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Les microbes et la santé planétaire

On n’est pas vivant tout seul. De la cellule la plus infime comme à l’échelle humaine ou celle de la planète, tout communique et interagit entre le sol, le ciel et l’eau. Au-delà du monde visible, rappelle Marie-Monique Robin, il y a un monde invisible, celui des micro-organismes, sans lesquels la vie serait impossible. La journaliste et réalisatrice (Prix Albert-Londres 1995) dissipe quelques idées fausses sur les micro-organismes – et sur leur rôle dans la relation très intime qu’ils entretiennent avec nous pour le meilleur comme pour le pire. Lequel, assurément, n’est pas certain lorsque la vie dans la vie engendre un dialogue moléculaire fécond, dans le respect de la loi naturelle..

 

. « Nous savons aujourd’hui que la vie sur Terre a débuté avec les microbes, avec qui toutes les formes de vie ont ensuite coévolué » précise le biologiste néerlandais Remco Kort devant la caméra de Marie-Monique Robin. La vie terrestre est apparue dans l’eau, avant de conquérir la terre, les airs – et de prospérer entre espèces.

Car un nombre considérable de micro-organismes peuplent l’intérieur ou la surface d’individus d’une autre espèce selon un mode de vie longtemps passé inaperçu, appelé symbiose. Cette cohabitation s’avère souvent très avantageuse pour les uns et souvent sans préjudice pour les autres...

C’est l’avis du chercheur Serge Morand (CNRS) : « Nous avons besoin des parasites, avec qui nous avons coévolué depuis la nuit des temps. Ils sont indispensables à la santé des écosystèmes, des animaux et des humains. Ils peuvent certes nous affecter, mais ils peuvent aussi être bénéfiques, en établissant avec nous une interaction durable.  »

 

L’axe intestin-cerveau

 

Ainsi, nous sommes peuplés par des centaines de milliards d’organismes microscopiques qui oeuvrent en symbiose avec dix mille milliards de cellules pour constituer un organisme biologique sain. Ces populations symbiotiques constituent des microbiotes qui colonisent nos intestins et notre système digestif comme la surface de notre peau ou nos bronches et exercent de multiples effets bénéfiques, dont « l’effet barrière » qui stoppe les pathogènes, piégés dans le mucus sécrété par la paroi intestinale, l’épithélium... Les cellules immmunitaires échangent au quotidien avec le microbiote intestinal ainsi qu’avec le microbiote de la bouche, de la peau ou du vagin, et identifient les micro-organismes vraiment pathogènes. D’ailleurs, seules 1415 espèces ont été jusqu’alors identifiées comme des « agents pathogènes, susceptibles de provoquer des maladies infectieuses chez les humains  »...

Notre ventre abrite une colonie d’une centaine de milliards de germes qui fait partie intégrante de notre système immunitaire. «  Sans germes, aucune vie biologique n’est possible sur la planète  » rappellent les experts interviewés par Marie-Monique Robin. La bonne santé de notre flore intestinale est garante de l’équilibre et de l’harmonie de l’organisme : « On considère que l’intestin constitue notre deuxième cerveau, car il contient autant de cellules neuronales que notre cerveau. De plus, les bactéries de notre intestin n’arrêtent pas d’envoyer des messages à notre système nerveux – sous forme d’hormones ou de molécules chimiques qu’elles fabriquent – à travers le nerf vague qui est la ligne téléphonique reliant notre colon à notre centrale cérébrale. » (Remco Kort)

La membrane intestinale est tapissée de 200 millions de cellules nerveuses. Ce « système nerveux entérique » contrôle les contractions musculaires qui assurent la progression du bol alimentaire et les sécrétions digestives. Il communique également avec le cerveau grâce à des neurotransmetteurs comme la sérotonine, qui influe sur l’appétit, le bien-être, la libodo. La sérotonine est produite en grande partie par les bactéries intestinales, lorsqu’elles digèrent les fibres alimentaires. Les acides gras à chaîne courte (AGCC), métabolites produits par les bonnes bactéries de l’intestin lors du processus de fermentation des fibres alimentaires, sont considérés comme des « biomarqueurs » d’un bon état de santé. Ainsi, « ils renforcent la barrière intestinale et acidifient le colon, ce qui empêche la prolifération d’agents pathogènes ; ils contribuent à la modulation de l’inflammation et de l’immunité, ce qui réduit le risque de maladie inflammatoire, notamment de l’intestin ; en circulant dans le sang, ils participent aux activités métaboliques de l’organisme, comme la production de glucose dans le foie et la synthèse des lipides.  »

