Les mauvais coups de l’hydroxychloroquine
Les mauvais coups de l’hydroxychloroquine.
Un virus apparaît en Chine et s’y développe. Il arrive en France librement (pas de contrôles dans les aéroports ou ailleurs), et s’y développe d’autant plus qu’entre autres, il n’a pas de masques, pas de tests.
Un enseignant-chercheur et son équipe (mondialement connus et reconnus) administrent deux produits (en fonction de leurs connaissances et celles de leurs homologues étrangers, eux aussi de réputation mondiale) aux malades atteints du virus « covid 19 » qui se présentent à eux. Ils annoncent que les résultats leur paraissent prometteurs.
I.
Alors, que se passa-t-il ?
1/ une campagne de dénigrement fut lancée contre les universitaires et surtout contre les substances qu’ils utilisaient : - la substance peut être dangereuse (1) pour les uns si elle ne l’est pas pour les autres ; - le Pr Raoult ne ferait pas un travail de médecin consistant banalement à soigner, mais il se serait livré à une expérimentation ( ?) qui ne répond pas aux procédures et protocoles de mise sur le marché des médicaments ; - quant aux guérisons observées sur les malades ayant absorbé les produits, rien n’indique qu’elles ne sont pas dues au simple jeu des lois naturelles ou (ce qui revient un peu au même) aux hasards des interventions du Saint-Esprit.
2/ un décret fut signé le 25 mars 2020 (2) qui interdit aux médecins de ville de prescrire des substances (l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir) à des patients atteints du « covid 19 » qui viendraient à se présenter à eux. Mais laissa les médecins hospitaliers prescrire librement ces mêmes médicaments.
Comme les patients ne peuvent, dans les faits, être accueillis à l’hôpital que s’ils sont assez gravement atteints, et comme les médicaments en question ne sont plus efficaces à un tel stade d’évolution de la maladie, … le décret gèle la prescription.
En excluant les médecins hospitaliers du champ de l’interdiction, le décret est au moins emprunt de sagesse politique. Puisqu’il évite d’exposer aux rigueurs de la loi pénale les quelques médecins hospitaliers de renom mondial (au premier rang desquels le Pr Raoult) qui prescrivent les médicaments en question. Ce qui est, d’un autre point de vue, plus discret que le recours aux procédures de retrait ou de suspension de l’AMM (qui auraient elles aussi fait scandale si elles avaient été entreprises).
II.
Evidemment, il en va avec ce décret comme avec toute mesure : tout le monde n’apprécie pas de la même manière.
1/ L’industrie pharmaceutique est nécessairement satisfaite. Il en va en effet avec les médicaments comme avec les machines à laver ou les téléphones portables : ils ne doivent pas être utilisés trop longtemps (surtout s’ils ne sont pas chers) si l’on veut faire marcher le commerce.
2/ Les malades (qui aimeraient tenter un médicament avant qu’il ne soit trop tard) et les médecins de ville ne sont pas contents. Et peuvent avoir le sentiment que les auteurs du décret se sont, bien qu’habilement, quelque peu « moqués du monde » (exception faite des précédents).
III.
Reste à savoir si les auteurs du décret qui paralyse l’utilisation des substances en question, et qui ont en quelque sorte surfé sur la vague des dénigrements, ont été si habiles que ça.
A. C’est qu’il existe une loi (article L 5121-12-1 du code de la santé publique) (3) qui permet à tout médecin de prescrire une spécialité pharmaceutique non conforme à son autorisation de mise sur le marché à deux conditions :
1/ en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée autorisée
2/ le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
a) Or, pour le « covid 19 », il n’y a pas d’alternative médicamenteuse. Ce que les laboratoires qui travaillent à la préparation de la commercialisation future d’un vaccin ne peuvent contester. Ce que confirme l’absence de résultats des essais cliniques (vous avez dit : « essais cliniques » ?) du programme « Discovery ».
b) Or, tout médecin a le droit - droit conféré directement par le législateur - de prescrire en pareil cas de telles substances, s’il l’estime nécessaire. Pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
L’article en question semble jouer un mauvais tour au Premier ministre qui a signé le décret et aux ministres, spécialement à celui en charge de la santé, qui l’ont contresigné.
B. Et puis, l’article 12-2 du décret du 25 mars 2020 (2) autorise quelques médecins à prescrire « l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir ». (Et l’interdit à la grande majorité de la profession). Cela, sur le fondement d’une « dérogation » à l’article L 5121-8 du code de la santé publique. (Cet article du code de la santé publique organise la délivrance des autorisations de mise sur le marché, laquelle conditionne, par le jeu d’autres dispositions, l’utilisation - qui doit être conforme aux termes de l’AM - des médicaments).
