De la Guerre Froide, on a surtout retenu les catastrophes soviétiques au final. Pour une raison simple : celles qui se sont produites sur les sous-marins américains ont été occultées par l'inventeur de la nucléarisation de la guerre sous-marine, l'amiral Rickover, qui aura tout fait pour masquer les insuffisances criantes de ses nouvelles armes. Les médias étaient davantage contrôlés qu'on ne le pense dans les années 60 aux Etats-Unis, et Rickover y faisait la loi : interdiction de dénigrer l'arme nucléaire sous-marine qu'il avait mis en place. Constatant lui-même les inperfections de sa Marine, il avait dû émettre des restrictions à son usage, mais ces dernières n'avaient pas été autant médiatisées. Après le Thresher, ses sous-marins sont interdits de dépasser 300 mètres en profondeur : ça n'empêchera pas le Scorpion de couler, victimes d'un concours de circonstance assez voisin, cinq ans plus tard à ceux qui avaient emporté son prédécesseur le Thresher comme on va le voir. On évoquera en diversion une attaque soviétique déguisée, qui aurait été enterrée par un pseudo accord en cas de heurts entre les deux grandes puissances, ou une torpille américaine devenue folle, pour expliquer la fin du second sous-marin nucléaire américain. La réalité est beaucoup moins complotiste et nettement plus prosaïque ; comme les russes avaient dû le faire pour maintenir une flotte conséquente de sous-marins dans le monde, les américains avaient dû rogner sur leurs budgets et maintenaient à flots des submersibles qui n'étaient pas tous dans leurs pleines capacités de fonctionnement. D'où les problèmes induits, dont la mort de plus de 200 marins au final... retour sur les raisons véritables de la catastrophe du Scorpion, et celle du Thresher.
Et si, en effet, le Scorpion avait représenté, avec le Thresher, deux cas de manipulation de l'information ? C'est en effet ce qu'on retient aujourd'hui, avec plusieurs enquêtes et réflexions entendues après que quelques bribes de renseignements soient sortis de documents déclassifiés. En fait de déclassification, les deux catastrophes majeures américaines sont toujours l'objet d'un épais voile noir et de masquages de données manifestes, aujourd'hui encore. On a raillé les catastrophes russes, et la façon bien cavalière avec laquelle des incidents avaient été cachés par les autorités soviétiques. Il demeure que les deux plus grosses catastrophes américaines ne sont toujours pas clairement élucidées. Pour le Thresher, la thèse originellement formulée du tube "mal brasé" déjà évoquée dans un autre épisode semble bien faiblarde, et les débris extrêmement éparpillés, plus le traces de brûlures relevées sur des éléments laissent augurer d'une véritable explosion du réacteur nucléaire ou d'une autre origine à l'intérieur du sous-marin et rien d'autre.
Pour l'amiral Rickover, comme on a ou le voir ici-même, c'était impossible à entendre : d'où un intense lobbying de sa part pour sortir du chapeau la thèse du tuyau mal soudé... qui ne mettait pas en péril toute la suite de sa série de sous-marins révolutionnaires, alors qu'une défectuosité fondamentale sur le réacteur ou sur sa conception générale, si. En ce sens, l'amiral Rickover, présenté comme le génie de la force sous-marine nucléaire américaine, n'aura été que son mauvais génie, à défendre coûte que coûte ses projets dont il savait les faiblesses inhérentes. Dans le journal le New-York Mirror, annonçant la fin du Thresher (affichant "Plus d'espoir", "No Hope" ; en titre, ici à droite), l'amiral Rickover s'était empressé de venir dire que "je puis vous assurer qu'il n'y a pas de contamination radioactive comme conséquence de cet accident dommageable. Le réacteur peut rester indéfiniment sous l'eau sans jamais créer de contamination"... avant même que des relevés aient pu être faits ! Voilà qui aiguillonnait plutôt la suspicion sur la catastrophe. Un Rickover bien trop confiant en son propre génie !!!
Pour le Scorpion, ce sera la même chose en effet, et le principe maitenu pendant des années. Les sous-marins US ne pouvaient qu'être infaillibles, c'était tout ! Aucune autre photo que les rares divulguées sur le Scorpion n'ont été montrées depuis, par exemple, et même celles montrées semblent avoir été l'objet de manipulations (notamment les premières révélées où l'orientation des gouvernes du massif n'avaient pas été montrées, car elles révélait que lord de l'explosion le moteur marchait encore et le sous-marin descendait lentement, comme ici à droite sur le magazine de la Navy). La plus évidente étant la forme que présentait le Scorpion une fois ayant rejoint le fond, une forme que des techniciens de la 3D ont représenté (ici ) droite) à partir de ce qu'ont indiqué les relevés radars et ceux de Robert Duane Ballard, l'homme ayant trouvé les vestiges du Titanic, une "cover op" montrant une bien étrange configuration au fond de l'océan.
