Les ignorants parlent aux ignares. Madame le ministre, jetez ce livre !
"Nathanaël, jette mon livre ; ne t'y satisfais point."
A.Gide, Les Nourritures terrestres (1897)
Mwa, le franssai, je l'kiffe grâv !
(Anonyme)
« Vous fîtes ce que vous pûtes et vous m'épatâtes. »
A. Allais
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Et voilà que la nouvelle édition de Mon cahier de Français est présentée comme "plébiscitée par les enseignants". Au secours ! Français ! L'heure est grave !
C'est qu'il s'agit en effet, comme le rapporte le quotidien Le Figaro, d'un livret destiné aux élèves de classe de quatrième publié au mois d'avril 2015 par les éditions Magnard et dans lequel le verbe "voir" (peu importe son groupe d'appartenance, la question est dépassée, au point où nous en sommes) est conjugué au passé simple de la façon suivante : "Je vus, tu vus, il (elle) vu, nous vûmes, vous vûtes (vous noterez l'accent circonflexe), ils (elles) vurent".
Le terme "acclamation" serait plus approprié que celui de plébiscite.
"Il y a des professeurs qui sont là pour corriger", explique la direction des relations scolaires des éditions Magnard qui n'ont pas jugé utile de retirer l'ouvrage de la circulation.
Vu le sympathique effondrement du niveau d'orthographe à l'échelle nationale et dans le corps enseignant (fautes de grammaire et de syntaxe, pauvreté du vocabulaire) - il n'est qu'à écouter l'élocution hasardeuse à la radio comme à la télévision, sans compter l'orthographe massacrée dans les journaux -, on a du mal à imaginer de quelle façon les ignorants pourront corriger les ignares.
"Cé pa importan, dira-t-on, passque de toute lé fasson les zélaives on les smartefones avek les corécteur d'ortograf pour vérifiait."
"Je nik la grammer, la litérature et l'histoir et la kultture qui de tout maniyère né pas cel de mon péyi."
Considérons la vitesse à laquelle se répandent des usages tels que la phrase "interro-affirmative-négative" : "Bonjour ! Vous n'avez pas telle ou telle chose ?" (en s'adressant au vendeur dans un magasin, ou à la boulangerie, par exemple.
Considérons l'usage des "au final", pour tenter de conclure une phrase, sans compter la formule cardinale nationalement usitée, désormais, qui consiste à répéter le sujet en usant d'un pronom personnel avec des phrases telles que : "Le conducteur il conduit vite. La dame elle est contente. L'éditeur il publie n'importe quoi. L'éducation nationale elle ne remplit plus son rôle".
Et moi qui ai conservé un souvenir lumineux, un souvenir ému de mes instituteurs qui parlaient et écrivaient une langue française ciselée à la perfection ! L'usage de la concordance des temps est aujourd'hui presque révolu.
On se reportera avec profit à la consultation de quelques manuels éprouvés tels que ceux écrits par Maurice Grevisse (Le Bon Usage, 1936), Odette et Édouard Bled (Cours d'orthographe, Hachette, 1946), sans oublier le Bescherelle dont on trouvera ici une déclinaison assez drôle et bien dans l'air du temps (http://bescherelletamere.fr)
Qu'en pense Madame Najatte Wallo Belkasème ? A mon avis, rien.
Madame le ministre, tout ceci est désastreux, à l'image de tous ceux qui vous entourent, dans leur être, leurs comportements, leurs actions et inactions.
Comment se fait-il qu'un pareil manquement dans les services qui relèvent de votre autorité puisse conduire à diffuser un livre éducatif aussi scandaleusement imparfait ?
Mesurez-vous vraiment l'importance du ministère qui vous a été confié ?
Ne voyez-vous pas que c'est toute la jeunesse du pays qui marche à grands pas vers une France d'illettrés et d'analphabètes ?
Il va falloir accomplir un très sérieux effort, me semble-t-il, pour atteindre cet objectif de bâtir " une École, un enseignement et une recherche capables de répondre aux défis du présent et d’anticiper ceux de demain."
http://www.education.gouv.fr/cid93643/projet-de-loi-de-finances-2016.html
Méditez-, voulez-vous, cet envoi qu'André Gide adresse à son disciple Nathanaël dans ces Nourritures terrestres dont je vous recommande la lecture ou la relecture (qui sait ?)
""Nathanaël, jette mon livre ; ne t'y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que tout, aie honte de cela."
Oui, Madame le ministre, jetez ce livre indigne de l'Instruction publique. L'Education nationale l'exige.
http://www.lefigaro.fr/livres/2015/10/15/03005-20151015ARTFIG00151-je-vus-tu-vus-la-conjugaison-martyrisee-dans-un-manuel-scolaire.php
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