Un mensonge est une assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper. (Le Robert)
Le pape Benoît XVI dit-il la vérité quand il écrit dans la lettre qu’il vient d’adresser aux catholiques d’Irlande :
« Chers frères et sœurs de l’Eglise en Irlande, c’est avec une profonde préoccupation que je vous écris en tant que Pasteur de l’Eglise universelle. Comme vous, j’ai été profondément bouleversé par les nouvelles apparues concernant l’abus d’enfants et de jeunes vulnérables par des membres de l’Eglise en Irlande, en particulier par des prêtres et des religieux. Je ne peux que partager le désarroi et le sentiment de trahison que nombre d’entre vous ont ressenti en prenant connaissance de ces actes scandaleux et criminels et de la façon dont les autorités de l’Eglise en Irlande les ont affrontés... »
Le pape indique ainsi clairement qu’il a découvert en même temps que tout le monde que des prêtres ont abusé d’enfants.
Il ajoute également :
« Aux victimes d’abus et à leurs familles, vous avez terriblement souffert et j’en suis vraiment désolé. Je sais que rien ne peut effacer le mal que vous avez supporté. Votre confiance a été trahie, et votre dignité a été violée. Beaucoup d’entre vous, alors que vous étiez suffisamment courageux pour parler de ce qui vous était arrivé, ont fait l’expérience que personne ne vous écoutait. Ceux d’entre vous qui ont subi des abus dans les collèges doivent avoir ressenti qu’il n’y avait pas moyen d’échapper à leur souffrance. Il est compréhensible que vous trouviez difficile de pardonner ou de vous réconcilier avec l’Eglise. En son nom, je vous exprime ouvertement la honte et le remord que nous éprouvons tous... »
Ainsi les victimes n’auraient simplement pas été écoutées quand elles ont essayé de faire cesser les actes dont elles ont été victimes.
Ces mots sont repris en France par tous les médias, pour montrer la totale sincérité du pape alors que des dénonciations d’actes de pédophilie au sein de l’église catholique font scandale actuellement en Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Brésil, Espagne, Italie après celles des Etats-Unis et de l’Irlande.
La seule question qui se pose réellement est de savoir si Benoît XVI, était informé de ces agissements et s’il les a couverts au lieu de les dénoncer.
Il ne fait aucun doute que la réponse est oui.
Il faut savoir que le 16 mars 1962, la Sacrée Congrégation du Saint Office, avait transmis aux archevêques, aux évêques et aux autorités diocésaines y compris celles du rite oriental une instruction écrite, intitulée « Crimen Sollicitationis », détaillant comment devaient être abordées les « fautes » commises au sein de l’Eglise, dans le domaine sexuel incluant les actes de pédophilie.
Il y était mentionné en préalable que « ce texte doit être scrupuleusement classé dans les archives secrètes de la Curie comme strictement confidentiel, il n’a pas à être publié ni joint à aucun commentaire ».
Cette instruction, approuvée et confirmée par le pape Jean XXIII le jour de sa diffusion, indiquait dans le paragraphe 13 de ses préliminaires les procédures à suivre en cas d’accusations contre des prêtres pouvant s’être livrés à des abus sexuels :
« Dans ces cas, les accusateurs, ou les dénonciateurs (du prêtre) et les témoins doivent prêter serment de garder le secret. »
La formule E de cette instruction décrivait dans le détail la manière d’enregistrer les dénonciations. Au début de son audition, le dénonciateur devait prêter serment de dire la vérité « en touchant la Bible avec sa main ». Il était également précisé qu’à la fin de son audition, le dénonciateur devait « prêter serment d’observer le secret en touchant à nouveau la Bible », et que ce serment devait être écrit et signé par lui.
Doit-on s’étonner, qu’avec de telles procédures, il a fallu attendre l’année 2004 pour apprendre que plus de 10.000 enfants avaient été abusés sexuellement par des prêtres en Irlande depuis 1950 ?
Cette instruction imposait également le secret à tous ceux qui, au sein de l’église catholique, étaient chargés et informés de ces affaires sous peine d’excommunication immédiate (latae sententiae), peine la plus lourde du Droit Canon.
La personne chargée de l’audition du dénonciateur devait transmettre les procès verbaux à l’autorité qui l’avait déléguée et avait pour obligation de ne conserver aucun document.
Le Vatican considérait donc que les viols d’enfants par des prêtres étaient une affaire strictement interne à l’église et qu’il fallait mettre en place des procédures rigoureuses pour qu’elles ne soient jamais dévoilées. Il faut savoir également que dans la quasi totalité des cas, la seule sanction qu’ont eu à subir ces prêtres pédophiles fut une mutation dans une nouvelle paroisse où ils récidivaient.
A partir de 1981, le cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, fut nommé préfet de la Congrégation pour la Doctrine et la Foi, département du Vatican ayant pour objectif de promouvoir et de protéger la doctrine et les mœurs. Il a donc été l’homme chargé d’appliquer cette directive pendant 24 ans jusqu’à ce qu’il soit élu pape.
Or, il était clairement précisé dans les articles 67 et 74 de cette instruction, que la Congrégation pour la Doctrine et la Foi devait être informée de toute procédure interne contre un prêtre ou un religieux et être destinataire des documents judiciaires et administratifs des décisions concernant les cas les plus graves provenant de tous les pays.
Le pape Benoît XVI a donc reçu sur son bureau au minimum des centaines de procédures internes d’actes de pédophilie, conformément à l’instruction « Crimen Solicitationis », qui n’a jamais été supprimée et est toujours en vigueur aujourd’hui. Il a ainsi été régulièrement informé de ces crimes pendant des dizaines d’années et les a couverts. Il avait le pouvoir de faire cesser ces maltraitances et ces viols commis par des milliers de prêtres sur des dizaines de milliers d’enfants, il ne l’a pas fait.
Est-il acceptable qu’aujourd’hui, il prétende ne pas avoir été au courant ?
Est-il acceptable que lors d’un voyage aux Etats-Unis en avril 2008, il ait affirmé :
« Il est difficile pour moi de comprendre comment les prêtres ont pu ainsi trahir leur mission…Je suis profondément honteux…Un pédophile ne peut pas être prêtre. »
Il a pourtant côtoyé des centaines de prêtres qu’il savait pédophiles et n’en a dénoncé, ni renvoyé aucun. Par contre, il imposait le silence aux victimes et à tous ceux qui étaient informés. Faut-il ajouter qu’il en était de même pour tous les évêques et que le secret de la confession n’est pas applicable dans ces cas ?
Existe-t-il un autre mot que « mensonge » pour qualifier les paroles du pape qui fait semblant de découvrir des horreurs qu’il a lui-même couvert ?
Aucun responsable politique ou social dans un pays démocratique ne pourrait continuer son activité après la divulgation de faits d’une telle ampleur. Ils seraient automatiquement traduits et condamnés en justice pour ne pas avoir informé les autorités judiciaires ou administratives et ne pas avoir empêché que de nouveaux crimes soient commis.
Pourquoi le pape et les évêques bénéficient-ils d’une telle mansuétude quand leur silence et leurs décisions ont eu et ont encore pour conséquence de briser totalement la vie de dizaines de milliers d’individus ?
Imagine-ton le courage dont doivent faire preuve toutes ces victimes pour raconter ce qu’elles ont vécu ?