Les guignols du nucléaire (suite)
Mon article initial a manifestement "beugué", et seule la 1ère partie est passée,
voici le lien vers cette 1ère partie : https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-guignols-du-nucleaire-245406
et voici la suite :
Devant tant de professionnalisme, je me suis rapproché de quelques amis compétents dans le domaine du nucléaire et de la sécurité, bien qu’ils n’aient pas fait l’ENA ni Sciences Po, histoire d’avoir des « factcheckers » de qualité !
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1ère question à ces spécialistes : qu’en est-il de ces problèmes de sécurité ayant entraîné l’arrêt de plusieurs réacteurs, comme le plan ci-après l’indique ?
Ce qui suit est un échange qui date de début février 2022
Le problème des tubes en inox défectueux a été identifié à Civaux au dernier trimestre 2021. Ce type de défauts est quasiment indétectable en radiographie au vue de la configuration géométrique. C'est grave au point d'arrêter les 4 réacteurs les plus puissants de France, car il leur faut remplacer les circuits défaillants, à savoir que pour Civaux & Chooz la tuyauterie fait 323mm de diamètre et 51mm d'épaisseur tout en inox, bref, ce ne sont pas des tuyaux de chiottes que l'on peut trouver à la droguerie du village. Il faut aussi savoir que chaque réacteur a quatre circuits et que ces tuyauteries font partie des éléments les plus irradiants en centrale et donc qu'il faut énormément de personnes, qui plus est soient habilitées en procédures qualifiées pour faire ces opérations et c'est là le hic. L'année 2022 à un planning jamais vu du fait qu'il faut rattraper le retard dû aux mesures débiles du pseudo Covid et que toutes les sociétés du domaine recherchent sans succès près de 30 radiologues et autant d'ultra-sonistes, qu'il faut environ 3 ans pour qu'un opérateur soit à 100% opérationnel et indépendant et que l'effet falaise qui devait arriver en 2024/25 est déjà présent ; les centrales vieillissent et en contrôle on a de plus en plus d'éléments à vérifier. Bref déjà le problème est quasi insoluble, mais ce n'est pas fini ... Car on suppose qu'il y a de forte chance que ce type de défaut soit sur toute les 1300 Mégawatt et là ce n'est plus 4 réacteurs qu'ils vont arrêter pour plusieurs mois mais 16, Flamanville, Paluel, Penly, Nogent/Seine, Cattenom, Belleville, St Alban et Golfesh. La tâche est incommensurable, sur les 40 dernières années de nucléaire c'est du jamais vu. Et cerise sur le gâteau ils veulent virer 40% du personnel qui refuse l’injection. C’est le match covid-explosion nucléaire, et que le meilleur gagne … Voilà en gros de manière succincte ou en est la situation. Alors à la question, si c'est grave, oui, très mais pas le risque d'accident, pour le moment nous n'en somme pas là, mais le coût financier va être cataclysmique ; rien qu'une tranche comme Civaux c'est 1.5 million par jour d'arrêt sans compter le coût de fabrication et de réparation dont je ne voudrais pas avoir la facture à raquer. Quand on sait qu'en cas de problème en France ce seront les mêmes qui gèrent la crise covid, ont peut légitimement craindre le pire. Et je ne parle pas qu'en plein hiver arrêter 70% du parc c’est l'équivalent de mettre la France et d'autre pays limitrophes dans le noir pour de très longues semaines, voir des mois ; cela ne provoquera que ruine, désolation et surtout des morts.
Bref, 2022 s'annonce rock and roll.
Il faut rappeler aussi que la tranche 2 de Civaux ainsi que les deux tranches de Chooz sont mise à l'arrêt suite au problème de fissure de la Tranche 1 de Civaux. Ce sont les plus puissantes de France tant que l'EPR n'est pas en fonctionnement, et il ne le sera pas avant 2024 aux dernières infos en ma possession. »
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Second point, en mai 2022 avec ce constat : au 29/04 ce sont la moitié des réacteurs qui sont à l’arrêt … jusqu’à quand ?