Un Ballard qui avait lors de l'opération médiatique sur le Titanic soigneusement caché être en même temps un officier de réserve de l’United States Navy, rappelé pour aller visiter les deux sites des accidents de sous-marins. Il avait en fait passé un "deal" avec la Navy, qui lui payait ses recherches sur le Titanic s'il visitait auparavant les épaves du Thresher et du Scorpion ! On découvrira plus tard qu'il travaillait en effet lui aussi à l'Institut océanographique de Woods Hole, le paravent civil connu des activités douteuses de la CIA dans les grands fonds océaniques. Que cherchait-on à savoir plus de vingt ans après la première catastrophe ? Selon ce qu'on sait depuis peu sur la fin du Scorpion, l'arrière du submersible est en effet carrément venu s'insérer dans le corps central : comme si cette partie centrale s'était retrouvée bloquée sur place avec un arrière contiuant à avancer, le compartiment contenant l'hélice toujours en marche forçant le métal devant lui ! Comme un doigt de gant retourné, en quelque sorte, au final, comme figure. Etrange configuration de naufrage
Or, visiblement, le Scorpion, ou cette partie en tout cas, est descendu au fond presqu'à plat, et non la tête en avant à la verticale. Le compartiment arrière broyant celui devant lui est donc obligatoirement la résultante d'une faiblesse structurelle importante de l'engin, et la preuve que quelque chose était apparu dans le compartiment central du sous-marin. A l'endroit où le corps de la coque sous pression se retrécissait, visiblement, la résistance était moindre. Une erreur de conception manifeste, qui a donc dû être réctifiée sur les modèles suivants, par l'ajonction de renforts à cet endroit. L'explication du silence des autorités tenant à cette constatation technique : allez donc expliquer que les marins situés dans le compartiment central avaient été non seulement morts noyés (instantanément à cette profondeur, quand la coque a cédé) mais également que leurs corps avaient été littéralement broyés par l'arrière du sous-marin entré comme une locomotive dans un tunnel dans ce corps central... je plains le porte-parole devant expliquer ça aux familles, aujourd'hui encore, en effet ! Cela expliquerait-il pour autant les cinq mois de délai entre l'annonce de la perte du Scorpion et la celle de l'annonce du lieu de son naufrage ? Aucunement. Pendant cinq mois, l'US Navy a ratissé les fonds, pris les morceaux "sensibles", et après seulement on a annoncé la découverte de l'épave : c'est aussi simple que ça. Qu'avait-on à cacher ? Que ne devait-on pas savoir, voilà qui a toujours posé question en effet.... aujourd'hui, on en sait un peu plus sur ce qui se serait passé.

Dès le début de l'annonce de la catastrophe, des doutes avaient été émis, que l'on rappelle ici : "initialement, la Marine a déclaré que la recherche du Scorpion avait commencé le 27 mai, le jour où il n'avait pas réussi à rejoindre Norfolk . Des années plus tard, les documents publiés par le ministère de la Défense ont montré qu'au moins un navire, l'USS Josephus Daniels (ici à droite), avait été mis à la mer dès le 18 mai à la recherche du Scorpion. Le même groupe de documents montre que peu de temps entre le 18 mai et le 22 mai, le Scorpion avait envoyé un message disant qu'il était suivi par un sous-marin soviétique et ne pouvait pas échapper au bateau russe. Ces deux faits pris ensemble nous disent que la Marine savait, dès le18 mai, que le Scorpion était potentiellement en difficulté, même si elle n'avait soi-disant pasd pu transmettre sa position avant le 21 mai. Quoiqu'il en soit, il est clair que la Marine connaissait la perte du Scorpion au moins six jours avant le 27 mai".
D'avoir fait venir les familles sur le quai devant le recevoir est donc une belle horreur, et une belle fourberie, l'US Navy sachant déjà que leur sous-marin d'attaque avait disparu !!! Selon certains analystes, le fait de ne pas prévenir les familles était un des moyens de ne pas avertir les russes de la perte du sous-marin US ; laissant davantage de temps pour le rechercher ou pour en remonter les morceaux vitaux sans avoir auprès des navires de sauvetage des observateurs soviétiques gênants (dont les fameux faux chalutiers bardés d'antennes !). Le Josephus Daniels n'avait rien d'un bateau de secours : c'était une frégate lance-missiles Convair RIM-2 Terrier (des missiles surface-air, les américains craignant visiblement le passage d'avions russes) ! Visiblement, les américains avaient eu vent de problèmes avec le Scorpion plusieurs jours avant sa disparition... des avions russes dont l'Il-38 "May" (vu ici accompagné par un Phantom II) qui, en survolant l'oéan auraient pu détecter une nappe d'huile indiquant la présence du Scorpion et de ses deux torpilles nucléaires qui auraient ou intéresser les russes. Un navire lance-missile aurait été dissuasif, à coup sûr, à leur encontre, à l'évidence.

