Les émeutes raciales aux USA, une terrible tradition (5) : quand le citoyen devient l’ennemi
La crainte du retour d'émeutes raciales aux USA, événement qui est réapparu récemment à Ferguson, n'est pas une peur sans fondement. La société américaine n'a toujours pas résolu son problème d'intégration raciale, les tentatives médiatiques des années 60 étant restées sans changements fondamentaux de mentalité, ou plutôt sans refonte d'un système continuant à fabriquer des ghettos où l'on parque les gens de couleur. Un système basé sur une mentalité de gens armés nécessairement, les armes individuelles étant perçues comme dernier recours en cas d'agression extérieure... en tout cas, c'est ce qu'explique le lobby des armes de la sinistre NRA qui a répandu dans le pays un syndrome inamovible désormais. Celui de prendre son voisin pour un ennemi potentiel dangereux, la police devant s'équiper en conséquence pour servir d'ultime rempart en cas de besoin entre les deux. D'où un déferlement de fournitures de matériel militaire pour équiper cette police, qui en quelques années s'est en effet fortement militarisée. Avec tous les aléas liés à ce suréquipement inutile. A savoir un nombre de bavures qui devient exponentiel, chaque intervention bénigne de la police se soldant par un étalage d'armements dignes d'un broker en équipements militaires. Les guerres finies, le matériel militaire inutilisé est en effet offert à la police, grâce à une loi totalement inepte, multipliant les cas d'école.
C'est un texte fondamental qui montre le principe, paru dans un magazine.. d'économie. Il dénonce la pratique des groupes armés de la police (ou SWAT), qui on pris la mauvaise habitude d'enfoncer les portes pour un rien. "Avec les équipes de SWAT, portant une armure complète sur le corps et armés de fusils d'assaut, il est beaucoup plus probable que des gens seront tués. En utilisant des knock-raids, ils se précipitent dans la maison d'un résident en brisant la porte. Dès l'entrée, ils utilisent souvent des grenades "flash bang », qui rendent les personnes temporairement aveugles et sourdes. Naturellement, les cibles de ces raids pourraient croire que leur maison est attaquée par des criminels. Si les habitants sont armés et tentent de se défendre, ils sont susceptibles d'être tués par l'équipe de SWAT. C'est ce qui s'est passé avec Eugene Mallory, un vieil homme de 81 ans, ingénieur à la retraite de Lockheed Martin en Californie du Sud (ici à gauche son ranch).
Une équipe de SWAT a fait irruption dans sa maison et l' a abattu avant qu'il ait eu une chance de quitter son lit. Le raid a ramené de l'opération juste deux plants de marijuana, pour la possession desquels le beau-fils de Mallory avait une licence médicale de Californie. L'article de Economist (du 22 mars) intitulé "Armés et dangereux", décrit comment les services de police des États-Unis sont devenus fortement militarisés. L'article est important non seulement pour les informations qu'il fournit, mais aussi parce qu'une part des médias sociaux dominants l'a publié. L'article se concentre spécifiquement sur les SWAT (Special Weapons and Tactics), et la fréquence avec laquelle les services de police à travers le pays les utilisent. Il cite une étude de l'Université du Kentucky, qui estime que le nombre annuel de raids SWAT à travers le pays a explosé, passant de près de 3000 au début des années 1980 à environ 50 000 raids aujourd'hui. À l'origine, des équipes d'intervention ont été destinées à être utilisées que dans des circonstances spécifiques telles que faire face à d'importantes opérations de drogue. De nos jours, les services de police utilisent des raids SWAT régulièrement, parfois pour des opérations triviales comme l'interruption des jeux de poker sans licence.
Selon le journaliste Radley Balko, plus de 50 civils innocents ont été tués dans des raids de SWAT. Considérant que les objectifs d'un raid SWAT concernent des activités illégales et d ne désignent pas des « innocents », le nombre de victimes de raids de SWAT est probablement beaucoup plus élevé. Innocents ou pas, les objectifs de raids de SWAT ne méritent pas d'être exécuter sommairement". En résumé, les groupes de SWAT auraient dû être rarement employés, ou que dans les cas extrêmes... alors qu'on les voit tous les jours désormais sur le terrain.
