Les Madoff de la charité

Bon, donc, on a affaire à une simple affaire de détournement d’argent manifeste, se dit-on, ce que tous les médias vont vous dire. Fidèle à mon habitude, celle de tenter de regarder autrement les faits, je suis tombé sur autre chose en plus, que Pujadas ou Ferrari ne vont pas vous expliquer je suppose (je viens juste de vérifier leur journal respectif, ça reste superficiel comme à leur habitude, à part ce soir TF1 qui a trouvé une représentante avec un argument canon, qui dit sans sourciller qu’elle ramasse et ne reverse que 30%, mais que "c’est ça ou ne rien ramasser du tout" !). Où passent les 70% restants, mystère et boule de gomme ! Derrière ces associations, se cache en fait aussi de l’idéologie, et pas seulement qu’un tiroir caisse. Et ce que j’ai découvert, n’est pas fait pour davantage rassurer. En plus de l’argent détourné, il y a aussi les esprits. Ici, vous le savez, je me suis fait un peu le chantre de cette dénonciation de la montée d’un fascisme évident, qui, on le sait, en période de crise tient un terreau fertile : tous les jours on en a les preuves, et c’est bien pour ça que je vous conjure de rester vigilant. Et ce soir encore, bingo : sous le couvert de ces associations bidons, non seulement l’argent circule, mais aussi les idées. Et ces idées, pour tout dire, sentent mauvais. Fort mauvais même.
La première idée qui vient à l’esprit question escroquerie, c’est de se dire s’ils veulent de l’argent, va falloir qu’ils touchent les gens : d’abord avec une image phare, attirante, et ensuite avec un marketing costaud : du bourre-boîtes aux lettres, quoi. Dans le Nord, terre d’accueil, de travail et de marketing direct La Redoute, Quelle ou 3 Suisses, on a l’habitude. A la place de la croix Vitafor ou de la chaîne hifi microscopique (sur la photo elle paraît normale, quand vous la recevez elle tient dans votre main) ou la classique "félicitations Mme Dubouchon, vous venez d’être tirée au sort pour gagner une voiture" (en tout petit c’est marqué qu’il y a tellement de conditions à remplir que la voiture promise doit bien avoir dix ans maintenant, vu que personne ne la gagne vraiment), on aura donc, allez, tiens…. Mère Teresa. C’est bon, ça coco, pour attirer le porte-monnaie. Exactement : c’est porteur, ça, de sens... commercial, Mère Teresa.
Un site internet vite fait, ou plutôt quelques pages faites avec les moyens du bord (FrontPage à tout casser !) avec un flou total sur comment est géré l’argent collecté… et derrière une énorme machine de guerre : une armada de secrétaires pour remplir les adresses, ou plutôt les vérifier, un logiciel se chargeant de les récupérer automatiquement en puisant… eh bien là où il y en a, mon bon monsieur. Ne cherchez pas, on ne vous dira jamais d’où ça vient exactement : des factures d’EDF ? Des mairies ? Des diocèses ou des archevêchés ? Ou des abonnés de l’hebdomadaire "Prions en Église", du groupe Bayard, dont la liste d’abonnés a été manifestement détournée ? Là n’est pas le problème ? Pour "MèreTérésa France" ("l’Association mère Teresa pour les enfants" ou AMTE, exactement), c’est une seule secrétaire qui s’en charge, de la collecte… de l’argent.