Pourquoi donc avoir caché la vérité (à gauche le Mizar, doté d'un sonar et d'un rover sous-marin envoyés pour détecter l'épave du Scorpion) ? Pour certains, c'était car il y avait un énorme doute sur la raison principale de sa perte :
"selon Offley, cette omission de la part de la Marine était intentionnelle pour une raison : les meilleurs amiraux du Pentagone soupçonnaient que le Scorpion avait été coulé par un navire de guerre soviétique. Des années plus tard, après la chute de l'Union soviétique, certains amiraux russes retraités ont affirmé que c'était, en fait, le cas. Ils ont déclaré que Scorpion avait été attaqué en représailles de la perte du K -129, un sous-marin soviétique qui a coulé au large de la côte nord d'Hawaï au début de 1968. Les dirigeants soviétiques croyaient que le K -129 avait été coulé par un groupe de destroyers américains alors qu'ils tentaient de les forcer le sous la surface. Le naufrage de l'USS Scorpion a été considérée comme un moyen de mettre le score à zéro sans commencer la troisième guerre mondiale". A l'évidence, cette version simpliste et complotiste ne tient pas la route ; on retrouve difficilement les dires de ces amiraux russes. Et quand on en retrouve, ils paraissent eux-mêmes bien mal informés sur la question. Les deux grandes puissances avaient-elles pu agir comme dans un western avec une simple notion de vengeance, cela paraît avec le recul plutôt simplet, en effet. Et ça ne semble pas le cas, à re-vérifier les données et les faits.

Selon certains, donc, qui n'en démordaient pas, la version officielle de la torpille errante incontrôlable cacherait une attaque russe délibérée : en fait il faut chercher ailleurs encore (à gauche c'est le Sturgeon en train de faire une remontée d'urgence spectaculaire).
"Une commission d'enquête a conclu en 1969 que Scorpion a été détruit par une torpille, probablement l'un des siennes. Cette conclusion a été plus tard rejetée en faveur d' une défaillance matérielle, une hypothèse plus générique. Elle est en fait la preuve que Scorpion n'était pas un sous en bonne santé au moment de son déploiement en février 1968. Sa récente révision avait été précipitée et a été faite à la base navale de Charleston, qui à l'époque n'avait jamais fait de refonte de sous-marin à propulsion nucléaire. L'épave trouvée au large des Açores n'a donné aucune indication claire autre qu'une grande explosion soit survenue à bord." Car il y a bien eu plusieurs versions offcielles successives aux versions de la fin du Scorpion, côté américain (les russes dénigrant tout rôle, en affirmant comme c'était le cas que leur flotte était à plus de 90 km de l'emplacement du naufrage). L'expédition de Ballard, qui a servi de base à celle de la découverte du Titanic, aurait donc elle aussi donc dû ramené son lot nouveau d'explications. Les raisons de cette coûteuse campagne de l'Us Navy pour aller photographier les deux épaves, celle du Thresher et du Scorpion, reposant sur des considérations à ce jour toujours floues, l'hypothèse la plus plausible étant d'aller vérifier l'état des appareils portant de l'uranium ou du plutonium à bord, et de voir si les débris irradiaient ou non le fond à cet endroit plusieurs années après. Ce qui induit en ce cas aussi que les américains n'avaient pas dû en rester là et étaient donc allés aussi vérifier d'autres épaves reposant près de leurs côtes, notamment, celle de l'infortuné K-219... à propos duquel un silence absolu règne toujours.

