywhere.
Ah can hear my people screaming.
Sirens fill the air, fill the air, fill the air.

Your mama papa don't know what the trouble is
you see, they don't know what it's all about.
Ah said, your mama papa don't know what the trouble is, baby,
they just can't see what it's all about.
Read the news, read the newspapers, baby ?
You just get out there in the street and check it out !

Ah said, the Motor City is burning, people,
I ain't hanging round to fight it out.
Ah said, the Motor City is burning, people,
just not hang around to fight it out.
Well, I'm taking my wife and my people and ???
Well, just before I go, baby, ???? ,
firemans on the street, people all around,
Now, I guess it's true,
I'd just like to strike a match for freedom myself,
I may be a white boy, but I can be bad, too.
Yes, it's true now, yes, it's true now.
____________________

Détroit est en train de cramer, baby,
et rien de peut l'empêcher, les mecs,
Détroit est en train de cramer
et la société blanche ne peut l'éviter.
Ma ville est en train de brûler totalement
et c'est encore pire qu'au Vietnam

Laissez-moi vous dire comment ça a commencé...
cela a débuté au coin de la 12ème et de la rue Clairmont ce matin là.
C'était la panique chez les flics,
les voitures de pompiers continuaient d'arriver
mais les snipers des Black Panthers ne les laissaient pas éteindre les incendies.
Il y avait des bombes incendiaires éclatant un peu partout,
il y avait des soldats partout
il y avait des bombes incendiaires éclatant tout autour de moi,
il y avait la garde nationale partout.
J'entendais la population criait.
Les sirènes hurlaient dans l'air (3X)

Ton père et ta mère ne comprennent pas l'origine du problème.
Ils ne saisissent pas ce qui se passe.
Ton père et ta mère n'y comprennent rien, baby,
ils ne peuvent pas voir ce qui se passe
Lis les nouvelles, lis les journaux, baby ?
Tu as juste à sortir dans la rue pour les vérifier.

Détroit est en flamme
Je ne vais rien faire pour éteindre l'incendie (2X)
et bien, je pars avec ma femme, la populace et ???
Eh bien, juste avant de partir baby ???
les pompiers dans la rue, des gens tout autour,
maintenant, je devine que c'est vrai,
je voudrais juste craquer une allumette pour les libertés
je suis peut-être un petit blanc, mais je peux être mauvais moi aussi.
oui, c'est devenu réalité, c'est devenu réalité.

source sur Watts

https://lcrm.lib.unc.edu/blog/index.php/tag/mccone-commission/


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10 réactions à cet article    


  • heliogabale heliogabale 26 août 2014 12:13

    Bonjour Morice,

    Il ne faut pas oublier la tournure sociale que prendra le mouvement pour les droits civiques à partir de 1965.

    Martin Luther King réalise que les droits civiques obtenus ne servaient à rien si l’extrême pauvreté et la ségrégation sociale continuait. La pauvreté frappait durement les Noirs mais d’autres minorités étaient touchés et les Blancs non plus n’étaient pas épargnés. Alors il a lancé la campagne des pauvres, et il me semble qu’à partir de ce moment là, MLK a vraiment inquiété le FBI de Hoover. Certains ont commencé à voir en lui parmi l’establishment un dangereux socialiste, instigateur d’une révolution rouge en Amérique.

    Son assassinat intervient à un moment où la campagne devait prendre son essor et met fin aux aspirations d’égalité sociale en Amérique.

    Tout ça pour dire que le combat pour l’égalité civique crée un appel d’air pour des combats visant à l’établissement de l’égalité sociale. Ce fut pareil lors de la révolution française.

    On voit très bien ce qui s’est passé aux USA depuis : la discrimination positive a permis l’émergence d’une élite Noire... on a un peu diminué les inégalités interraciales et augmenté les inégalités intra-raciales.

    D’où les émeutes de Ferguson dans l’Amérique d’Obama...


    • morice morice 26 août 2014 15:39

      Il ne faut pas oublier la tournure sociale que prendra le mouvement pour les droits civiques à partir de 1965.


      non non, j’évoque les deux : raciale et sociale...

    • heliogabale heliogabale 26 août 2014 21:02

      mes excuses, ça m’apprendra la prochaine fois à commenter avant d’avoir lu ligne par ligne l’article.


    • claude-michel claude-michel 26 août 2014 12:32

      +++++++++++...Très bon article sur nos « amis » américains-blancs (la race supérieure d’après eux).. !
      J’y ai passé de nombreuses années et le racisme est à son comble dans les rues..dans les quartiers et dans les villes..bref il est partout...On le sent..dans les bus..le métro etc..
      Au travail c’est pire encore..
      Une drôle de nation...


      • morice morice 26 août 2014 15:39

        (la race supérieure d’après eux).

        ah vous en faites des nazis ?

        • claude-michel claude-michel 27 août 2014 08:02

          Par morice....c’est hélas le K avec ceux qu’ils ont mis en place en Ukraine avec l’aide de l’UE (dont la France)..il me semble (nous parlons des gouvernants bien sur...


        • pigripi pigripi 26 août 2014 17:36

          Bonjour,

          Vous avez fait un beau travail de compilation du point de vue des Afro-américains en oubliant que l’Amérique blanche avait beaucoup évolué depuis 70 ans et qu’elle avait élu un « Colored » président à la maison BLANCHE.
          Même si cette élection ne résout pas ni n’efface les tensions raciales et économiques c’est tout de même une révolution qui donne aux jeunes noirs comme aux jeunes blancs un autre modèle de représentation du pouvoir.
          Les Français (70 millions) n’ont pas de leçons à donner à l’Amérique (300 millions) car nous n’avons pas mieux résolu nos tensions raciales et économiques à notre échelle.

          • bourrico6 28 août 2014 10:32

            Deux choses

            - Le « colored » qui gravit les échelons aux USA est un « bounty », noir dehors et blanc dedans.
            - Le communautarisme est très fort aux USA, à chaque ethnie son quartier, ses écoles, ses lieux de culte, etc, etc. Chez nous, on tente de promouvoir l’exact opposé.

            Les Français (70 millions) n’ont pas de leçons à donner à l’Amérique (300 millions) car nous n’avons pas mieux résolu nos tensions raciales et économiques à notre échelle.

            Ben voyons, les USA si parfaits qu’ils n’ont de leçon à recevoir de personne. smiley
            Amen !


          • morice morice 26 août 2014 18:32

            en oubliant que l’Amérique blanche avait beaucoup évolué depuis 70 ans et qu’elle avait élu un « Colored » président à la maison BLANCHE.


            aucunement...

            • morice morice 26 août 2014 21:23

              le racisme à la française :



              la vieille peau catho va nous péter un câble là... franchement, quelle vieille pie !

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