Mais le démarchage et les relances (plusieurs par mois) c’est bien une société de marketing direct installée à Villeneuve d’Ascq, dans la banlieue lilloise, qui s’en charge. Saturn Corporation France, qui s’occuperait de 13 des 17 associations citées, dirigée par Raouf Gueroui. On trouve assez facilement ses interviews, où il vante à tout va son logiciel phare, sorti de chez Experian Scorex, une firme monégasque qui fait dans… l’intelligence économique, que j’ai tendance à appeler ici "barbouserie", vous le savez. Une firme bien connue des posteurs harceleurs d’Agoravox, d’ailleurs. Une société autoproclamée "leader mondial dans le domaine des solutions d’aide à la décision", qui semble assez éloignée du but humanitaire si on en croit leur dépliant : "les solutions globales d’aide à la décision utilisées tout au long de la relation client permettent aux entreprises d’augmenter leur revenu, de gérer et de contrôler le risque dans le domaine du crédit et les cas de fraude, de réduire les coûts opérationnels et ainsi augmenter le profit de façon générale". C’est donc bien le profit qui est avant tout visé… car sur le site de MèreTeresa, on cherche vainement des exemples concrets de réalisation, à part celui d’un vague puits à Bangalore qui n’a pas dû nécessiter trois milliards d’euros. Très, très loin de la petite larme versée à la lecture de la page d’accueil du site qui annonce : "Pour poursuivre l’œuvre de sauvetage des enfants pauvres et mourants du monde entier, initiée par Mère Teresa, notre association dépend entièrement des dons de personnes charitables et compatissantes comme vous. C’est un véritable honneur que de marcher sur les pas d’une personne aussi aimante et compatissante que Mère Teresa, cependant, nous ne pouvons pas continuer sans le soutien de ceux qui partagent notre espoir et notre objectif." On en pleurerait en effet. Mais revenons sur terre.
On a bien la photo du fondateur devant une camionnette de distribution de nourriture, mais on reste… sur notre faim sans mauvais jeu de mots. Aucun compte d’association n’est divulgué, et on a même en page "questions" (FAQ) un intrigant "il peut y avoir diverses raisons qui justifient la quantité de courrier reçu par chaque personne. Si vous recevez beaucoup de courrier de notre part, cela indique probablement que vous préférez cette méthode pour faire parvenir vos dons aux œuvres auxquelles vous croyez et que vous soutenez. Dans la mesure où les besoins des enfants vont en augmentant, nous n’avons pas d’autre recours que de faire appel à des personnes telles que vous, qui ont démontré leur implication. Vous recevez certainement beaucoup de courrier de notre part parce que nous croyons en vous et en votre engagement pour la cause des enfants qui souffrent et leurs familles." En résumé, on vous harcèle, car on a réussi une fois à vous harponner, mais faut pas trop vous en offusquer ! Même si pour ce faire on est allé puiser par on ne sait quel moyen ou quel logiciel dans un fichier d’abonnés, ce que la loi réprouve également ! Un harcèlement derrière lequel se cache en fait le responsable de l’AMTE pour l’Europe, Robert Garabo, ancien PDG de l’agence italienne de Foote, Cone and Belding (FCB), le spécialiste américain de la levée de fonds ("fund raising"). Du genre "alimenter une start-up en devenir"… et se tirer avec la caisse, pour son créateur, une fois le décollage effectué…. (ça c’est moi qui le rajoute en effet).
Bon vous allez me dire, vous êtes méchant, là, car effectivement cette association n’a rien à voir avec Mère Térésa…. certes, puisqu’elle le dit elle-même. Mais son fondateur est disons fort adroit : n’a-t-il pas réussi à se faire prendre en photo à côté du pape, grâce à la complicité de son "sponsor local", le Cardinal et Archevêque Telesphore P. Card Toppo, de Ranchi ? Un pape que l’on voit en train d’admirer avec lui un tableau de… Mère Térésa ? Imaginez que la justice française décide d’attaquer Sajan George Kavinkalath, le fondateur de l’association : va-t-elle aller jusqu’à inculper le Saint Père pour complicité ? On peut fortement en douter, et se dire que c’est bien joué, Callaghan, le coup de la photo avec Benoît XVI ! Nickel ! Ça, c’est pour l’argent, donc. Mais il y a autre chose encore, tout aussi grave.