Sur la chaîne de TV ABC, Robert Ballard, redevenu officier naval pour la circonstance, avait révélé l'opération de "
cover-up", expliquée au grand public comme étant celle de la découverte du Titanic :
"à l'époque, la dernière invention de Ballard était un engin robot sous-marin qui a été utilisé pour numériser méticuleusement les fonds marins de l'Atlantique Nord et chercher les restes des deux sous-marins. L'équipe de Ballard a trouvé que le combustible nucléaire des bateaux était intact . "La clé est que les deux les réacteurs nucléaires avait été éteints. Ils appellent cela éteindre, avec la descente des barres de contrôle. C'est donc une fin propre", a déclaré Ballard , qui est l'explorateur en résidence au National Geographic. Il a également constaté que les sous-marins avaient un champ de débris qui s'étale sur un mile, et utilisé cette leçon pour aider à trouver le Titanic dans les 12 jours, il avait à son contrat Navy après suivi le Scorpion et le Thresher. Il s'est rendu compte qu'il serait plus facile de trouver le champ de débris du Titanic que le navire réel ."Je n'avais plus que 12 jours pour faire ce que les autres n'avaient pas fait en 60 ", a déclaré Ballard. " C'est juste le temps qui avait été laissé. Nous avons dû faire notre mission pour la Marine d'abord et les officiers de marine à bord devaient alors l'approuver et lorsque nous aurons terminé leur mission, nous serions seulement après libres de rechercher le Titanic. "
L'équipe de Ballard, aidé par Jean Louis-Michel, de l'IFREMER et son sonar orange devait faire vite, car elle craignait alors que
celle du milliardaire Jack Grimm lancé lui aussi à la recherche du Titanic trouve l'emplacement avant elle : or la seule photo montrée par Grimm affirmant avoir trouvé une des gigantesques hélices du Titanic avait été celle d'un simple rocher nous dit Ballard... Le problème, c'est l'assurance que donnait ce même Ballard de la fiabilité au fond du cœur des deux réacteurs nucléaires, notamment celui du Thresher, un réacteur qui, logiquement, n'existe plus de manière intacte (étant donné l'implosion du vaisseau) une explication qui parait tirée par les cheveux ! Aurait-on remplacé un pieux mensonge par un autre lors de cette expédition habilement médiatisée par l'US Navy ??? Et pourquoi donc n'a-t-on pas révélé les nouvelles images prises par le rover de Ballard si les vestiges ne présentaient plus de danger ? Rien n'a en effet été montré du fameux réacteur "intact" ! La Navy laissant ouvertement fuiter après le barouf fait sur la découverte du Titanic pour montrer qu'elle s'assurait du devenir de ses erreurs passées ? La déposition de Ballard sur des
"réacteurs éteints proprements " dans l'interview du National Geographic est en complète contradiction avec les vestiges retrouvés : sinon comment expliquer le compartiment arrière ayant réussi entrer tout entier
dans le précédent ? L'arrière allait plus vite que le centre du corps du sous-marin, pour arriver à cela ! Et son réacteur fonctionnait donc toujours !

En 1968, le sujet polémique avait été évacué des médias. En réalité, l'affaire du Scorpion et la douleur des familles, qui auraient pu créer un précédent en dénonçant l'attitude des autorités qui les avaient sciemment laissées en plan sur leur quai en attendant des maris ou des fiancés déjà morts, avait bénéficié de circonstances inattendues pour ne plus faire la une des journaux en 1968 :
"la perte de l'USS Scorpion s'est produite entre deux événements importants dans l'histoire des États-Unis : l'assassinat du Dr Martin Luther King, le 4 Avril 1968 et le l'assassinat du candidat à la présidentielle le sénateur Robert F. Kennedy le 5 Juin. Par conséquent, la couverture de la perte du Scorpion a rapidement disparu de la première page de la plupart des journaux américains. Cela contraste fortement avec la perte de l'USS Thresher en 1963, qui a eu lieu au cours d'une période de calme dans le pays. C'était peut-être au goût du Pentagone, parce que même une enquête superficielle à propos de la dernière croisière du Scorpion aurait conduit à une discussion sur la dernière série de commandes du submersible, quelque chose qui était classé à l'époque". L'amiral Rickover, l'homme par qui le nucléaire est arrivé aux USA, avait visiblement encore frappé (une deuxième fois donc) en ensevelissant tout espoir de savoir un jour la vérité sur le naufrage du Scoprion. Son lobbying auprès des sénateurs et des congressistes avair payé : il n'y avait pas eu de contre-expertise de menée après les premiers rapports qu'il avait entièrement supervisés !

Or aujourd'hui on commence à avoir une petite idée de ce qui a pu se passer pendant ces cinq mois de recheches. Ce que craignaient également les américains, c'est que les russes découvrent un élément devenu très "chaud" dans la stratégie américaine : une machine à crypter, resurgence de l'Enigma allemande et appelée KW-7 Orestes. Car une autre affaire embarrassante venait de se produire peu de temps auparavant, le 23 janvier 1968 au large de la Corée du Nord, avec un petit navire espion américain (
ELINT and
SIGINT) de type "
Banner-classtechnical research ship" (de la Navy intelligence), le Pueblo, qui avait été fait prisonnier par la Corée du Nord, avec à bord des membres d'équipage qui n'avaient pas eu le temps de tout détruire (au marteau !). Les coréens suivaient de près le Pueblo, deux chalutiers, le R
ice Paddy 1 and le
Rice Paddy s'étant approchés de lui à 30 m de distance seulement le 22 janvier déjà.