Un autre texte explique encore davantage cette dérive : c'est le dossier "La militarisation de la police des États-Unis" d'Abigail R. Hall, du départment éonomie de la George Mason University ; et Christopher J. Coyne qui est the Professeur d'économie à la George Mason University est paru au orintemps 2013 dans The Independent Review ( pages 485–504). En voici un extrait : "un des moyens avec lequel les gouvernements peuvent exploiter leurs citoyens de manière efficace, c'est qu'ils conservent un monopole ou un quasi-monopole de la force militaire. La concentration du pouvoir militaire, avec ses armes, sa structure organisationnelle, et ses tactiques, sert d'outil ultime de l'abus du gouvernement. La menace de la force violente augmente le coût des écarts de décision du gouvernement et peut être utilisée pour réprimer les citoyens. Avec ce paradoxe gouvernemental, cette répression conduit à la préoccupation centrale que, bien que la force, en théorie, doive remplir la fonction de protéger les citoyens contre les menaces à leur personne et à la propriété, le gouvernement peut aussi utiliser cette force pour saper les droits de l'homme qu'il est censé protéger. Prenant cette préoccupation essentielle comme point de départ dans cet article, nous développons l'économie politique de la militarisation de la police nationale. Nous identifions les conditions et les mécanismes par lesquels un « état de protection », dans lequel le gouvernement utilise son monopole de la force pour protéger les droits des citoyens, dégénérer en un « Etat prédateur » qui porte atteinte aux droits qu'il est censée faire respecter. ". On ne peut être plus clair.
C'est déjà un réquisitoire, qui se poursuit ici : "Ils visent à protéger les droits des citoyens, les victimes et les criminels semblables. Dans le domaine de la police nationale, la police est, en principe, formé à recourir à la violence que comme mesure de dernier recours. Les forces militaires, en revanche, sont formés pour engager le combat avec l'objectif de détruire un ennemi extérieur considérés comme une menace pour les droits des citoyens nationaux (US Department of the Army 1962, 1). D'exploitation généralement dans des environnements hostiles, les soldats sont entraînés à tuer un adversaire. La différence fondamentale entre les fonctions de police et de militaires est peut-être mieux mise en évidence en comparant la devise bien connue de la police de Los Angeles , « Protéger et servir [les citoyens », avec le Credo des soldats américains, "Je suis prêt à déployer, s'engager, et détruire les ennemis des Etats-Unis d'Amérique en combat rapproché »(cité. dans Rizer et Hartman 2011)."
C'est aussi devenu un problème de suréquipement en matériels... provenant de l'armée : "Malgré les efforts historiques de faire des lois qui appliquent cette distinction, au cours des quatre dernières décennies la police nationale aux États-Unis est devenue de plus en plus militarisée. L'application de la loi nationale a copié les caractéristiques des forces armées en s'engageant dans une formation de type militaire, en acquérant des armes militaires, et en uilisant des tactiques militaires dans les opérations quotidiennes. Pour illustrer cette militarisation, il faut considérer le nombre d''Etats et d'organismes locaux d'application de la loi qui ont acquis et entretenus chez les policiers des unités paramilitaires (CPP) ou des armes spéciales et tactiques (unités SWAT).
En 1982, 59 pour cent des services de police avait utilisé un PPU. En 1990, 78 pour cent des départements avaien eu un PPU et, en 1995, la partie était passé à 89 pour cent (Kraska et Kappeler 1997, 6). Les services de police de toutes tailles à travers le pays ont obtenu et conservé des centaines de millions de dollars de matériel militaire, allant de M-16 fusils d'assaut, tenue anti-émeute, et des gilets de protection, des lance-grenades, et des véhicules blindés. En outre, l'utilisation des écoutes téléphoniques, la pratique de l'examen des dossiers financiers et autres personnels sans autorisation judiciaire, et d'autres violations des libertés individuelles, qui étaient autrefois inimaginables ne sont plus une pratique rare chez les policiers nationaux". Bref, c'est toute un police qui s'est militarisée. Et un pays quil est aussi devenu. A Ferguson, certains seront grandement étonnés de voir ces policiers débarqués habillés comme des militaires : selon The Daily beast, un vétéran de la guerre en Irak avoue d'ailleurs sa surprise face à ces armements lourds : « Nous avons servi lors de l'une des plus sanglantes batailles d'Irak, lors de la période la plus violente de la guerre, avec le même équipement que celui utilisé dans la petite ville américaine de Ferguson, Missouri, pour réprimer les troubles civils là-bas. Nos guerres se déroulent chez nous ».