Le reste, je l’ai trouvé au sein de l’association Doctors With A Mission, qui nous le met au premier plan, ce bon docteur Dupont, ou plutôt dans une association où il apparaît aussi bizarrement, Doctors For Life International, (c’est un abonné au rôle du bon docteur ?) qui est dirigée par un tout autre individu : le docteur Albertus van Eeden, un nom qui sent bon la Hollande, à vrai dire. Ou plus exactement un nom qui nous en rappelle d’autres : ceux de ses fameux afrikaners, ces hollandais venus s’installer en Afrique du Sud pour y installer l’apartheid. Celui qui a vu Mandela végéter en prison 26 années. Un régime essentiellement raciste, un régime d’exclusion un régime parmi les pires qui ont pu exister au XX ème siècle. Un régime reposant aussi sur des dogmes simples, celui de la religion,("une mission" lit-on dans le site !) et celui orienté également, par le fondamentalisme religieux, sur les théories "pro-life", celles des mouvements anti-avortements violents (appelé ici "The sanctity of life from conception till death") comme celui qui aux Etats-Unis, a assassiné en pleine église un docteur pratiquant les avortements. Des mouvements réactionnaires au possible, qui n’hésitent pas à des comparaisons douteuses, la pire étant celle des avortements mis en parallèle avec les chambres à gaz. Quand on lit ça, on se dit qu’ils sont fous, que c’est inacceptable, et que ça n’a aucun sens, et pourtant, ils l’écrivent noir sur blanc et s’en vantent ouvertement. On était parti bêtement pour apporter son obole à un mouvement humanitaire, on se retrouve chez des extrémistes anti-avortement, l’air de rien, embarqués par eux dans une "bonne foi" qui est le propre, j’espère au moins, de l’espèce humaine. Hélas, pourrait-on dire, hélas.
Notre bon docteur van Eeden se retrouve en effet lié à un mouvement anti-avortement, dont on sait les liens avec l’extrême droite : chez nous, en France, notre docteur Xavier Dor, cet illuminé notoire, fait de même, à cheval entre ses convictions religieuses strictes et un mode de pensée qui, sous couvert de respecter la vie, fabrique des horreurs journalières ne serait-ce que les naissances à la suite de viols, par exemple, que son association veut à tout prix sauvegarder (ce n’est qu’une partie de l’iceberg, que je ne peux étudier en détail ce soir, désolé). Xavier Dor, le gendre du collaborateur Jacques de Bernonville, d’Action Française, ayant participé au coup d’état fomenté par la Cagoule, un membre de la Milice, engagé plus tard dans les Waffen SS, et le chef des commandos anti-IVG qui dévastent régulièrement des hôpitaux depuis des années. Une histoire de famille qui se continue, visiblement, chez lui.
Pour le vérifier, j’ai simplement tapé le nom de ce docteur van Eeden dans Google : ça n’a rien de sorcier. Au bout de trois ou quatre références, je suis tombé sur une de ces plaintes au niveau juridique : celle où il accuse le gouvernement d’imposer trop vite un texte de loi sur… l’avortement . Notre homme est un procédurier, qui mettra tout en œuvre pour bloquer les institutions de son pays si ça ne lui plaît pas, si ça ne va pas dans son seul sens. Exactement comme l’avait fait De Bernonville qui a su faire traîner les procédures quand il était réfugié au Canada, puis au Brésil. Au bout de trois minutes à peine de recherche, je suis tombé ensuite sur le site pro-life d’un couple de médecins hollandais et de ce "fameux" voyage honteux à Auschwitz, où apparaissait aussi le nom de notre docteur pro-life. Notre bon docteur van Eeden, donc, se retrouve comme membre actif de "Cry For Life of Holland", une association dont les textes font frémir. Dirigée par le Dr. Bert Dorenbos et sa femme, l’association proposait en effet cette année à ses adhérents, un voyage à Auschwitz, à ses membres… pour bien montrer aux autres que pour eux, fours crématoires et avortements, c’est pareil. Honteux, évidemment, comme démarche de pensée, honteux, tout simplement : de l’escroquerie intellectuelle et de la désinformation pure et simple. De la manipulation d’opinion, digne des prêches évangélistes les plus virulents !