Compte tenu des dispositions de l’article L 5121-12-1 du même code (3), il n’est pas nécessaire de déroger en quoi que ce soit à quoi que ce soit. Les médecins (TOUS les médecins) tiennent l’autorisation de prescrire une spécialité pharmaceutique non conforme à son AMM, directement de la loi elle-même. Comme il a été rappelé ci-dessus.
Et quand une dérogation à une loi intervient par décret, lorsque la loi ne prévoit pas qu’il puisse être dérogé à la loi par une simple mesure de nature réglementaire … .(4)
Si en procédant de la sorte, le gouvernement a voulu faire accroire qu’il disposerait d’une compétence pour donner un fondement à sa décision de geler l’utilisation des médicaments en question, l’article L 5121-12-1 lui fait probablement rater son coup … une deuxième fois.
Ce qui fait que les malades, au moins ceux qui peuvent lire parce qu’ils ne sont pas encore en réanimation, ont probablement quelques raisons supplémentaires de se demander si d’aventure, on ne les prendrait pas pour des sots.
Quant aux scientifiques qui acceptent de quitter leurs laboratoires pour les plateaux de télévision, on pourrait les interroger sur le point de savoir si l’hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir n'auraient pas d'aventure, à tout le moins sur les gouvernants du moment, de possibles effets secondaires non prévus dans les autorisations de mise sur le marché.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) Le laboratoire qui produisait le médicament à base de chloroquine, se trouvait dans des difficultés judiciaires à propos d’un autre médicament. Sur l’initiative du laboratoire, semble-t-il, le médicament à base de chloroquine fut classé, selon la procédure prévue, sur la liste des médicaments soumis à prescription médicale.
La question de la prescription par les médecins de ville ou les médecins hospitaliers de ce médicament, en vue soigner le « covid 19 », est évidemment une autre question.
(2) « Art. 12-2.- du décret n° 2020-314 du 25 mars 2020 : « Par dérogation à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile ».
(3) article L 5121-12-1 du code de la santé publique « I. … En l'absence de recommandation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu'en l'absence d'alternative médicamenteuse appropriée disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. / (...)
4) S’agissant des médicaments, la loi n° 2020 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covis 19, se borne à donner compétence au Premier Ministre pour ( art L 3131-15 « 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l'éradication de la catastrophe sanitaire ; … ». Disposition qui ne « couvre » pas la question de la prescription d’une spécialité.
Sur cette (autre) question de la « mise à la disposition » de médicaments appropriés (avant et après le 23 et le 25 mars) on notera (sans les commenter) :
a) la déclaration du ministre de la santé O. Veran devant les sénateurs, le 19 mars : extrait du Compte rendu analytique officiel du 19 mars 2020 (Sénat) « M. Olivier Véran, ministre. « - Sur la chloroquine, lorsque le professeur Didier Raoult m'a fait part de son projet de recherche clinique, j'ai fait en sorte qu'il obtienne en 24 heures le protocole afin de tester le médicament en bi-thérapie avec l'Azithromycine auprès de 24 malades. Après publication des résultats, il fallait avancer. Depuis trois jours, une étude multicentrique a été mise en route, qui sera rapide. Il y a deux jours, les industriels m'ont dit être en capacité de fournir 300 000 boîtes de médicaments et de produire un million par an. L'exportation de ces médicaments est impossible depuis deux semaines. Mais je ne veux pas en faire la promotion, car il faut en garantir la sécurité sanitaire et l'évidence sanitaire de son utilité pour les malades. Il ne faudrait pas que les Français se précipitent demain en pharmacie comme il y a un mois. Ce n'est pas un médicament anodin, il a des effets secondaires. Je serais irresponsable, comme ministre de la santé, de le promouvoir aujourd'hui. Croyez-moi, si on peut avoir une bonne nouvelle, on aura de quoi soigner les malades français ! … »
b) la réception le 24 avril 2020 par le ministère des armées de substances en provenance de l’étranger, permettant de fabriquer le médicament en question : « Dans le contexte de fortes tensions des approvisionnements de matières premières à usage pharmaceutique, le ministère des Armées a réalisé un achat de précaution, si jamais la chloroquine se révélait validée par les autorités de santé comme étant utile pour lutter contre le Covid-19 » (communiqué du ministère des armées à la presse).
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