Le lendemain, un chasseur de sous-marin abordait le Pueblo, soutenu par le passage de deux Migs-21, de quatre vedettes rapides lance-torpilles et d'un second bâtiment de chasse sous-marine, qui faisaient prisonnier l'équipage et s'emparaient du matériel d'espionnage. Un marin américain avait été tué lors de l'assaut. Un SR-71 envoyé en urgence de Kadena confirmera la prise et photographiera la scène du Pueblo arraisonné. Retenu à Wonsan, le Pueblo n'a jamais été restitué et constitue aujourd'hui encore une
attraction pour les visiteurs de Pyongyang où il a été amené. Lors de l'assaut, les nord-coréens s'étaient emparé d'une machine de cryptage transistorisée, la KW-7, dont une partie avait été détruite par un opérateur :

la découverte d'une seconde dans les vestiges du Scorpion aurait ruiné tout le système de communications américain : d'où le black-out complet sur la disparition du Scorpion, détenteur de la fameuse KW-7, lui aussi. Et ce qui expliquetait aussi les cinq mois passés à aller sans doute à la pêche à l'Orestes à l'intérieur de l'épave, via des robots téléguidés. En 1968, on est encore loin de l'usage du cryptage par ordinateur, et l'ombre de l'Enigma planait encore, chez les russes comme chez les américains, dans leurs communications.

Pour certains, les russes avaient décrypté une partie de la KW-7 et transmis aux nord-coréens et aux nord-vietnamiens des éléments cruciaux. Ainsi pour les bombardements de B-52 au Laos, qui semblaient avoir été connus à l'avance. Un site laotien d'espionnage, le Lima-Site85, en système Tacan, desservi par des
hélicoptères CH-3C "blacks" uniquement, avait vu ses échanges d'information interceptès, une fois la station saisie et envahie, visiblement, juste après la capture du Pueblo. Or ce système était vital pour les B-52 s'il voulaient aller bombarder Hanoi par mauvais temps. Selon certains auteurs, des membres de la station, fait prisonniers, avaient été interrogés par les russes. Le Scorpion était en ce cas un objectif supplémentaire dans la chasse au décryptage des codes américains, chez les soviétiques. Dans le jeu du chat et de la souris auquel se livraient les russes et les américains, la petite boîte Orestes valait tout l'or du monde. D'où la crainte des américains que les russes puissent s'emparer de celle du Scorpion.
Un Scorpion qui n'avait en rien été victime de torpille, en fait. Un scénario apparu depuis plusieurs années semble pencher vers la piste des batteries mal entretenues : la gabegie ou l'imprévoyance russe (le fameux "rozguildiaïstvo" décrit dans l'épisode précédent) semblant aussi bien partagée aux USA : la pression constante de l'équilibre de la terreur de la Guerre Froide avait aussi créé des deux côtés des monstres administratifs, chargés de jongler avec des budgets variables selon les disparités électorales. Avec un article assez saisissant, et une preuve photographique de l'enregistrement de la rapidité avec laquelle la catastrophe était survenue à bord du Scorpion (comme elle était apparue sur le Thresher), on obtient une toute autre vision que celle de la torpille errante ou russe : le Scorpion (comme le Thresher), aurai(ent) bel et bien sombré en raison de l'incompétence et de l'imprévoyance des responsables qui avaient décidé de ne pas les modifier plus qu'il ne fallait, à savoir de le faire de façon incomplète avec un budget restreint, alors qu'ils savaient les deux submersibles susceptibles d'être dangereux pour leurs équipages... Les deux engins ayant été victimes avant tout de malfonctions manifestes : "22 mai 1968 - 18h22 (heure de Greenwich). C'est que montre ce tracé audio - graphique de la fraction de seconde dans le temps où les politiciens américains pingres et bureaucratique de la marine américaine "ces petits comptables "ont tué 99 hommes" ? Classé top secret », l'événement était le 1er de 15 de ces « événements » enregistrés pendant une période de 190 secondes sur un enregistreur sonar - graphique qui avait été installé dans un centre secret de la marine américaine situé en espagne, dans les ïles Canaries". Selon la légende qui accompagne ce relevé graphique tout à fait clair, en moins d'une seconde, la coque du sous-marin nucléaire, l'USS Scorpion, a implosé et 99 hommes ont été tués. Alors que la plupart des faits liés à la perte de l'USS Scorpion sont encore secrets, beaucoup se trouvent maintenant dans le domaine public et ce qui est révélé par une partie de cette information c'est « une culture de l'indifférence irresponsable » parmi les personnes qui auraient dû être effectivement condamnés pour la mort de l'équipage bien avant que le sous-marin n'ait implosé".