Mais ces clones de Geert Wilders ne s’arrêtent pas en si bon chemin de leur croisade religieuse : dans leur brochure, ils s’en prennent ouvertement à la religion musulmane, tiens, comme par hasard, qui, selon eux, provoquerait la mort d’une fille enceinte hors mariage, selon le principe du meurtre d’honneur moult fois dénoncé. Le plan éculé du crime d’honneur qui est encore celui des familles siciliennes catholiques, dont ils oublient évidemment l’existence. Car ce n’est qu’un prétexte à leur xénophobie existentielle, en fait : leur position n’est que façade, la même qui, en Afrique provoque des ravages, par interdiction de l’avortement au prétexte religieux. On connaît le problème de la capote, que ce pape rétrograde comme son prédécesseur interdit aujourd’hui encore. On sait que c’est une aberration… et pire un crime, connaissant le rôle du condom dans le frein à la propagation du virus du Sida. Non, ça ne leur suffit pas encore, à ces illuminés : il faut qu’ils condamnent encore l’usage du préservatif (pas un mot dans le site !), et nous serinent à nouveau l’usage de la chasteté…en faisant un couplet anti-avortement au passage (c’est dans leur page "formation") alors que leurs prêtres, qui y sont astreints, dérivent régulièrement sur le sujet : ils sortent régulièrement non couverts, et ça ne pose pas problème, à part peut-être pour un pape dépassé, qui préfère aujourd’hui reconnaître les enfants de ses évêques et ruiner sa congrégation en payant des compensations pour fornication sous chasuble, plutôt que d’avoir à affronter des procès.
Non, ça ne va pas, là : sous couvert d’une des associations humanitaires désireuse d’aider l’Afrique, on a un groupe d’individu qui continue à répandre le Sida par prétexte religieux : en résumé, on donne de l’argent en croyant bien faire à des fossoyeurs ! On croit aider les Africains, on aide et on enrichit ceux qui les conduisent à la mort ! Il n’y a donc pas dans cette découverte qu’un simple détournement de fonds, qui porte sur des millions d’euros : il y aussi un problème de détournement des consciences, dont on aimerait que vos vaillants médias nous parlent davantage. La liste est là, qu’on nous en montre toutes les arcanes, qu’on nous décrive combien certains peuvent sans remords jouer avec la fibre partageuse qui existe chez tout individu sociable. Au profit de personnes dont l’idéologie est l’antithèse de l’entraide véritable. On paye les prédicateurs évangélistes anti-avortement américains en pensant aider l’Afrique et l’en sortir du Sida : c’est le monde à l’envers là ! On nourrit sans s’en rendre compte des profiteurs du malheur, en argent et en pensée, n’ayons pas peur des mots. Des Madoff de la Charité ! A espérer maintenant que l’enquête lancée par la justice française pour "escroquerie" et "abus de confiance" va aboutir sur des résultats concrets. On peut l’espérer, tant le coup de semonce a été tiré fort, semble-t-il.
Les associations dans le collimateur :
Association Mère Teresa pour les enfants (AMTE)
Association pour la recherche sur le diabète (ARD)
Association pour la recherche sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge (ARDMLA)
Association internationale pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer (Airma)
Ligue européenne contre la maladie d’Alzheimer (Lecma)
Mission d’aide mondiale (MAM)
Mission médicale internationale (MMI)
Cancer et résilience (CER)
Fonds de recherche et de soutien pour le cancer du sein (FRSCS)
Doctors with a Mission (Dwam)
Opération sauvetage enfants (OSE)
Agir pour les enfants du monde (AEM)
Village du monde pour enfants (VMPE)
Pain et eau pour l’Afrique (PEA)
Nourriture du monde (NDM)
Hopegivers France (Lumière d’espoir)
World Assistance (WA)
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