Bonjour bourre-pif, bonjour l’auteur.
Désolé, je n’ai pas regardé les vidéos. Juste
la flemme aujourd’hui, c’est Noël... Demain peut-être. Je suis psy,
travaille en hôpital, notamment dans le domaine de la
neuropsychologie. Mais pas seulement.
Je voudrais juste faire quelques
remarques.
La psychologie en tant que science
regroupe plusieurs disciplines distinctes obéissant à des
protocoles de recherche scientifique expérimentale
(hypothèse-expériences-résultats-épreuve d’hypothèse). La
psychologie développementale est plus particulièrement consacrée à
l’enfant et étudie (« mesure ») des phénomènes comme
l’attachement et la soumission à l’autorité. Tout est possible,
donc.
La psychologie sociale, la psychologie
cognitive ou la psychologie de l’apprentissage sont d’excellents
exemples de disciplines démontrant qu’on peut faire de la
psychologie scientifique ans passer par le cerveau. Néanmoins, et
notamment parce que c’est aussi mon domaine, je peux attester des
énormes progrès réalisés en la matière au cours des deux
dernières décennies, surtout en raison des progrès réalisés au
niveau des techniques d’imagerie dynamique de l’activité cérébrale
(en particulier le PET Scan, qui permet de visualiser les circuits
impliqués dans certains traitements de la pensée). La fusion de la
psychologie et des neurosciences est en train de se faire, mais il
n’est nul besoin d’attendre son accomplissement pour aborder le sujet
de l’éducation.
Pour revenir à l’objet de l’article,
je voudrais seulement me cantonner aux observations suivantes. Un
système éducatif efficace doit s’efforcer de respecter l’enfant et
lui donner un rôle dans le processus d’apprentissage qui lui est
imposé. Une stratégie qui consiste uniquement à dresser l’enfant
aux règles et aux normes, par la coercition, confronte ce dernier à
une alternative simple : se soumettre ou se rebeller. La soumission
ouvre la voie au conformisme et au suivisme ; les adultes tendent à
trouver leur place dans la société, mais rarement l’épanouissement
personnel car bridé par la menace de règles confuses et obscures,
auxquelles il « faut » obéir. La rébellion ouvre quant
à elle les voies aux excès, et même s’il s’agit généralement
d’une phase transitoire, elle peut suffire à faire chuter ou
marginaliser durablement une personnalité, à la cristalliser dans
une attitude de guérilla sans fin et sans but. Pour paraphraser un
aphorisme dont j’ai oublié l’auteur : « il est facile de savoir
comment votent les français : une moitié vote comme son père,
l’autre moitié vote contre son père ».
Un jeune enfant attend trois choses au
moins de ses parents, trois choses vitales. Une protection, une
légitimité et un décodage des événements extérieurs.
Pour ce
qui est de la protection, ses parents doivent être forts, savoir ce
qu’ils veulent. Si les parents se laissent marcher sur la tête,
s’ils sont incapables de mettre au pas leur propre progéniture, il y a peu de chance
qu’ils puissent résister aux menaces autrement plus dangereuses en
provenance de l’extérieur. D’où les provocations répétées des enfants qui testent leurs limites. C’est aussi une manière de se rassurer sur leur dispositif de protection. Un protecteur fort est nettement plus
sécurisant qu’un protecteur faible.
Mais c’est surtout la légitimité qui est vitale. Si
nos parents ne nous aiment pas, si ils ne sont pas près à nous
traiter avec bienveillance, qui le fera à leur place, et quelle est
notre place dans tout ceci ? Les blessures créées par les carences
affectives constituent 90% de la consultation psy. Les patients
doutent de leur place : on ne les a pas rassuré au bon moment, Ils se sont sentis contraints de se révolter contre la main qui les protégeait et les
nourrissait. C’est un point crucial, un enfant doit avoir sa place,
ça fonde sa légitimité en ce bas monde. « Pardonnes moi si
je t’ai donné l’impression que tu devais mériter mon affection »
disait fort justement le papa de Chicken Little. Mais comme dit plus
haut, ça n’exonère pas de la discipline.
Pour ce qui est du
décodage des événements extérieurs, le rôle des adultes est
incontournable. A six ans, on sera cosmonaute. A onze ans
footballeur. A seize, informaticien. A vint et un … Les adultes
expliquent le monde aux enfants. De leur assurance, de leur cohérence, de l’ajustement
de leur attitudes à leurs dires, dépendra beaucoup la confiance du
jeune adulte en son futur, en lui même. S’il voit ses parents
surmonter les difficultés de la vie et maintenir le cap, il saura
que c’est possible, et l’intégrera à sa vision du monde. Encore
faut-il, évidemment, que ses parents soient présents. Et qu’ils
soient adultes.
On respectera toujours un parent aimant
et juste, même s’il est sévère ou colérique. On méprisera toujours un peu un
parent doux mais faible et inconsistant. On aura toujours la
nostalgie d’un parent absent. De la nostalgie et du ressentiment, de la colère. Et
on obtiendra toujours plus de quelqu’un en le traitant avec respect,
pour ce qu’il est, et non pour ce qu’on voudrait qu’il soit.
Particulièrement un enfant, qui dépend des adultes, qui ne saurait s’en passer et a besoin de
leur faire confiance.