Les idiophones

L’autre nuit, avec Paulette, on a joué à l’agneau pascal. Elle aime bien être soumise Paulette, mais pas par tout le monde. A la fin de l’envoi, nous sommes tombés d’accord pour dire qu’à force d’obéissance, nous l’aurions dans l’os tant les sacrifices qu’on demandait aux plus modestes étaient plus importants qu’aux nantis. En comparaison, la traversée de la Mer Rouge, ou celle du pont de l’Ile de Ré seraient de douces promenades, comme dirait Lionel Jospin.
L’air est malsain. Même le non spécialiste sent que quelque chose de nouveau se met en place. Le monde de la finance et celui du patronat font pattes de velours, les normes changent de camp, Hollande sacrifie Ayrault à la place de son fils et sa parole à ses actes. L’histoire se contorsionne.
Mais elle se répète, aussi. C’est le lot dévolu à la social-démocratie que de prouver qu’elle sait gérer et qu’il faut trahir pour préserver l’ordre établi. C’est la tradition : il faut toujours qu’elle oublie ce pourquoi elle a été élue et finisse par se dévouer à sauver la France mieux que la droite des misères du temps. Sinon, ce serait louche sous la Vème République.
Mais notre gouvernement est responsable. Il s’est dit qu’il fallait y mettre les formes, qu’il convenait d’en épargner certains. Alors, il décida d’envoyer des messagers marquer d’une croix de sang les portes de ceux qui le seraient. Il ne fallait plus de normes et faire oublier les promesses.
Une croix sur la porte du droit de vote aux étrangers, une autre sur celle de la modification des modes de scrutin aux élections législatives et cantonales. L’introduction de la proportionnelle allait au diable.
Une croix sur les allocations familiales qui seraient fortement baissées, sauf pour quelques-uns.
Une croix sur la porte de l’égalité des droits pour tous et toutes.
Sur la porte des professions libérales (médecins, avocats…), des acteurs rémunérés au cachet, un croix de sang aussi : ils ne seront pas touchés par la taxe à 75%.
Avec quelques efforts, les dirigeants des grands clubs de foot obtiendront que leur porte soit aussi marquée au sang, car régler cette taxe, hurlent-ils, serait les « étrangler ». Mettons-nous à leur place : il leur faut bien payer les salaires mirobolants des joueurs et de l’encadrement.
Les grandes entreprises soumises à la « taxe 75% » remaniée sauront aussi se dépatouiller du mauvais sort : elles payeront ce que Hollande leur demandera. Mais elles auront dans la « boîte à outils » de Monsieur Bricolage un sacré joker pour se rattraper : il leur suffira de dire que les temps sont durs pour leur économie et qu’en conséquence, pour préserver la compétitivité après ces ponctions, il faudra que les salariés voient leur bulletin de salaire amputé pendant deux ans. Merci l’accord compétitivité.
Évidemment, des parlementaires ne seront pas d’accord. C’est pourquoi le recours aux ordonnances s’accélèrera. Plus d’amendements possibles. Ce sera le bonheur pour l’Élysée.
Le peuple français sera moins nerveux, ses représentants aussi, puisqu’ils seront écartés le plus possible des prises de décisions. Prenez les retraites, par exemple : la simplification sera évidente : un coup de simili-négociation entre « partenaires sociaux » et sera adoptée une nouvelle « réforme » sans coup férir.
Nous ne le savions pas, nous éprouvions depuis des mois le « choc de simplification ». Simplement, il prend de l’ampleur et fera sauter les « contraintes qui pèsent sur les entreprises » et sur l’Etat.
Les Français, grâce à ce gouvernement, seront allégés. C’est la raison par laquelle il y aura « moins d’État », moins de règles sociales et moins de lois contraignantes pour l’économie.
« Tu crois que les Français seront bons joueurs longtemps ? » demanda Paulette.
Après ces constats, j’étais fatigué. Je lui ai répondu que peut-être, que ça dépendrait de leur patience envers ceux qui les avaient rangés depuis le printemps dernier dans la catégorie des idiophones, comme les cloches.
Léon
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