Les fact-checkers l’ont dans le baba !

Horreur ! La liberté d’expression serait de retour ! Ce qui entrainerait un chômage technique pour tous ces fact checkers qui depuis un temps font leur beurre sur l’abomination des « fake news » et autres balivernes du complotisme. Le retournement de veste de Mark Zuckerberg est une déflagration dans le milieu de ces fact checkers. Le patron de Meta avait mis en place en 2016 un programme de fact-checking suite à l’élection surprise de Trump et a décidé en 2025 de le démanteler à peine le républicain réélu. Désormais, la modération de Facebook, d’Instagram et whatsapp sera beaucoup plus souple, alignée sur une vision très maximaliste de la liberté d’expression, qui consiste surtout à donner les pleins pouvoirs à ceux qui parlent le plus fort (ou racontent n’importe quoi). « Il n’est pas normal que des choses puissent être dites à la télévision ou au Congrès, mais pas sur nos plateformes », s’est-il justifié. Joignant le geste à la parole, il a décidé de déménager ses équipes de modération de la progressiste Californie au plus conservateur Texas. Pour « dissiper la crainte que des employés partiaux censurent le contenu de manière excessive », explique-t-il encore, accréditant les discours de l’extrême droite. De quoi fluidifier les relations avec la nouvelle administration, d’autant plus que le conseil d’administration de Meta compte un éminent nouveau membre : Dana White, le très trumpiste patron de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), puissante organisation spécialisée dans les arts martiaux mixtes, dont le non-violent Zuckerberg est grand fan.[i] Un oligarque n’est pas là pour faire dans l’éthique, mais surtout dans le fric. Mark Zuckerberg suite à son revirement, avoue : « Les vérificateurs ont été trop orientés politiquement et ont plus participé à réduire la confiance qu'ils ne l'ont améliorée, en particulier aux États-Unis ». « Les récentes élections semblent être un point de bascule culturel donnant, de nouveau, la priorité à la liberté d'expression ». Allons-nous baigner enfin dans un océan de vérités vraies ?

Monsieur X, Elon Musk  : Elon Musk en compagnie de Mark Zuckerberg accusent les lois européennes de « censurer » la liberté d’expression.[ii] Ils ont raison, car entre l’interdiction des médias russes tels l’oukase de von Leyen en 2022 interdisant Sputnik et RT : ces médias « ne pourront plus diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine  » et en 2024, sans que cela fuite dans les médias autorisés et sponsorisés, l'Union européenne a annoncé l'interdiction de quatre médias accusés de diffuser de la propagande pro-Kremlin et de « déstabiliser » les pays voisins de l'Ukraine. Les quatre médias inscrits sur la liste noire - Voice of Europe, RIA Novosti, Izvestia et Rossiyskaya Gazeta, - « sont sous le contrôle permanent, direct ou indirect » de la Russie et ont joué un rôle « déterminant » en encourageant le soutien à son invasion illégale de l'Ukraine…[iii] La Pravda soviétique est de retour de l’autre côté du rideau de fer ! Il y a eu aussi l’arrestation du PDG de Telegram, Pavel Durov bloqué à son arrivée en France en août dernier, dans le cadre d’une procédure accusant sa plateforme de complicité dans des dossiers liés aussi bien au trafic de drogues, à l’apologie du terrorisme qu’au cyberharcèlement. Cette procédure est tombée à l’eau, mais a envoyé un message fort aux propriétaires des plateformes récalcitrantes telles tweeter-X.[iv]

