Les monnaies numériques en question
L'obsolescence de la monnaie d'État mise en lumière. Un article du journal Passager 120
Tiens on parle de crypto-monnaie dans Passager 120 ! Est-ce bien l'endroit ? Est-ce bien la peine de s'intéresser à ce truc bizarre et dont le sens semble bien difficile à cerner ?
Et bien je vous dirais que oui, ça vaut le coup d'oeil !
Si j'en viens à développer ici le sens des crypto-monnaies c'est qu'il y a dans cette affaire de nombreuses dimensions qui viennent à mettre en évidence la vacuité et le non-sens de la monnaie réelle.
En effet ce qu'apportent les crypto-monnaie c'est l'évidence du néant, cette croyance absurde que des "unités de change" ont de la valeur intrasèque.
Bon, dans un premier temps débrouillons nous pour donner une définition des crypto-monnaies et pour cela nous allons faire appel à Wikipédia dont voici l'éclairage :
"Une crypto-monnaie, cryptodevise ou monnaie cryptographique est une monnaie électronique sur un réseau informatique pair à pair ou décentralisée basé sur les principes de la cryptographie pour valider les transactions et émettre la monnaie elle-même. Aujourd'hui, toutes les crypto-monnaies sont des monnaies alternatives, car elles n'ont pas de cours légal dans aucun pays. Les crypto-monnaies utilisent un système de preuve de travail pour les protéger des contrefaçons électroniques. De nombreuses crypto-monnaies ont été développées mais la plupart sont similaires et dérivent de la première implémentation complète : le Bitcoin"[...]
Les crypto-monnaies sont donc le produit numérique de l'informatique. Avant les ordinateurs et internet, elles n'existaient donc pas. Autant dire que ces monnaies ne s'échangent qu'entre flux numériques, donc entre ordinateurs et autres terminaux comme des smartphones par exemple. Donc il n'existe pas vraiment de pièces et billets réels pour représenter ces monnaies dans la réalité. Somme toute, cette histoire de crypto-monnaie est purement du domaine virtuel et numérique.
Nous approchons doucement du côté passionnant de cette histoire. Nous pouvons donc penser au sujet des crypto-monnaies, que cette affaire ne nous concerne pas, cela se passe dans un univers qui n'est pas le nôtre, un monde virtuel tout à fait bidon et adossé à rien, sauf des ordinateurs, des flux numériques et la confiance que ceux qui les utilisent pour des échanges.
Venons-en au fait. Et l'euro alors ? C'est quoi ?
L'euro est une monnaie réelle me direz-vous, oui c'est encore vrai pour une seule raison à mon sens : il existe encore des pièces et des billets qui "prouvent" la réalité de cette monnaie. Savez-vous combien en % représentent les pièces et billets en euros qui circulent ? réponse de tête 4%.
Avec les cartes bancaires sans contact et les micro-paiements par smartphones, il est fort à parier que ces 4% vont fondre comme neige au soleil pour nous laisser un euro qui ressemblera alors à une simple crypto-monnaie.
Depuis le depuis des années 70 les monnaies (réelles) ne sont plus indéxées sur l'or, autant dire qu'elles n'ont plus de valeur réelle mais essentiellement virtuelle. La valeur d'une monnaie réelle est dite flottante, et à mon sens totalement "mystérieuse". Les économistes vous diront que c'est la confiance du nombre qui lui donne sa valeur, les flux aussi, ou encore la richesse cumulée d'un pays.
Comme vous le savez probablement si vous avez lu passager 120 n°3 et l'article intitulé "l'avènement de l'argent", la science dite économique est à mon sens une science de prestidigitation qui orchestre des flux vers les plus malins et les plus prédateurs d'entre nous avec l'aval des politiques qui en forment des lois d'obligation pour tous.
Tous ça pour vous dire que les crypto-monnaies ont aujourd'hui tous les attributs d'une monnaie réelle et techniquement il ne pose aucun problème de basculer de l'euro vers une autre monnaie numérique pour payer un objet ou un service, le paiement sans pièces ni billets se fera comme avec une carte sans contact, en usant d'un simple terminal de paiement, ordinateur ou smartphone par exemple.
Le monde numérique déborde tout actuellement et révolutionne l'économie mondiale, il arrive actuellement aux portes de la monnaie des États, mettant en évidence toute cette organisation mafieuse qu'est la gestion monétaire réelle.