L'une des pistes étudiées démarre de l'étude de photos du naufrage. Outre l'arrière littéralement "rentré" dans la section le précédent, ce qui risque une énigme, certains auteurs ont remarqué que cette même section ne possède plus d'hélice. Une autre photo, visiblement plus difficile à trouver, montre justement cette hélice, reposant sur le fond, éloignée de l'arrière du Scorpion, ce qui et l'occasion d'un autre théorie encore : "la preuve pour une explication plus terre à terre vient de l'arbre de l'hélice du sous-marin, dit Boyne (un officier naval spécialiste des terchnologies sous-marines). Des photos sous-marines montrent qu'il repose à environ 20 mètres à l'extérieur de l'épave sur le fond marin, à environ 11 220 pieds sous l'eau. Boyne suggère que les appuis en caoutchouc retenant l'arbre de transmission ont cédé, en mettant l'accent sur le raccordement avec le moteur.
Les boulons d'accouplement auraient cédé de façon catastrophique lors d'une plongée d'essai en eau profonde, selon cette théorie, emmagasinant de l'eau dans le sous-marin trop rapidement pour permettre des manœuvres de ballast pour faire remonter le navire à la surface. Comme support à cette théorie Boyne souligne la perte en 1963 de l'USS Thresher, le seul autre sous-marin nucléaire perdu par la Marine. Le Thresher a subi une fin de broyage similaire, mais a conservé son arbre d'hélice dans sa coque". Le problème avec cette théorie, c'est que le Scorpion aurait dû toucher le fond l'arrière ne premier... ce qui expliquerait peut-être aussi "le doigt de gant retourné", remarquez ; mais qui aurait laissé un cratère au fond, ce qui n'est pas le cas. Non, cela semble peu réaliste, encore une fois, revenons-en donc plutôt à la piste des batteries...
L'auteur revenant tout une nouvelle fois sur le Thresher, pour sa démonstration : "lorsque le réacteur nucléaire s'est soudainement arrêté, l'USS Thresher a lentement commencé à couler et finalement, à près de 2 000 mètres sous la surface, la coque a implosé et 129 membres d'équipage et les travailleurs des chantiers navals présents à bord sont morts.
La principale leçon de la perte du Thresher était que sans énergie nucléaire, la flotte nouvellement créée de sous-marins nucléaires américains était tout simplement bonne à jeter à la poubelle !" Afin d'éviter une répétition de la catastrophe USS Thresher, un programme appelé " SUBSAFE " a été mis en œuvre qui comprenait un « système dit "Super- Blow" de réservoirs d'air à ultra - haute pression qui en quelques secondes pouvait donner à un sous-marin assez de flottabilité positifve qui, comme le soi-disant « nucléaire » sous-marin "Dallas" dans le film " A la Poursuite d'Octobre Rouge ", pourrait entraîner un sous-marin à pratiquement sauter hors de l' eau" (en photo l'USS Buffalo en train de faire de même). L'auteur acerbe revenant en huit points sur les coûts de ces dispositifs :
1) l' Installation des nouveaux systèmes de sécurité dans les nouveaux sous-marins était coûteuse, certes, mais ne posait pas des problèmes majeurs pour les sous-marins en construction.
2) Toutefois , la mise à niveau des sous-marins nucléaires existantes a été un cauchemar technique et logistique avec un sous-marin exigeant trois ans d'arrêt et des millions de dollars de dépassements dans le budget pour être mis aux normes SUBSAFE. (Les américains ne disposant pas de sous-marins d'attaque en nombre, le Scorpion ne pouvait se permettre ces trois années de "retrofit")
3) Dans ces circonstances, les politiciens, et les amiraux de la marine américaine, comme des compteurs de haricots, ont cherché des solutions alternatives, et ce qu'ils ont apporté étaient des « solutions » qui ont défié le bon sens et, finalement, tué le Scorpion et son équipage de 99 hommes. Les contrôles de qualité de la flotte de sous-marins nucléaires américains ont en effet révélé qu'ils avaient été mal construits et que seulement 40 % des conduites d'eau du Scorpion répondaient aux spécifications minimales.(Cela apparaît enfin : pendant des années, le manque de finition des sous-marins russes avait été moqué alors que ceux de la Navy n'étaient guère mieux semble-t-il !).
4) Les vannes pour exploiter le système Super- Blow de la sous étaient si défectueuses qu'elles avaient été déconnectées ! Par décision administrative, il avait été décidé que si le sous-marin ne plongeait jamais en dessous de 600 pieds, les plans de profondeur de la queue ne se verrouillaient pas alors automatiquement en position de plongée, un problème commun à l'époque ! (ce qui expliquerait l'absence de remontée du Scorpion : sur les photos, les plans de plongée du kiosque sont effectivement en position de plongée !).
5) Cette décision débile défiant toute logique partait de l'hypothèse qu'en interdisant des plongées profondes, les sous-marins ne pourraient plus plonger accidentellement si une défaillance mécanique survenait ! (Ils avaient en effet été tous interdits de plongée profonde après la perte du Thresher !).
