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Accueil du site > Tribune Libre > Les mèmes, ces virus de l’esprit

Les mèmes, ces virus de l’esprit

Je vous invite aujourd’hui à faire un petit voyage dans l’intimité de notre esprit. Pour cela nous allons nous pencher sur les idées, leur diffusion, leur formation ainsi que les conséquences que cette réflexion peut entraîner sur notre vision du monde. A l’issue de cet article, une nouvelle grille de lecture du monde, ou du moins son ébauche, sera à votre disposition.

En fait, nous n’allons pas parler que d’idées, mais d’un ensemble plus général, que l’on peut qualifier d’éléments culturels transmissibles, et dont les idées font partie.

Ces éléments peuvent être par exemple des inventions matérielles, comme la roue, le clou, la vis ou le ciment, mais aussi des processus, et donc des inventions immatérielles comme une méthode pour bouturer, une façon de semer ou une technique pour faire du fromage. Mais cela recouvre aussi des catégories beaucoup plus abstraites et pouvant être aussi complexes que la perception de nos sentiments, ou un système philosophique, ou quelque chose d’apparemment aussi simple qu’un bonjour ou un merci.

Pour reprendre une terminologie développée par Richard Dawkins en 1976 dans son livre ’’The Selfish Gene’’ (Le Gène Egoïste), nous qualifierons ces éléments culturels transmissibles de « mèmes ». L’étude qui y est associée est la « mémétique », n’y voyez pas une allusion à certaines de vos vénérables aînés, mais on pourra rapprocher le terme des mots ’’même’’ et ’’mémoire’’, eux-mêmes dérivant du grec mimesis (imitation).
 
Cette notion de mème est primordiale car elle éclaire nombre de nos comportements et va nous permettre de percevoir et de comprendre l’influence des films, des livres, des histoires de famille, des amis etc. Influences que vous n’aurez pas manqué de constater chez vous et chez vos proches. Les mèmes sont en quelque sorte les unités primordiales et fondamentales de la pensée, sur lesquels l’esprit peut opérer.

D’autre part, à une époque où il est possible d’expérimenter les vies et les cultures d’autres personnes à travers les médias, les simulations de jeux vidéos et grâce aux moyens de transport, le concept de mème peut nous aider à mettre de l’ordre dans cet amas confus d’expériences.

1) Transmission/diffusion

Comment se transmettent les mèmes ? Bien souvent, c’est de manière naturelle et inconsciente : l’un des exemples les plus frappants étant bien entendu le langage. Il suffit aussi de voir quelqu’un planter un clou pour savoir également le faire. Ce peut être par le bouche à oreille bien sûr, sans oublier les médias en général et la télévision en particulier.

Pour des connaissances plus complexes, qui sont la résultante d’une capitalisation de savoirs, un apprentissage plus ou moins long est nécessaire ; l’acquisition de l’écriture et du calcul en sont de bons exemples.

Dans cette optique, la fonction de l’école est de transmettre et ainsi pérenniser un ensemble de mèmes que la société croit bon selon ses propres critères. Un des savoirs les plus intéressant à mon sens est la capacité d’aller chercher ses propres mèmes et d’en discerner la validité. Capacité elle-même sous-tendue par un ensemble de mèmes. A ce sujet, la suppression des cours d’histoire des sections scientifiques serait une erreur grossière car elle priverait les étudiants d’une grille de lecture du monde essentielle, mais peut-être veut-on détourner l’attention d’autres vrais débats.

Plusieurs mèmes peuvent s’organiser en un ensemble cohérent qui sous-tend une activité, un métier ou une philosophie ; on qualifie alors ces ensembles de « méméplexes », terme provenant de l’anglais et qui est une contraction de « complexe de mèmes » (meme complex). Les méméplexes peuvent être considérés comme des écosystèmes de mèmes.

