Les « Frères musulmans » et la liste américaine du terrorisme
Le débat sur l’inclusion des « Frères musulmans » dans les listes terroristes américaines s’est étendu depuis que Mike Pompeo a pris ses fonctions de secrétaire d’État américain. Son prédécesseur, Rex Tillerson, avait émis des réserves à ce sujet lors de son entrée en fonction.
Lors d’un forum organisé à la Hoover Institution de l’université de Stanford, M. Pompeo a récemment parlé de « la poursuite des discussions » sur cette mesure, en précisant que les États-Unis évaluaient cette mesure « pour s’assurer qu’elle est appliquée correctement. » Le thème est revenu ainsi sur le tapis. Les propos ont également soulevé des questions sur le moment choisi par les Américains pour prendre cette mesure.
On sait que Pompeo a été l’un des huit députés qui ont déposé au Congrès un projet de loi demandant à l’administration américaine précédente (l’administration Obama) d’inclure les Frères sur la liste des terroristes. Lui, il en sait aussi beaucoup et possède des preuves qui ont soutenu sa position envers l’organisation il y a des années, que ce soit en termes de relations suspectes du groupe avec des organisations terroristes, ou en termes d’implication dans la violence et le chaos dans de tels pays comme le Yémen, la Syrie et la Libye. Des rapports américains indiquent de plus que des liens existent entre les Frères et les Gardiens de la Révolution iraniens. Ces relations se sont traduites par la condamnation des Frères et de leurs affiliés dans plusieurs pays arabes du meurtre du général Qassem Soleimani, commandant de la Force Quds.
Nul doute que les dirigeants de l’organisation internationale des Frères musulmans se faufilent dans le système financier mondial. L’organisation a des liens suspects dans différentes parties du monde, en particulier en Europe. Les calculs politiques sur le sujet expliquent en grande partie le retard de l’administration Trump à inscrire les Frères sur les listes du terrorisme américain, à interdire leurs activités et à geler leur argent aux États-Unis.
Lors de la même réunion, le secrétaire d’État Mike Pompeo a clairement exprimé son point de vue sur la question. « Mon opinion est que l’affaire est plus délicat que ce que j’ai vu en tant que représentant du Kansas au Congrès, » expliquant que traiter la question de l’intérieur de l’administration est différent de la traiter de l’extérieur.
C’est ce qu’a soutenu l’ancienne secrétaire d’État Condoleezza Rice qui dirigeait le débat. « Nous essayons toujours de trouver comment y parvenir. Il y a des éléments au sein des Frères musulmans qui sont sans aucun doute des terroristes. Ils sont sur la liste du terrorisme. Nous essayons de nous assurer que nous les insérons correctement. Nous définissons correctement la question et nous assurons la base juridique pour cela. »
Bien entendu, on comprend que Pompeo parle de la différence entre sa position actuelle et celle qu’il occupait en tant que membre du Congrès. Mais la base juridique d’une telle démarche et l’existence d’informations précises dont dépend le processus d’inclusion ne semblent pas aussi difficiles que Pompeo le suggère.
Il est avéré que les décisions d’inclure d’autres organisations, telles que les Gardiens de la Révolution iraniens et d’autres, ont été prises rapidement. Il n’a pas fallu tout ce temps pour faire des recherches.
Ce n’est un secret pour personne que de nombreux rapports des médias parlent de réseaux d’intérêts des Frères aux États-Unis et dans d’autres pays occidentaux. Par conséquent, la question est sujette à des équilibres d’intérêts et à des ententes entre les grands pôles de l’administration américaine elle-même, surtout avec la présence de relations et d’intérêts avec les pays qui parrainent l’organisation des Frères, comme la Turquie.
En politique, naturellement, chaque démarche a son compte de profits et de pertes. Mais en ce qui concerne l’organisation des Frères, interdire cette organisation et l’inscrire sur les listes du terrorisme est de nature à tarir les sources de l’extrémisme et du terrorisme. Il faut plutôt considérer que l’aspect juridique de la question n’est pas vraiment un obstacle. Le réel obstacle est plutôt les calculs politiques entourant la décision américaine qui a été reportée il y a des années.
On comprend aussi que les intérêts des grandes puissances sont mêlés aux groupes politiques islamistes depuis des décennies. Dans ces pays, certains parient encore sur ces groupes pour qu’ils remplissent certains rôles et réalisent leurs intérêts stratégiques dans certaines circonstances et certains délais.
Mais les gens ont dit leurs mots sur ce genre de groupes et les ont carrément rejetés. Ils n’ont plus la raison d’être qu’ils se sont développés dans le passé, que ce soit en raison de la prise de conscience croissante des sociétés, de la découverte de la vérité de ces groupes et de leurs agendas cachés, ou en raison de la mise à nu du véritable visage de ces organisations et de leur implication dans des pratiques violentes et sanguinaires et de la création de dizaines d’organisations extrémistes, terroristes, violentes et meurtrières sous différents noms et slogans.
Face à la menace de la terreur et du fanatisme, on ne peut pas se contenter de tenir le bâton au milieu, ni de tenter de concilier les dangers et les intérêts. Les inconvénients de garder le silence sur les organisations terroristes l’emportent sur les gains potentiels ou souhaités tirés de ces organismes à court et à long terme. Une attitude résolue des États-Unis à l’égard des Frères serait déterminante dans leurs relations avec les pays arabes et islamiques.
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