6) Le travail crucial sur la sécurité a « reporté, mais pas "annulé", cet un acte de stupidité bureaucratique qui a été rationalisé plus loin avec un programme qui a été officiellement connu comme étant de " maintenance prédictive ", c'est à dire pour prévoir quand les choses s'usent et les remplacer de façon ad hoc plutôt que d'effectuer des révisions majeures sur une base régulière.
7) C'était l'équivalent de dire : « Je prédis que les freins sur ma voiture doivent tenir 5 ans et je vais donc les vérifier dans 5 ans ! " Le véritable objectif derrière la " maintenance prédictive " était de garder les sous-marins nucléaires en opération le plus longtemps que possible tout en minimisant les coûts d'exploitation annuels. (Ce qui était impossible à faire, le Scorpion étant trop sollicité comme rare sous-marin espion).
8) Pour les responsables de l'exploitation de la flotte de sous-marins de l'US Navy , les facteurs prépondérants étaient leur isponibilité opérationnelle et les économies d'argent .
Avec cet état d'esprit qui sous-tend le fonctionnement de la flotte de sous-marins nucléaires de l'US Navy , il était manifestement évident qu'économiser de l'argent était beaucoup plus important que de sauver des vies. À 18h00 le 22 mai 1968, quelque chose, peut-être une explosion de gaz d'hydrogène dans le système de batterie de 86 tonnes du Scorpion , a envoyé le sous-marin dans une descente incontrôlée et 22 minutes plus tard, à environ 2 000 mètres sous la surface , la coque a implosé et le sous-marin a été perdu avec toutes les marins à son bord". On ne peut meilleur réquisitoire que celui-là, ou meilleure démonstration. Car a bien regarder, toutes les théories, à part celle de la perte de l'hélice, engagent vers une irresponsabilité de la Navy : une torpille russe ou même une torpille errante, qui minimise le rôle de garantie de fonctionnement auquel aurait du s'astreindre la Navy : la torpille errante l'étant devenue après une défectuosité "non détectable à l'avance"... Non, plus on retourne les explications données, et plus on s'aperçoit que tout a été fabriqué pour que jamais ne soit remis en cause la conception même des sous-marins, qui seront pourtant condamnés les années suivantes à plonger moins profond et à ne pas chercher à forcer sur leurs structures. Les soi-disants fleurons de la Marine US, en ce sens, n'étaient guère en meilleur état technique que les submersibles russes construits à la va-vite !

Les batteries défectueuses auraient donc été à l'origine de la catastrophe du Scorpion (à gauche les vestiges d'une batterie du Thresher, remontée des grands fonds, complètement détruite : le Thresher lui aussi aurait-il eu des ennuis de batteries qui auraient été minimisés ?). C'est ce qu'indique en effet en clair l'excellent
"The Stupid Shall Be Punished", avec des extraits d'un rapport confidentiel adressé à David J. Dorsett, le Directeur du Naval Intelligence en mars 2009. Le
courrier adressé est sans fioritures :
"l'USS Scorpion a été perdu parce que l'hydrogène produit par les 126 cellules TLX -53 de 65 tonnes d'une batterie principale de stockage de courant a explosé en deux étapes d'une demi-seconde d'intervalle à 18:20:44 , le 22 mai 1968. Ces événements, qui n'ont pas endommagé la coque, ont empêché l'équipage de maintenir la commande de profondeur.
Comme nous l'avons noté en référence, la pression de la coque du Scorpion s'est effondrée à 18:42:34, à une profondeur de 1530 pieds (...) Cette évaluation n'est pas l'attribution générique de la perte d'un sous-marin à une explosion de batterie - avancée comme explication par défaut en l'absence de toute construction plus probable. Cette évaluation est basée sur les résultats d'examens microscopiques, de diffraction spectrographique et en rayons X d' analyses de matériaux récupérés de la batterie du Scorpion qui confirment qu'ne explosion s'est produite, et la ré-analyse du document précurseur acoustique en juillet 2008, signaux qui ont identifié ces signaux comme des explosions contenues dans la coque de pression du Scorpion. Collectivement , ces résultats indiquent que les explosions de batteries ont été les événements déclencheurs responsables de la perte du Scorpion le 22 mai 1968".

Ce qui aurait provoqué la fin du sous-marin Scorpion, c'est donc une surpression à l'intérieur du compartiment central, celle de l'hydrogène subitement dégagée, qui n'aurait pas provoqué de rupture de coque mais aurait rendu inconscient l'équipage,
selon ce scénario : "
les piles sont situées au niveau le plus bas de la coque, au-dessous des quartiers de l'équipage (voir ci-dessous le schéma et à droite un type de batterie). L'état de l'épave sur le fond de l'océan est due à plusieurs facteurs, notamment le « télescopage » de l'arrière dans le local de machines auxiliaires, qui était au point de rupture initial de la coque. Le compartiment des opérations a été brisé, et dans le processus la voile (le kiosque) s'est arrachée.