Un suréquipement visible clairement en 2014, comme le montre le site de vétérans "PatriotWars", qui évoque aussi l'énorme seuil économique entre les noirs et les blancs : "en 1968, les étudiants de l'Université de Columbia ont organisé un soulèvement de masse, rejoignant d'autres campus universitaires pour protester non seulement la guerre du Vietnam, mais la collaboration de l'école avec l'Institut pour l'analyse de la Défense, une filiale Département de la Défense qui étudie technologies de l'armement. Aujourd'hui, les armes produites par cet institut sont utilisés par l'armée américaine dans le monde entier et par le campus des forces de police à travers le pays. La guerre est arrivée à la maison. Le programme 1033 du Pentagone, qui permet au ministère de la Défense pour décharger son matériel militaire excédentaire sur les forces de police locales, a tranquillement débordé sur les campus universitaires. Selon des documents obtenus par le site Muckrock, plus de 100 forces de police des campus ont reçu du matériel militaire du Pentagone. Les écoles qui participent au programme vont des écoles d'arts libérales à des collèges communautaires du réseau de l'Université du Texas entier. Emory, Rice, Purdue et l'Université de Californie, Berkeley, sont toutes sur la liste. En 1990, le Congrès a adopté la National Defense Authorization Act, y compris la section 1208, qui depuis 1996 a été connu comme "programme 1033". Au cours des 17 dernières années, cette économie de ruissellement de dons a distribué des équipements d'une valeur de plus de 4,3 milliards de dollars, selon les administrateurs du programme. Alors que la police de Ferguson s'est heurtée à des manifestants pacifiques avec des tanks de qualité militaire, tirant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, le président Obama a ordonné un réexamen du programme, qui a atteint de nouveaux sommets de dons supplémentaires dans sous son mandat".




Car il n'y pas que Ferguson comme cas : à Albuquerque, en Arizona ; par exemple, comme l'a rappelé USA Today, la police, depuis 2009, a été impliquée dans 47 tirs, dont 32 ont été mortels, ce qui a fait dire au chez de la police de la ville, Gorden Eden, que cela démontrait un "échec systémique dans notre capacité à suivre l'inconduite des employés ''. Il y a encore du chemin à faire, visiblement, là-bas. Le dernier grotesque épisode de cette militarisation des esprits est visible ici, dans un article du New-York Times en date du 13 septembre. On y voit un responsable de la police de la petite ville de Davis, en Californie, le Lt. Thomas W. Waltz, juché sur un énorme véhicule blindé. Un engin de 20 tonnes, à 700 000 dollars, un "International MaxxPro Category 1"... offert par le Pentagone (contre 5000 dollars pour le transport à régler par la ville) et... refusé par la communauté et son maire, Dan Wolk, qui n'apprécie pas du tout l'engin et sa tourelle supérieure pour tirer sur ses concitoyens, selon lui. Après Ferguson, et les images d'une police surarmée prête à tirer sur tout ce qui bouge, le MRAP comme fourgon de police fait aujourd'hui mauvais genre. "Il est temps de redéfinir ce que la police fait exactement", a déclaré Joseph D. McNamara, l'ancien chef de la police de San Jose, en Californie., et de Kansas City, dans le Missouri, qui est maintenant un homme de l'Institution Hoover", précise l'article. Le temps est venu, surtout, de la démilitariser !
-Un très bon article sur l'origine historique des SWAT ici :
-un autre sur le nombre de blancs par rapport aux noirs dans la Police dans les grandes villes :
-un texte récent sur le "don" de matériels militaires aux écoles US :
-un texte satirique moquant le suréquipement policier :
http://www.newyorker.com/magazine/2014/09/22/pentagon-cop-aid-hits-snags
-le texte ahurissant, paru récemment (en août dernier) qui tente de relier des activités "extrémistes-domestiques" (?) à une "attaque contre le gouvernement" (justifiant donc toutes les violentes répressions, les brutalités policières ou l'usage d'un matériel conséquent) :
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