Les médias de référence au service de la VOA de l’Amérique ?
« La force brute. La Russie, ce partenaire respecté de l’Occident, cet invité écouté au G8 des pays démocratiques, a envahi un pays indépendant et ami de l’Occident ».
François Sergent, in Libération du 11 août 2008.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH253/Dick_Cheney-2-408f6.jpg)
En faisant preuve d’un sens de la nuance rarement prononcé, à l’image du martial M. Sergent qui n’hésite pas à parler d’invasion pure et simple comme si la Géorgie tout entière avait été soumise aux hordes barbares, la plupart des éditorialistes de la presse écrite et audiovisuelle ont pris fait et cause, lors de la crise en Ossétie du Sud, contre la Russie et pour la Géorgie, en reprochant tout juste à cette dernière, enfin, à son président, Mikheil Saakachvili, d’avoir agi avec la légèreté de sa jeunesse en envoyant des troupes mettre gentiment au pas les séparatistes ossètes.
Oubliées les tirades en faveur du droit à l’autodétermination des peuples qui valent à la Tchétchénie la compassion de l’Occident, oubliés les plaidoyers enflammés pour un Kosovo indépendant : l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont géorgiennes, nom de Dieu ! et les frontières actuelles de la Géorgie, tracées par le Géorgien Iossif Djougachvili dit Staline, immortelles. Tiens ! un peu comme celles de la France éternelle du XVIe siècle - ce n’est pas si ancien - qui comprenait l’actuelle Belgique, mais pas les Savoies ni le comté de Nice ou l’intégralité du Roussillon.
L’opinion semble bien ancrée chez la plupart des commentateurs que, quoiqu’il s’y déroule des élections a priori démocratiques - sans doute entachées d’irrégularités mais pas davantage, voire moins, que dans d’autres Républiques, y compris la Géorgie, très appréciés des Occidentaux - et qu’elle ait changé plusieurs fois d’équipe dirigeante depuis l’éclatement de l’URSS en 1991, quoiqu’elle ait optée pour l’économie de marché, la Russie demeure une dictature crypto-communiste tandis que l’Ukraine ou la Géorgie, dirigées de manière plus ou moins aléatoire par des cliques de politiciens opportunistes ou corrompus qui se succèdent au pouvoir à travers intrigues de palais et référendums seraient des modèles de démocraties vivantes et éclairées pour la simple raison qu’elles ont obtenu l’aval de Washington et accessoirement celui de son disciple européen, qui valent brevet d’intégrité.
Le Russe est fourbe : regardez Poutine qui a fait mettre en prison ou contraint à l’exil les oligarques amis d’Elstine et de la finance internationale qui avaient fait main basse, en toute légalité, vous êtes priés de n’en pas douter, sur les principales richesses énergétiques et industrielles du pays pour s’enrichir personnellement au-delà de toute limite. Et c’est un fourbe socialiste, car il a remplacé ces alliés et fournisseurs-acheteurs de l’Occident par des hommes à lui, proches de l’appareil d’Etat, instruisant de fait une renationalisation rampante de ce qu’il faut être vraiment stupide pour considérer comme la propriété du peuple russe plutôt que celle d’une mafia d’affairistes.
Le Russe est brutal : regardez comment il se comporte avec le pauvre Tchétchène (hélas trop islamo-contaminé pour être parfait) et avec le misérable soldat géorgien armé d’un fusil en bois. Vraiment rien à voir avec la délicatesse du GI en Irak ou en Afghanistan, où il massacre le civil avec amabilité quand le Popov le faisait avec cruauté.
Le Russe est impérialiste : il considère les Républiques limitrophes comme des vassales qui ne sauraient ni menacer ses intérêts ni faire preuve de trop d’indépendance. Encore une fois, rien de commun avec les Etats-Unis, lesquels n’ont jamais financé les dictatures latino-américaines ni entraîné leurs soldats ou leurs tortionnaires afin de s’assurer un sous-continent à leur botte.
Vous vous rendez compte que les services secrets du Kremlin seraient même capables de chercher à déstabiliser des gouvernements élus qui ne sont pas à leur goût ?
Ce n’est pas la CIA qui se serait permis une telle infamie au Chili, en Argentine, en Bolivie, et, à tout seigneur tout honneur, au Venezuela, n’est-ce pas ?
Quant à organiser durant près de cinquante ans le blocus d’un petit Etat hostile tel que Cuba, comment imaginer une seconde que le véritable pays des droits de l’homme, l’Amérique, en serait capable ?
Trêve de plaisanterie : que la « communication » officielle à Tbilissi évoque Hitler à propos de Medvedev et les accords de Munich concernant la mollesse de dirigeants occidentaux qui de toute façon n’en peuvent mais* ou encore l’invasion de la Tchécoslovaquie à propos d’un homme et d’une situation qui ne leur ressemble que de fort loin est de bonne logique, c’est le travail de la propagande en temps de crise, que médias et politiques occidentaux reprennent cette antienne sans s’interroger sur sa pertinence est plus inquiétant.
Sont-ils autant que faire se peut les porte-voix d’une réalité objective où la limite est souvent floue, parfois arbitraire, entre les droits des uns et des autres, ou la voix d’une Amérique qui n’admet aucune concurrence et dénonce comme force brutale tout ce qui n’est pas la sienne, comme antidémocratique tout ce qui ne se réclame pas d’un libéralisme intégral avec quoi la démocratie est confondue et qu’elle se garde bien d’appliquer à elle-même ?
*effectivement, « on » n’a pas voulu « mourir pour les Sudètes », ce qui n’aurait d’ailleurs fait que précipiter la Seconde Guerre mondiale au lieu de l’éviter.
MD
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