Les mâles et leurs maîtresses

À notre époque où nous dépistons avec une telle aisance le sexisme derrière les mots, il est surprenant de constater que certains d’être eux résistent à toute sensibilisation. Si la féminisation gagne du terrain et que nous parlons couramment de policières, d’écrivaine, de bouchère, de mairesse ou de conseillère, il nous arrive d’être confrontés à des impasses, lorsque nous cherchons par exemple une équivalence à « homme public » pour désigner nos politiciennes. On comprendra ce que l’expression « femme publique » recèle d’ambiguïté.
Certains archaïsmes perdurent par ailleurs sans que personne ne songe à les enrayer. Si le fait de désigner une femme du nom de « femelle » aura vite fait de déclencher une indignation spontanée, nous trouvons tout à fait normal, à notre époque, d’attribuer aux hommes le vocable de « mâles », sans que personne ne s’en offusque. Dans la même optique, nous jugeons tout aussi pertinent de parler de « maîtresse » pour désigner une amante, légitime ou adultère. Si une femme vantait avec passion les mérites de son « maître », nous aurions vite fait de voir en elle la victime d’un patriarcat oppresseur et décadent.
Force est de constater qu’à l’époque d’internet et de l’énergie éolienne, nous n’avons pas réussi à dépasser un stade pour le moins animalier, dans le choix de nos mots, pour définir les rapports entre les sexes. La maîtresse peut en toute quiétude promener son beau mâle dans notre charmante province. Le Québec est exemplaire, paraît-il, dans la lutte aux stéréotypes.
Les métaphores douteuses ne s’arrêtent pas là. Qui n’a jamais entendu une femme ayant renoué avec une ancienne flamme confier qu’elle l’a « repris ». On imagine presque madame allant chercher son mâle chez le vétérinaire, après son toilettage du printemps. Dans un tel cas de figure, l’expression « reprendre le collier » pourrait revêtir, pour la gent masculine, un sens aussi inusité qu’impromptu.
Nos voisins du Sud peinent aussi à percevoir les hommes comme des personnes. Il y a quelques années, une psychologue américaine publiait un bouquin sur la psychologie masculine où elle décrétait que si, comme chacun sait, les hommes laissent traîner leurs bas et sous-vêtements usagés à travers le salon ou tout autre espace communautaire, c’est à seule fin de marquer leur territoire et d’éloigner tout mâle rival susceptible de convoiter leur femme ou leur maîtresse.
Nul ne sait si cette « spécialiste » a écrit son livre sous l’influence de psychotropes légaux ou illicites, ni si elle a suivi depuis une thérapie, qu’importe la nature. Nous ne pouvons que fortement lui recommander cette dernière avenue.
Alors que l’homme whippet semble une piètre alternative aux hommes roses, métrosexuels ou autres übersexuels, surgis de l’imaginaire survolté de grandes prêtresses d’un jour, une évolution du langage respectant la personne masculine devient plus que jamais une perspective digne d’intérêt.
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