56 quotidiens dont Le Monde et Libération publient le même jour un même éditorial sur le réchauffement de la planète. Inutile de s’interroger sur le bien fondé de cette déclaration ou sur son contenu. Mais cette coalition de plumes et cette unanimité idéologique ne peut que nous étonner venant de ceux-là même qui se déclarent si pointilleux sur la pluralité et l’indépendance de la presse.
Désormais nous saurons donc que 56 journaux sont connectés à un même réseau, partageant les mêmes intérêts et une identique vision du monde - fût-elle parfaite ! Un pouvoir énorme aussi bien pour dire que pour faire taire. Ce qui n’est pas rassurant pour les voix divergentes qui souhaiteraient aussi se faire entendre. Cette manière d’assommer l’opinion de façon massive en prenant prétexte d’un événement présenté comme consensuel n’est pas dépourvue d’une arrière pensée politique totalitaire dont la presse se fait de plus en plus l’instrument, achevant de la décrédibiliser. En France, Cohn-Bendit s’empare cette semaine à la fois du Nouvel Obs et du Monde Hebdo… Contre pouvoir ?
Ainsi, concernant le « réchauffement de la planète », il faudra se résoudre à une parole apostolique et universelle puisque la parole écologique - bonne en soi - est devenue le discours du salut. Or cette parole « prophétique » qui se fonde sur le futur est fondamentalement discutable puisque, même si l’on admet ce réchauffement, les causes comme les conséquences sont loin de faire l’unanimité des chercheurs.
Pourtant plus de discussion possible, consensus obligatoire, sinon vous êtes dénoncé comme « négationniste » !
Voila ce qui est terrifiant : Ce mot « négationnisme » qui, aujourd’hui, ne renvoie plus seulement à la négation de la réalité du génocide juif par les nazis (Je refuse ici le mot religieux d’ « holocauste » qui n’a d’autre assise historique que l’ancien testament et que chacun emploie désormais à tort) mais aussi qui marquent du signe de l’opprobre ceux qui, comme Allègre, remettent en question certaines données de la vulgate écologique.
Cette accusation de « négationnisme » désigne le Mal absolu, celui qui exclut de fait tout débat. D’un côté un passé pour lequel chaque historien peut fournir les preuves, de l’autre, un futur par définition « ouvert » mais qui doit rester interdit à l’analyse. D’un côté une vérité prouvée, de l’autre une hypothèse. Et la réalité d’un Mal insupportable hier devrait ainsi rejaillir mécaniquement sur celui qui aurait l’outrecuidance de penser librement l’avenir du monde. (Je refuse ici le mot « planète » qui nous enferme dans la domination du naturel et qui exclut l’humain.)
Pour user de raccourcis, celui qui nierait les chambres à gaz serait placé sur le même rang que celui qui douterait de l’apocalypse écologique… Il semblerait que dans les années 70 on mettait en garde contre une glaciation de la planète du fait de la pollution, aujourd’hui c’est l’inverse. On nous a constamment répété que novembre fut exceptionnellement chaud mais nous a-t-on dit qu’aux USA octobre fut l’un des plus froids depuis 100 ans. Tout ceci doit pouvoir être interrogé. Que l’écologie soit au cœur de la construction du futur, c’est une excellente chose à condition qu’elle soit soumise à des débats contradictoires (et non pas à ces « débats » que je lis régulièrement dans le Monde et qui consistent à prendre 5 ou 6 interlocuteurs dont les avis convergent tous sur un même choix !).
Nous en sommes loin. L’écologie ne se discute pas.
En politique le pire, c’est de désigner arbitrairement un « axe du Mal » comme l’avait fait en son temps Georges Bush.
Cet axe continue pourtant de nous gouverner ; il nous interdit de penser et nous embrigade dans le fantasme d’un ennemi commun qui nous rassemblerait. L‘axe du mal coagule la bien pensance décrétée d’en haut et les intérêts bien compris…
Tiens, Mac Do s’est mis au vert comme l’ensemble du tam tam publicitaire… Ca n’a rien à voir ? En êtes-vous sûr ? Une page du Monde et un entretien avec Borloo et, à côté, une page de publicité payée par le Ministère de l’Environnement ? Et le Monde continuera à nous parler d’éthique et d’indépendance de la presse…
Alors l’écologie, oui, certainement. Mais une écologie liée à l’homme, celle qui doit être débattue et dont on pourrait dénoncer les travers. Comme beaucoup, je ne suis pas en mesure de tenir un discours scientifique sur l’écologie et je remarque qu’il n’y a pas unanimité des scientifiques sur ce sujet.
Seul le militant écologique serait détenteur de la vérité ? Lui-seul détiendrait les connaissances scientifiques qui justifieraient son choix ? Vérité révélée ?
Reste donc la pluralité des idées, la discussion, le droit à la dissidence… Les médias, pour une journée « presse unique » ne nous proposent malheureusement qu’une parole univoque et, surtout, un signe inquiétant pour le citoyen. Il faudrait qu’enfin l’écologie accepte de se concilier avec la démocratie.
On ne sauvera pas « la planète » sans sauver l’humanité qui ne se réduit pas à quelques intérêts occidentaux.
Qui en parlera si les médias renoncent à ce qu’ils étaient ? La Pravda d’hier ?