Pour ceux que cela intéresse, le site de RTE diffuse en temps réel la consommation d’électricité pour la France.
https://www.services-rte.com/fr/visualisez-les-donnees-publiees-par-rte/courbes-de-consommation.html
Encore hier des journaleux aux ordres de l'Élysée, car ni le service communication d'EDF, ni les ASN n'ont donné de délais pour la remise en route des réacteurs, parlent de délais d'échéances à fin octobre ou novembre. Un exemple, Penly, découverte officieuse janvier dernier dans la presse, mars/avril (de mémoire), la personne qui s'occupe du pilotage du chantier pour EDF, donc aux premières loges, a déclaré qu'ils étaient encore dans la phase étude/analyse et qu'aucune procédure n'avaient été encore rédigée.
Techniquement, ça doit être balèze. En effet remplacer ces tuyaux en inox, par exemple, nécessite de disposer du matériau de remplacement mais aussi que ce nouveau matériau ne présente pas à terme les mêmes défauts !!!
Dans la presse déchaînée encore un article d'un scribouillard qui n’y connait que dalle. Le type ne sait pas ce qu'est de la corrosion sous contraintes, il pense que c'est de la rouille sur de l'inox !!! (voir photo plus haut)
Et pourtant, ce n'est pas dur de se documenter, je comprends que ce ne soit pas évident pour le commun des mortels, mais tout s'explique, une simple recherche sur le net et on peut trouver par exemple cet article de janvier dernier :
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3ème point, en août 2022, avec comme question : la sécurité au niveau de la conception est-elle en cause ?
Il est devenu patent que plus une centrale est récente plus elle a de problèmes. Pour un contrôleur, c'est flagrant ; Les 900mW (trèfle vert), sont d'une fiabilité à toutes épreuves, comme me disait un ancien, elles ont été faites à l'américaine ; c'est-à-dire que là où il y avait besoin de 50 mm d'acier, on en mettait 60 voir 65, le coût des matériaux était infiniment moins cher.
Maintenant, c'est l'ère de l'optimisation, des notes de calculs, bref, on a laissé le fric prendre le dessus sur la sûreté et la qualité. Je vais donner un exemple : le dôme et le liner du bâtiment réacteur sur l'EPR. Ce dôme, dont les dimensions sont à la dimension de la taille du chantier, 240 tonnes, 146 mètres de circonférences, 17 mètres de hauteur, 4.7 kilomètres de longueurs soudées et d'autres chiffres que je n'ai plus en mémoire, a été construit au pied du réacteur, en plein air, au bord de la mer, avec la salinité, les tempêtes, les embruns qui arrivaient parfois sur le chantier, (la digue de la station de pompage n'était pas terminé). L'épaisseur de ce dôme n'était que de 6.3 mm d'épaisseur, c'est-à-dire, une feuille à papier, les notes de calculs ne prévoyaient qu'une épaisseur mini de 5.8 mm. Bilan : 800 sous épaisseurs de rebouchées, autant de phase de contrôles à faire en surplus, magnétoscopie, radiographie et test d'étanchéité et surtout l'application supplémentaire de 2400 litres de peintures qui prouve qu'optimisation & économie ne font pas parfois bon ménage.
Tout ça pour dire, que les 1300, ensuite les 1450 (Civaux/Chooz) et maintenant l'EPR sont faits de matériaux de moindres qualités tout en étant dans les normes. Je ne dirais pas qu'elles sont en sous qualité, il serait plus juste de dire que les 900mw sont en sur-qualité et c'est cela que je leurs reproche. Ça devait être comme dans le film jurassic park si vous vous en souvenez, disant sans arrêt qu'il dépensait sans compter, on voit comment ça peut finir !
Quand la connerie devient un danger. Fessenheim est certes la plus vieille, mais celle aussi où il y a eu le plus d'investissement, plus de 4.5 milliards 5 ans avant sa fermeture, tout avait été refait à neuf, du radier, salle des machines, annexes, je suis allé dans le bâtiment réacteur de la tranche 1 trois ans avant qu'il ne la ferme, on pouvait manger par terre. Le seul bémol et pas des moindres, cette tranche 1 est et reste la plus irradiante pour les intervenants comme moi, mais cela resté dans les clous pour moins 15 à 20 ans. Si c'est moi qui ai à choisir pour sa dangerosité et surtout son archaïsme dans son fonctionnement, c’est celle du Bugey, ensuite St Laurent des Eaux et la Tranche 2 de Gravelines qui finiront par passer dans le journal avec leurs problèmes récurrents de soupapes sur la cuve.