Prenons quelques exemples de méméplexes qui peuvent aussi être vus comme des ensembles isolé et limité de la connaissance humaine. Si l’on considère l’entretien d’un véhicule, un grand nombre de mèmes sont nécessaires, il faut d’abord connaître les différents éléments du véhicule, mais aussi les pannes possibles ainsi que les outils permettant de les réparer. Un autre exemple du quotidien ; la cuisine, elle demande un équilibre entre goût, diététique et variété ; elle est ainsi un art savant relevant parfois de l’alchimie. Quant aux systèmes d’informations (internet, téléphonie mobile...), la technicité de leur développement n’a peut-être d’égale que la quête spatiale. Quoique, et avec une douce ironie, c’est notre système administratif qui détient la palme de la complexité en particulier par le nombre de ses institutions : mairie, chambre de commerce et de l’industrie, pôle emploi, sécurité sociale, parlement, trésor public... et par la complexité disproportionnée de chacune d’elles.

Les plus grands changement sociétaux ont été engendré par une meilleure diffusion des mèmes, tout d’abord avec l’invention de l’écriture, puis de l’imprimerie, suivie par la radio et la télévision, et aujourd’hui la grande (r)évolution silencieuse internet qui permet à chacun d’innover.

Cette transmission des mèmes continue aujourd’hui à s’accélérer et à toucher de plus en plus de personnes. Cela entraîne de profonds changements dans la société, et nous fait entrer dans une ère nouvelle associée à l’émergence de nouveaux états d’esprit. La population, mieux informée, pourra plus facilement optimiser ses choix, bien que trop de choix puissent aussi créer des effets d’immobilisme, mais c’est une autre histoire.

Les voyages, internet et les médias, en raison de la multiplication des mèmes auxquels nous sommes confrontés, et ce, en dehors de leur contexte d’apparition et de pérennité, peut créer des conflits avec nos méméplexes. Il en résulte alors confusion et méfiance comme c’est le cas avec la burka ; certains parlent aussi de choc culturel. La compréhension des mécanismes sous-jacents à ces phénomènes peut en atténuer les effets indésirables et amener une résolution plus adéquate de ces conflits.
 
Dans l’article suivant : "Création de mèmes", nous aborderons le sujet de l’apparition de ces mèmes et nous nous demanderons si création et évolution sont distinguables.
Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.
 

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10 réactions à cet article    


  • dapeacemaker911 21 janvier 2010 13:04

    Les medias nous bombardent de « memes » et modelent ainsi nos comportements futurs.

    Pour approfondir, je suis sur un livre qui, derriere le pompeux titre « cultiver l intelligence relationnelle », decortique les interactions consciente et inconsciente entre un « esprit » et son milieu.

    Comprendre la maniere dont nous sommes influencés est capital dans cette societe ou la vitesse et la quantité d informations qui nous est assenée depassent tres largement notre propre influence


    • Manuel Boissenin 21 janvier 2010 14:12

      ça arrive, ça arrive mais ce sera dans le prochaine article qui arrive très prochainement.


    • xbrossard 21 janvier 2010 16:06

      Un livre indispensable à lire sir vous voulez allez plus loin dans la reflexion sur notre monde et comment il évolue :

      Howard Bloom : le principe de Lucifer

      du coup, la manière dont évolue le monde me paraît beaucoup plus compréhensible depuis que je l’ai lu
      c’est pourquoi je pense que malheureusement on finira bien par avoir une guerre entre l’occident et l’islam, à moins que l’on ai une guerre capitaliste contre altermondialiste...
      chacun de ses mèmes étant plus ou moins incompatibles entre eux...


      • Halman Halman 21 janvier 2010 19:55

        Pour en savoir plus sur Dawkins et la mémetique :

        http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2000/dec/r_dawkins.html


      • samir 22 janvier 2010 11:12

        le meme du liberalisme est en train de se casser la figure...celui de l’Islam ne fait que se répandre aux quatres coins du monde

        en parlant de guerre entre Islam et Occident, et bien il semble que vous ayez plus lu le choc des civilisations que le principe de lucifer car le meme de l’Islam a déja pénétré en profondeur l’occident alors que l’inverse n’est pas vrai...la guerre des meme est pas essence ideologique le communisme a jadis fait faillite renforcant apr la le meme capitalo-liberaliste, ce dernier etant injuste et malsain dans la pratique il est en train de se discrediter et de s’autodetruire....

        alors que quoi qu’on en dise le meme de L’islam depuis le 6eme siecle n’a jamais cessé de croitre dans le coeur et l’esprit des hommes...


