Les « gilets jaunes » vont-ils prendre … une veste ?
Les « gilets jaunes » vont-ils prendre … une veste ?
Ceux que l’on appelle les « gilets jaunes » constituent la poignée de citoyens qui expriment sur les voies publiques ce qu’une majorité de Français ressent : un sentiment de « ras le bol » d’une politique gouvernementale injuste qui les appauvrit. Doublé de la certitude, qu’à travers les discours souriants et enjoleurs et les syllogismes mal ficelés des gouvernants, « on » se moque d’eux. Avec comme détonateur, l’annonce d’une mesure ressentie comme angoissante (diminution prochain de leur pouvoir d’achat par une nouvelle taxe). (1)
Ce « ras » le bol vient contrarier la politique mise en œuvre par les gouvernements successifs en application de divers traités (dont les traités européens). Le conflit entre le gouvernement actuel (dont la mission est d’achever ce qui n’était pas encore fait) et la population est donc potentiellement très « grave ». Puisque s’intéresser à la situation de l’ensemble de la population irait exactement à l’encontre de l’idéologie qui anime la politique menée et selon laquelle (cela est dit en raccourci) la société doit fonctionner selon la loi du plus fort, sans régulation de l’Etat. Donc, nécessairement, selon les intérêts du noyau des individus les plus puissants financièrement et économiquement.
Dans cette période animée par les « gilets jaunes », les leaders politiques, qu’ils suivent M. Macron, ou qui rêvent que ce dernier cède la place à l’un d’entre eux, sont peu loquaces sur la question des règles appliquées et des techniques mises en œuvre à cet effet. Ils se bornent pour la plupart de répéter les revendications (mineures) qu’ils entendent ça et là. Et se contentent de solliciter du président de la République que ce dernier annonce le report des mesures qui ont servi de détonateur au mouvement. Et pour ceux qui veulent plaire un peu plus aux électeurs, que le président de la République annonce qu’il renonce à les prendre.
Les gilets jaunes de leur côté, ne revendiquent pas la cessation de l’application des traités de libre échange et de dérégulation. (Alors même qu’ils contestent en fait les résultats de la mise en oeuvre desdites règles).
Ce qui laisse au pouvoir gouvernemental une belle marge de manoeuvre.
Lequel manoeuvre bien.
A.
Il utilise la technique connue qui consiste à déplacer une revendication sociale sur le terrain du maintien de l’ordre. L’exploitation des violences permet :
1. de faire oublier la revendication sociale ;
2. de discréditer le mouvement ;
3. d’écarter le risque de « fraternisation » entre les protestataires et les force de l’ordre (dont les membres sont dans la même situation économique que les 80 % (env.) des Français qui partagent les mêmes préoccupations) ;
4. de susciter chez les citoyens le sentiment de peur qui pourra se traduire par un réflexe conservateur en cas d’élections.
Et évidemment, plus la violence (2) sera grande (l’Elysée la prédit comme telle pour le samedi 8 décembre), plus la continuation de la (même) politique économique et sociale, sera assurée.
B.
Comme les sondages ont montré que 80 % (env.) des Français étaient d’accord avec les sentiments d’exaspération et d’angoisse de ceux d’entre eux qui ont revêtu le gilet jaune, le pouvoir fait en sorte de décrocher les gilets jaunes (faible pourcentage de la population) de l’ensemble (les 80%) de la population. Pour que le conflit apparaisse comme opposant le pouvoir, non à 80 % de la population, mais aux seules personnes ayant enfilé un gilet de couleur.
Le pouvoir essaie de « mettre la main » sur quelques gilets jaunes pour « discuter » avec « les » gilets jaunes. Parce que, qui dit « discussion », dit possibilité matérielle de faire usage de techniques de manipulation, de « retournement » et autres techniques de « fluidification » des relations.