Borne est déconnectée, elle ment, elle est dangereuse ; là, elle ne comprend même pas ses propres mots. C'est la main de l'Allemagne qui est derrière la fermeture de Fessenheim. Peut-être pas un hasard qu'il est attendu maintenant l’annonce des confirmations des fissures de Cattenom, alors que les premières fissures sur la tranche 2 ont été découverts au mois de mai. J’ai comme l'impression, que la comm. rentre dans un plan stratégique qui dépasse les frontières.
Il y a des tranches, dont les travaux de réparations ne sont pas entamés qui pourraient être remises en service, je ne sais pas lesquels, je n'ai pas toutes les infos, mais je suppose, Golfesh, Cattenom, Belleville, disons 7 tranches de 1300 mW. Ce ne serais pas top, mais dans le contexte, faut pas jouer les difficiles. Attention, tout ça est du conditionnel car on ne redémarre pas comme cela une tranche en garantissant l'intégralité de la sûreté nucléaire sur un seul cycle, (c'est technique, faut que je m'y attarde).
Je donne un exemple, votre voiture à un bruit bizarre, garagiste, vérification et lui vous répond, c'est à réparer, mais cela peut attendre la prochaine révision. C'est pareil pour certains éléments d'une centrale. Mais avant toute chose, il faut que tous soient requalifiés et validés et ça, notre "Panier Runachier" s'avance en se cachant derrière une pseudo déclaration d'EDF. Mais ce n'est pas EDF qui décide, ils n'ont absolument pas la main, ce sont les ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) ou très justement appelés Gendarmes du Nucléaire, car ils en ont, de par la Loi, les prérogatives qui seuls valideront les dossiers cas par cas et peuvent accorder, sous réserve d'un accord de l'AIEA, une mise en service "En Mode dégradée". Sans oublier bien sûr la Lloyds, qui assure quasiment le parc mondial. Exemple, quand je fais des radiographies ou autres examens de contrôles, je travaille directement pour le Service Assurance Qualité qui, comme son nom l'indique, s'assure de la qualité afin que les assurances valident la mise en service.
Donc, oui, cette annonce fait rire, mais rire jaune.
Pour rassurer, avec le nucléaire, ce n'est pas le politique qui commande, si la sûreté et en jeux, personne ne signera une remise en route, n'oubliez pas les syndicats, is ont un regard direct sur la sureté et sont les collègues qui comme moi vont faire la bise à la cuve du réacteur, habitent au plus près des sites avec leurs femmes et leurs gosses et non surtout pas envie que leurs outils de travail leur pète à la tronche.
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4ème question : alors ces redémarrages ?
Et si on me demande mon avis sur ces redémarrages en "mode dégradés", je ne serai pas contre pour plusieurs raisons. Ces défauts ne sont pas, (pour la plupart), des défauts de fonctionnement, il s'avère que ce sont des défauts de conception. Le circuit RIS (Réacteur injection Secours) est un circuit qui ne sert qu'en cas de panne entraînant un arrêt du cœur du réacteur pour en assurer son refroidissement afin d'en éviter la fusion. (jamais utilisé à ce jour sur ce type de centrale depuis Tree miles Island).
Comme tous les circuits et ceci après chaque arrêt subit ce que l'on appel l'EH, (Epreuve hydraulique). Pour expliquer en deux mots, ils mettent en pression et en température tout le système hydraulique avec des pressions & T° d'environ 25 % supérieurs au fonctionnement normal. Cela fait 25 à 40 années qu'elles subissent sans problème. Donc, je pense que vu le contexte, l'enjeu en vaut la chandelle et que le risque est calculable. J'insiste, ce n'est pas moi qui décide, moi, je suis un tout petit dans ce milieu ...
La Croix en 11/2019... https://www.la-croix.com/amp/1201061786 ?
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Pour finir : ce fromage qui donne la répartition de la production en France en 2020, le nucléaire y représente 40%, c’est réellement un problème si cette production est diminuée de moitié, et si en plus on manque de gaz, de pétrole ... alors coupures différenciées selon les régions comme il est proposé en Italie ? dénonciation du voisin selon le modèle suisse ? Coupures totales sur des tranches fixes comme c’était la norme en Roumanie à la fin des années 80, époque Ceausescu ?
Actualité : au bout de 10 mois de „réparations” un réacteur de Flamanville a été remis en fonction, il alimente Cherbourg et La Hague ... il en reste 31 en panne !!!
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