      • Manuel Boissenin 25 janvier 2010 12:10

        Merci pour les références, j’ai employé le mot de conflit, je pensais à des conflits internes à la personne et qui peuvent, en effet, se traduire par des guerres lorsqu’ils sont savamment attisés. Néanmoins, je reste optimiste car les guerres résultent en grande partie de manipulations idéologiques (suivies malheureusement d’actions manipulatoires) , et quand les populations seront mieux informées, et qu’elles connaîtront un tant soit peu leurs soi-disant ennemis toutes raisons de guerre devraient disparaître. Mais encore faut il d’abord que chacun ait accès à des conditions de vie décentes, c’est peut-être encore ce que l’on peut faire de mieux pour la Paix.

        En attendant, la notion de groupe est presque toujours utilisée abusivement : les américains, les juifs, les marseillais, les boudhistes, les verts... et à des fins souvent malhonnêtes quand il ne s’agit pas de flemme intellectuelle. Une personne peut faire parti de plusieurs de ces groupes, tout comme ces groupes contiennent des personnes de tout type d’idéologies plus ou moins modérées. D’ailleurs, il me semble que les crises identitaires des enfants de couple de cultures mixtes sont symptomatiques de l’influence non négligeable que ce non-sens divisionnaire, véhiculé par la notion de groupe, peut apporter.

        Un des grands problèmes de la notion de groupe est qu’elle sépare les individus, aussi bien, sinon mieux qu’elle les unit (cf Krishnamurti). Le filtre des préjugés, fourni au sujet d’un groupe, va jusqu’à faire disparaître un individu, appartenant à ce groupe, derrière un écran d’idées, et ce, avant même d’avoir pu le rencontrer et lui parler. En éliminant le dialogue les mèmes sont préservés, et en particulier les mèmes manipulateurs que nous subissons. C’est d’ailleurs pour cela que toute idéologie, contenant de nombreux mèmes qui permettent l’isolation des personne qui la suivent, sont, pour moi, suspectes. Les sectes procèdent ainsi mais parfois les états aussi (ou du moins pour être précis leurs gouvernements).

        Un projet de recensement de ces mèmes d’isolement ainsi que de préservation d’autres mèmes serait donc le bienvenu.


      • Triodus Triodus 22 janvier 2010 08:52

        Article et sujet très intéressants. Merci !


        • ddacoudre ddacoudre 22 janvier 2010 11:31

          bonjour

          bon article bien utile dans ce débat sur l’identité qui à été le débat des confusions et des non dit.

          cordialement.


          • MICHEL GERMAIN jacques Roux 22 janvier 2010 15:35

            Sujet très intéressant qui n’aura donc que peu d’interventions...Je n’ai pas trop le temps de développer à l’heure qu’il est mais votre approche a-t-elle croisé les travaux de Canguilhem (in,le normal et le pathologique) et de M.Foucault (in, les mots et les choses mais aussi Surveiller et punir) ? de Chomsky ?

            Pourriez vous nous en dire un peu plus sur ce qui vous a motivé à proposer votre article, je vous en remercie ?

            Salutaions

            Michel.


            • Manuel Boissenin 25 janvier 2010 14:32

              Merci de votre message, et surtout pour les références, je connais un tout petit peu Michel Foucault pour avoir feuilleté son « histoire de la sexualité » et j’ai effectivement croisé Noam Chomsky en particulier à travers son documentaire « Manufacturing consent » si je me souviens bien du titre. Un gars pour le moins « inspiring ». J’irai voir de plus prêt les références que vous citez.

              Quant à ma motivation, juste un excès de temps, la nécessité de partager ma vision pour réduire certaines incompréhensions à mon égard et des discussions interminables, éviter les pièges dans lesquels je vois sans cesse certaines personnes trébucher, explorer l’inconnu, établir des contacts et que sais je encore.

              Si à l’occasion vous pouviez m’expliquer la logique sous-jacente à votre remarque :
              Sujet très intéressant qui n’aura donc que peu d’interventions... qui est à la fois encourageante, merci, mais aussi inquiétante, temps pis.

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