La "morsure" (le morceau découpé dans la voile visible sur les photos)
aurait pu se produire alors lorsque la voile est venu se reposer sur le fond de l'océan. Les enregistrements SOSUS ont indiqué la taille de l'explosion initiale, interprétés comme une explosion des batterie TLX-53A. Cela a créé une surpression d'environ 150-200 PSI, pas suffisante pour rompre la coque de pression, mais bien plus que la surpression nécessaire pour tuer des êtres humains, située à 50 PSI. Il y aurait pas eu suffisamment de temps pour la perception humaine, et l'équipage a été instantanément rendu inconscient et et sa mort par choc de compression a lieu rapidement. Sans équipage vivant, le sous-marin a coulé lentement à une profondeur où la rupture de la coque s'est produite". Ce scénario expliquerait un réacteur encore en fonction, qui aurait ainsi "tamponné" , avec son hélice toujours en marche, le caisson central fragilisé étant par l'énorme surpression intérieure, son fond ayant été endommagé et fragilisé par l'explosion des batteries. Ce que ne veut pas savoir Ballard, qui tient à tout prix à son "
réacteur proprement éteint"... qui semble lui avoir été commandité, comme commentaire.


Une catastrophe pas si différente que cela de celle survenue cinq ans auparavant, mais que les USA ne semblent toujours pas vouloir reconnaître. Et là encore, on découvre après coup que tout n'avait pas été si rose qu'annoncé. Le submersible était reparti en mer alors qu'il n'était pas en parfait état pour le faire, à-t-on appris bien après. Le Thresher était retourné lui aussi à la mer après une mise à jour de 9 mois, après une collision avec un remorqueur. Certains, dont un des machinistes,
George John ("Papy") Keisecker, pensaient qu'effectivement il n'était pas prêt pour reprendre aussi vite la mer : c'est ce qu'on peut en effet entendre dans le documentaire du National Geographic, ou son ami Georges Miller confirme l'infirmation. Raymond McCoole, responsable du réacteur, disant de même : selon lui des tests menés à quai avaient montré que le submersible n'était pas prêt ("
il avait failli misérablement" dit-il dans le reportage). Encore une fois, c'est la belle icone de la Navy dessinée par Rickover qui s'effondre. Le submersible selon le reportage du National Geographic n'aurait plus eu de puissance et le ballastage rapide n'aurait pas fonctionné (il n'avait pas encore de SubSafen installé après sa destruction). Selon le même documentaire toujours, les morceaux répartis sur "
70 fois la longueur du sous-marin" auraient laissé au fond un réacteur nucléaire... intact ! C'est le point le plus douteux du reportage : le magazine US vient à la rescousse pour disculper la Marine US de toute contamination possible. Dans le même documentaire, deux thèses sont pourtant évoquées :

celle comme quoi ce seraient aussi les soviétiques qui auraient torpillé le Scorpion, à partir d'un hélicoptère de type naval Kamov à deux hélices contrarotatives et la seconde thèse, celle de la torpille larguée par le Scorpion lui-même, mais les deux sont rejetées, Robert Ballard n'ayant retrouvé au final aucune des torpilles potentielles, ou de vestige de torpille (russe ou américaine) sur les fonds marins. Mais, pour autant, la thèse des batteries défectueuses,
longuement évoquée ici, n'est pas citée, car elle rendrait les autorités américaines responsables de la perte de plus de 200 marins. Ce n'est pas la première fois que le cocardier National Geographic venait donner un coup de pouce au pouvoir en place : la propagande demeure vivace, et le mépris pour les victimes toujours aussi important.
A ce jour, les autorités américaines n'ont donc toujours pas reconnu les manquements dans la construction de leur flotte de sous-marins dans les années soixante qui auraient provoqué la mort de 228 de leurs marins. Il n'y aurait pas eu de complot derrière ces catastrophes, pas plus que de méchants russes ayant coulé un sous-marin américain d'un coup de torpille vengeur. Les comploteurs en sont pour leur compte : ce seraient deux catastrophes ayant pour origine des économies de bout de chandelles ! L'idée d'une Marine américaine entretenant en revanche pendant des années la thèse complotiste de l'attaque russe, quitte à la transformer ensuite en "torpille errante" (mais tellement aml expliquée qu'elle laisse entendre qu'il s'agit d'un masquage de faits) laisse une drôle d'impression en effet. Celle d'une manipulation qui perdure, celle laissant supposer que d'autres manipulations des médias et de l'opinion publique ont pu avoir lieu depuis. Les "compteurs de haricots" ; des grippe-sous de l'administration américaine auraient en définitive tué davantage que la Guerre Froide, elle-même, en matière de guerre sous-marine, en dissimulant leur terrible responsabilité !