Les premières tentatives d’approche de gilets jaunes n’ont pas été couronnées d’un franc succès. Elles ont été relayées par les initiatives de certaines maires, qui, dépassant le cadre normal de leurs fonctions, tendent à organiser un système de canalisation et de traitement bureaucratique des revendications (donc d’étouffement du mouvement).
Par ailleurs, la création de « tendances » organisées et censées être représentatives de tout ou partie des « gilets jaunes », indique également que la technique de la division interne pour miner un mouvement de l’intérieur est également … en marche.
Il restera simplement au couple pouvoir économique- pouvoir politique, à conforter le statu quo, ébranlé par quelques semaines de manifestations, par des actes solennels astucieusement présentés comme étant de nature faire espérer :
- Par exemple un changement de gouvernement. C’est à dire concrètement : prendre de nouvelles personnes … pour faire la même chose. A moins évidemment que le gouvernement actuel ne retrouve une légitimité du fait du rejet d’une motion de censure déposée opportunément (pour le gouvernement) par les députés de divers groupes minoritaires.
- Par exemple la dissolution de l’Assemblée nationale après que la violence aura atteint un degré suffisant. Les électeurs renvoyant alors siéger, en tout état de cause et pour les raisons évoquées ci-dessus, des politiciens favorables -quel que soit leur organisation de rattachement- à la poursuite de l’application des règles issues des traités de libre échange.
Les députés issus des « Républicains » ou du « Parti socialiste » (ces derniers étant acquis à la même idéologie depuis longtemps et au moins depuis Maastricht) marcheraient peut être moins bien au pas cadencé que ceux de « LREM ». Mais ils iraient / iront, et c’est cela l’essentiel, dans la même direction.
A moins, évidemment, que le malaise ne trouve dans la classe politique - ou ailleurs- les talents (3) (4) qui convaincront la population (avec les « gilets jaunes » comme élément actif), d’avoir à tourner la page sur quelques dizaines d’années de pratiques économiques et financières, - à l’idéologie moralement discutable, - aux résultats techniquement médiocres ou mauvais, - aux conséquences humainement désastreuses pour trop de monde.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) Il est intéressant de constater que si 80 % des Français partagent ce sentiment de rejet de la politique suivie, ils ont installé (ou en tous cas ont accepté l’installation) au pouvoir (présidence de la République et Assemblée nationale) de politicien(ne)s dont tout montrait qu’ils mettraient en œuvre cette politique (inscrite dans les dispositions – mal connues de beaucoup il est vrai- de traités de libre échange).
Ce qui incite à réfléchir sur le résultat d’élections obtenues dans le cadre de campagnes électorales dans lesquelles les techniques de manipulation sont largement utilisées. En étudiant les voies à utiliser pour protéger les citoyens contre les effets des manipulations. Et les techniques à mettre en oeuvre pour en sanctionner l’utilisation. (v. sur Agoravox : « la démocratie n’est pas gênante »)
2) Sous ce rapport, on signalera que les actes violents se sont produits (ont pu se produire) dans un contexte particulier (dispositifs inadaptés et policiers officiellement « débordés »). Quant à la promesse d’interventions musclées des forces policières dans un avenir proche, elle fait attendre, en réaction, des confrontations. Lesquelles pourront être présentées et exploitées par le pouvoir et ceux des médias qui le suivent, comme les prémisses redoutables et effrayants d’une guerre civile. Le chef de l’Etat étant appelé à être présenté dans l’affaire comme le garant des valeurs républicaines, de la liberté, etc....
(3) A certaines époques, en France ou ailleurs, des orateurs de talent (qui ne pensaient pas forcément à leur carrière) ont pris leur part dans la construction de l’histoire.
(4) Qui ne peuvent évidemment pas être les individus que les gens du pouvoir auront éventuellement réussi à ferrer. Ni les politiciens connus, englués dans les réflexes liés à la carrière, dont les récentes interventions ont montré qu’ils ne pouvaient pas jouer ce rôle.
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