Les mélodies avec orchestre de Camille Saint-Saëns
Depuis la publication d’une partie de sa correspondance et de l’enregistrement de ses cantates pour le Prix de Rome (ainsi que sa tragédie lyrique Les Barbares), Camille Saint-Saëns (1835-1921) fait l’objet d’une attention particulière du Palazzetto Bru Zane, le Centre de musique romantique française. Le nouveau disque paru chez Alpha Classics est l’occasion une fois de plus d’exhumer en première mondiale un pan inconnu mais non moins fascinant du compositeur, à savoir la quasi totalité de ses mélodies orchestrales.
Camille Saint-Saëns compose très tôt pour la mélodie et son intérêt pour le texte trouve son origine dans le nationalisme français naissant à la fin du XIXème siècle. Les récitals des chanteurs sont alors souvent composés en grande partie d'airs opéras et majoritairement de compositeurs étrangers. Pour redonner à la musique française la place qu’elle mérite, Saint-Saëns dédicace ses mélodies à des artistes de l'époque qui les intègrent à leurs prestations lyriques. L'homme est un fervent défenseur de la langue française elle-même. Celle-ci devient pour lui un véritable bijou et la musique qu'on lui adjoint n'est là que pour la sertir. L’orchestre vient véritablement colorer les inflexions de la langue, ouvrant la voie aux futurs Fauré, Duparc et Debussy.
Et en effet, dès les premiers coups de cloches de l'Angélus qui ouvrent le programme, cette qualité de compréhension du texte n’est jamais perturbée par l’écriture orchestrale, véritable écrin sonore construit par l'Orchestra della Svizzera Italiana sous la direction de Markus Poschner. Que ce soit pour le ténor français Yann Beuron ou le baryton grec Tassis Christoyannis, la diction est parfaitement limpide et superbement utilisée pour donner du relief aux différents poèmes. Mais c’est le travail de Yann Beuron qui emporte totalement notre adhésion. Le ténor est tour à tour délicat dans l'envol des Papillons ou ardent dans L’enlèvement. Sa tessiture est d'une uniformité exemplaire, les demis-teintes sont maîtrisées et assumées ; autant d'éléments qui nous font penser qu’il serait bon de mettre plus en avant ce magnifique chanteur. Le baryton de Tassis Christoyannis est de son côté dramatique à souhait, notamment dans la version endiablée de la célèbre Danse macabre.
Dans une lettre à Marie Jaëll de 1876, Saint-Saëns disait à raison : « Si vous avez envie de l'orchestre pour vos lied ne vous gênez pas, le lied avec orchestre est une nécessité sociale ; s'il y en avait, on ne chanterait pas toujours dans les concerts des airs d'opéras qui y font souvent piteuse figure. » Espérons dès lors que le répertoire ici retrouvé amènera d'autres belles découvertes et contribuera à la revalorisation de ce patrimoine musical trop peu souvent programmé.
Maxime Melnik et Frédéric Degroote
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Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Mélodies avec orchestre
Yann Beuron, ténor
Tassis Christoyannis, baryton
Orchestra Della Svizzera Italiana
Markus Poschner
2016 Alpha Classics/Outhere Music (Alpha 273)
Ce disque peut être acheté ICI
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