Les habits neufs de l’empereur Juppé
Il faut bien être un populiste vil et méprisable pour ne pas voir les chatoyants nouveaux habits de l'empereur Juppé, qui ne manqueront pas d'éblouir tous les esprits éclairés.
Après Sarkozy et Hollande tous deux ainsi rhabillés, l'air semble tristement famillier. Mais les tailleurs médiatico-sondagiers n'en ont cure. S'il est des sots pour écouter encore leurs chansons, alors pourquoi pas un Juppé qui saura bien assurer la survie de ce système qui les nourrit tous... Et il s'en trouve, et même "à gauche", nous dit-on.
Mais comme dans le conte, la réalité finit toujours par sa manifester. La campagne terminée, les évènements viennent, à l'instar du petit enfant, nous singifier que l'empereur est nu. En guise de porteur de renouveau et d'énergie, Sarkozy n'était guère qu'un esprit vulgaire tout entier attaché à la promotion de ses intérêts de sa caste. Hollande est redevenu, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ce qu'il n'a jamais cessé d'être, un médiocre politicien de province ayant atteint rue de Solférino son seuil d'incompétence.
Regardons donc Juppé les yeux décillés des balivernes médiatiques. Que voit-on ? L'homme, tout d'abord, est terriblement vieux. Je ne parle point ici des contingences de l'état civil. Sanders et Corbyn, par le renouveau des pratiques et des idées qu'ils incarnent sont jeunes. Les "millenials" britanniques et américains ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Rien de tel avec un Juppé, vieille doctrine et vieilles méthodes.
Il est effroyablement conservateur ensuite, non pas noblement, intelligemment, par opposition à une modernité frelatée, mais au sens le plus étroit et désséchant du terme. Faut-il que le social-démocratie dévoyée soit révoltante, pour que pareil incarnation du néo-libéralisme le plus obtus puisse, sans susciter l'hilarité générale, être désignée à l'admiration de la gauche.
Est-il au moins utile au débat démocratique, l'empereur Juppé ? Même pas, et c'est plutôt le contraire. De gauche ou de droite, nous devrions tous avoir pour ce triste fossoyeur du gaullisme, digne égal d'un Balladur, le mépris qu'on éprouve pour les dilapideurs et destructeurs d'héritage. N'être pas de droite est-il une raison légitime pour applaudir à l'UDFIsation générale de ce camp, grand oeuvre des sus-nommés depuis les années 90 ? Dégouûtés du gloubi-boulga euro-libéral à la sauce Hollande, devons-nous vraiment le goûter à la sauce Juppé ?
L'homme, au moins, est-il particulièrement respectable ? Passons-donc sur l'argument par trop facile du passif judiciaire. L'a-t-on entendu une seule fois s'opposer au dérives de certains de son camp lorsque cela s'avérait moralement nécessaire ? A-t-il jamais eu le courage intellectuel de bousculer les certitudes des siens, à l'instar d'un Chevènement rappelant la gauche à sa tradition patriotique ? Je n'en ai pas le souvenir.
J'entends bien à quel point que la forfaiture d'un Hollande a pu bousculer les repères politiques. Est-ce une raison pour adopter en guise de moindre mal l'idôle des vieux conservateurs friqués ?
Soyons clairs. Persistez-vous, vous disant de gauche à envisager Juppé ? Adoptez-vous peu ou prou à ses idées ? Il en est du conservatisme comme de l'homosexualité, on peut très bien le refouler... Agissez-vous par pur esprit tactique, cherchant la droite la moins nocive, assurés que vous croyez être de sa victoire ? Résignation, conformisme, incpacité à penser d'autre issue que celle qu'on nous rabâche comme inéluctable, faiblesse d'âme poussant dans les bras de l'adversaire au premier coup de tabac... Le tableau est pire encore.
N'en déplaise au tailleur médiatique d'habits neufs, Juppé restera toujours l'homme du plan du même nom, contre lequel toute la gauche de coeur mena en son temps une bataille mémorable. L'empereur est nu, qu'on se le dise, et le plus tôt sera le mieux.
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