Connaissant la mainmise sur les médias par l’oligarchie des milliardaires, sachant combien mondialement ces médias mainstream sont vendus corps et âme à leurs propriétaires, sachant combien le public a subi mentalement un lavage de cervelle, ou plutôt de disponibilité de cerveaux disponibles pour vendre du Coca, avoir, cette bouffée d’air d’ouverture, ne peut que faire du bien à cette pauvre démocratie bien cabossée par le déversement de milliards qui ont perverti tous les fondements de nos sociétés, dites développées et modernes. En pointe, Elon Musk, qui, il faut le dire, depuis quelques années prend des décisions controversées, même incohérentes… Sauf que des gars comme lui, ont toujours deux ou trois coups d’avance. Et ses nouvelles responsabilités au sein du groupe gouvernemental composé de milliardaires autour de Trump, lui permet de rabrouer et même d’insulter des leaders de gouvernement, le dernier en date, le chancelier allemand Olaf Scholz traité « d’imbécile incompétent ». Il est intervenu dans la politique intérieure allemande en soutenant l'AfD, le parti d'extrême droite.[v]Il s’est aussi attaqué au premier anglais Keir Starmer[vi] en l’accusant de complicité avec « des réseaux pédocriminels » suite à cette sordide histoire des grooming gangs qui a vu des mineures violées et prostituées par des gangs pakistanais depuis l’an 2000.[vii] Il est vrai pour nous, grand public silencieux et entendu par aucune de ces « élites », qu’il est rafraichissant de voir et d’écouter un électron libre casser du sucre sur le dos de ceux de sa caste, et puis, avec une fortune estimée à 350 milliards, on peut tout se permettre n'est-ce pas ?

Que vont devenir nos tacherons du fact checking ? C’est Charlie Hebdo[viii] qui nous l’écrit en 2023 : « Depuis plusieurs mois, la communauté du fact-checking et de la lutte contre le complotisme se déchire dans une guerre intestine sur les réseaux sociaux. Cyberharcèlement, mises en demeure, accusations crasses... Bienvenue dans un univers impitoyable où le fonds est relégué au second plan au profit de la décrédibilisation. » Le petit univers des blogs dédiés à « l’analyse » des fake news est un entre-soi, parisien, communautariste, qui se regarde le nombril en captant les subventions… Se souvenir du fonds Marianne-Paty détourné sous l’égide de la Marlène Schiappa qui distribua à tous vents plus de deux millions d’euros à des assos et autres blogueurs n’ayant pour ainsi dire rien à voir avec la lutte contre le séparatisme.[ix]

Des bloggeurs au chomdu : Conspiracy watch de et avec Rudy Reichstadt, le podcast Complorama sur France Info avec Tristan Mendes France. Il y a l’Observatoire des radicalités politiques dirigé par Jean-Yves Camus.[x] N’oublions pas la Fondation Jean-Jaurès qui a publié une « carte du web conspirationniste » francophone.[xi] Et tant d’autres bidules et individualités, avec les plus visibles, les Fourest, Julien Pain, Enthoven et l’incontournable BHL. Tout ce petit monde, suite à la décision des deux mogols, va devoir nager à contre-courant et certainement s’y noyer : on ne peut être saumon, lorsque l’on est juste hareng…

Les médias dits d’opposition doivent se révéler sous leur vrai jour suite à la décision de Meta et X de changer la donne. En France, une « référence » sur le net, Mediapart jure ses grands dieux que « la liberté d’expression est une liberté fondamentale. Elle est essentielle au développement de l'esprit critique. La prétention d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg à l’incarner est une imposture. »[xii] Et ainsi tombe le masque, en se considérant lui-même comme la voix de la libre expression alors que certaines accointances de ce site soulèvent quelques soupçons d’ententes et que son ex-boss Edwy Plenel ne serait pas un enfant de chœur… Que ces deux entités hyper capitalistes ne soient pas l’incarnation de la liberté d’expression, c’est une certitude, mais au moins, suite aux millions de membres journaliers fréquentant ces RS, pouvoir dire, écrire, mettre en ligne sans aucune contrainte, nous fait revenir aux jours heureux où le Net était la chambre d’écho du monde libre… Avec ses dérives ! 

« Pour le moment », la France n'est pas concernée par cette décision, assure la ministre française Clara Chappaz chargée du numérique. Paris, toutefois, « exprime son inquiétude » et assure qu'elle sera « vigilante  » sur le respect par ces deux groupes d’appliquer la législation européenne. Enfin, le service de la diplomatie française déclare « La liberté d'expression, droit fondamental protégé en France et en Europe, ne saurait être confondue avec un droit à la viralité qui autoriserait la diffusion de contenus inauthentiques touchant des millions d'utilisateurs sans filtre ni modération. »[xiii] Blablabla. Et comme chacun le sait, la vérité sort toujours de la bouche des autorités… Enfantin, mon cher Watson !

Georges ZETER/janvier 2025

Vidéo : Twitter : Elon Musk donne sa vision de la liberté d'expression