La réalisatrice rappelle queles enfants vivant à la campagne, entourés d’animaux, et plus particulièrement de vaches, ont un microbiote plus varié et équilibré que leurs camarades citadins. L’artificialisation des villes et l’aseptisation des aliments appauvrissant leur qualité nutritive génèrent un « déficit de nature » - et par conséquent nombre de « maladies de civilisation » (allergies, asthme, diabète, obésité, troubles mentaux, dépression voire cancer et maladie d’Alzheimer) : « Toutes ces pathologies partagent les mêmes caractéristiques : un appauvrissement de la diversité microbienne de notre intestin, qui provoque un affaiblissement de notre système immunitaire et un état inflammatoire chronique.  »

La communité des Amish, originaire de l’Oberland bernois (Suisse), et créée en 1693 par le pasteur Jakob Amman (1644-1730) à Sainte-Marie-aux-Mines, est souvent invoquée par des discours politiques récurrents pour stigmatiser les réfractaires au « progrès » - comprenons la fuite en avant d’un fondamentalisme technologique sans finalité humaine mais résolument écocidaire et parasitaire... Or, les enfants nés dans les communautés Amish ne souffrent pas de pathologies inflammatoires ou de troubles psychiatriques...

 

Le pilier de la santé planétaire

 

La préservation de la biodiversité végétale, animale et microbienne ne protège pas seulement notre santé : elle est le « pilier de la santé planétaire ». Les humains font partie de la macro-biodiversité, celle des animaux et des plantes : en détruisant leur écosystème, ils s’exposent à nombre de réactions en chaîne, dont les maladies infectieuses puisque « nous sommes tous constitués de multiples interactions mutualistes avec les microbes »...

La réalisatrice a particulièrement bien documenté les méfauts du glyphosate qui tue les bactéries commensales du microbiome, comme les Lactobacillus Ruminococcaceae et Butyricococcus. Il provoque une réduction des métabolites microbiens qui agissent à travers l’axe intestin-cerveau, comme les acides gras à chaîne courte. Les fibres alimentaires constituent les prébiotiques, des aliments de choix capables de nourrir les bonnes bactéries de l’intestin. Un régime riche en fibres « constitue un outil de prévention efficace contre de nombreuses maladies inflammatoires ou infectieuses  ». Sans oublier les produits fermentés – « les humains ont depuis toujours utilisé la fermentation microbienne pour protéger leur santé  » - et l’action préventive de la sylvothérapie...

Après avoir enquêté sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens, Marie-Monique Robin entend réconcilier les populations et les « responsables politiques » avec les microbes. Elle cite le « réseau de coordinateurs de la santé » comprenant médecins, infirmiers et pharmaciens qui s’est constitué en Finlande. Et en appelle à une transition vers un « modèle agroécologique plus durable où il n’y ait plus de monocultures ni d’élevages intensifs, qui non seulement détruisent la diversité microbienne mais aussi contribuent à l’émergence de bactéries extrêmement pathogènes  » (Serge Morand).

En somme, habiter notre demeure terrestre en bonne intelligence entre « acteurs humains » et communautés microbiennes qui sont des acteurs majeurs des cycle du carbone et de l’azote comme de notre santé. Il y a bien des manières d’être vivant, selon les degrés de vie et de conscience, selon l’intuition d’Aristote, au Ive siècle avant notre ère. Leonard de Vinci (1452-1519) disait : « Prenez vos leçons dans la nature, c’est là qu’est notre futur  ». Une leçon bien comprise par les chercheurs en biomimétisme...

Assurément, le futur, imprévisible par excellence mais sobre par nécessité, ne se conformera pas aux dogmatiques, modélisations et spéculations d’illimitation en vogue, parce qu’il est tout simplement la vie manifestée face à l’incertitude fondamentale – la vie appelée à durer, envers et contre tout, pour peu qu’elle exerce sa capacité à ne pas se nuire...

Marie-Monique Robin, Vive les microbes ! – Comment les microbiomes protègent la santé planétaire, La Découverte/Arte éditions, Cahiers libres, 264 pages, 20,50 euros


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3 réactions à cet article    


  • rogal 21 novembre 01:58

    En matière de micro-organismes, on attend toujours que les disciples d’Antoine Béchamp nous informent sur l’existence, la nature et le rôle des microzymas.



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