Pourquoi "mafieuse" ? Pour la simple raison que 99% de la population n'y comprend rien et ne décide de rien sur le sujet, laissant ceux qui en profitent le plus, le soin d'organiser les échanges et surtout les profits.
Pourquoi les crypto-monnaie vont poser d'énormes problèmes aux États s'ils n'y mettent pas fin rapidement (mais le peuvent t-ils seulement ?) Simplement parce que les États n'ont pas accès aux informations d'échanges des crypto-monnaies, elles ne peuvent donc pas les taxer, ni excercer un quelconque contrôle sur leur flux. De fait l'État perd sa source première de financement et de contrôle de la population. Autant dire que c'est le début de la fin pour l'État.
C'est la force du monde numérique actuel que de balayer les structures anciennes mais pour laisser quoi à la place ? C'est bien la question que nous pouvons nous poser. Car il apparaît que les choses vont bien trop vite depuis l'avènement de l'ordinateur pour gouverner nos vies. Est-ce que la mégamachine numérique parviendra à tout gouverner finalement et même par remplacer l'État et le gouvernement ?
C'est toute l'étrangeté du mouvement numérique actuel, il est question de liberté souvent, mais à quel prix ?
Je ne défends pas l'État en disant cela, je m'interroge sur les mouvements actuels qui serviront à quoi et à qui ? Car n'en doutons pas, la nature des hommes, elle, n'a pas changé depuis des millénaires, il est toujours question de dominants et de dominés et éventuellement d'une lutte des classes selon l'élasticité et la culture de l'époque.
Pour en revenir à la monnaie réelle et à la crypto-monnaie, l'une et l'autre tournent autour d'un même os, à savoir "la valeur" et sa redistribution, son échange. La lutte qui commence est une lutte entre des acteurs centraux (État, banques) et des acteurs décentralisés, c'est à dire "nous", qui pourrions nous émanciper de la tutelle d'une organisation économique dite "officielle". En effet chacun de nous étant un acteur économique par nature, les crypto-monnaies offrent cette possibilité de nous rendre notre souveraineté économique directement sans passer par les acteurs centraux qui en profitent.
La redéfinition des relations des pouvoirs politique et économique est considérable lorsqu'on imagine l'usage devenu ordinaire des crypto-monnaies.
On peut par exemple envisager des communautés qui décideraient l'usage d'une crypto-monnaie spécifique en lieu et place de la monnaie offcielle et obligatoire organisée par l'État.
Bien sûr tout cela était possible avant l'arrivé des crypto-monnaies, mais en fait pas vraiment pour deux raisons : la première était la nécessité de passer par le réel (pièces et billets) pour les échanges, ce qui de fait tombait sous le contrôle de l'État policier et fiscaliste - la seconde il fallait attendre la démonstration de la vacuité de la monnaie par sa numérisation bancaire (en numérisant la monnaie dans les échanges, on fait disparaître sa réalité tangible, la croyance du réel qui y était associé). L'effrondrement de la croyance monétaire "réelle" commence sa chute maintenant.
Nous sommes en 2017, et plus la population comprendra le néant monétaire actuel du fait de sa numérisation presque complète, plus elle sera disposée à changer de monnaie facilement si cela lui apporte un avantage et moins de contrôle à tous les niveaux.
Du point de vue technique, aujourd'hui avec l'euro, nous avons le sentiment que notre argent est garanti par l'État et par notre banque. Cette garantie est une pure illusion qui fonctionne parfaitement comme un effet hypnotique, une croyance généralisée. En effet, le niveau désastreux de la gestion économique mondialisée au profit d'une micro-élite qui possède tous les leviers à la fois, nous amène depuis 2007 à une crise économique sans précédent dont les conséquences ne sont simplement plus mesurables. Mais ce travail d'équilibriste fonctionne encore pour le moment et personne ne voit encore arriver la fin de l'histoire monétaire actuelle.
Autant dire que les monnaie réelles n'ont à mes yeux pas plus d'intérêt que les monnaies virtuelles car c'est l'économie dans son ensemble qui n'a pas de sens, en tout cas pas un sens "durable" ou encore "équitable".
Les crypto-monnaies se portent d'elles-mêmes en validant les opérations d'échanges. C'est un peu difficile à comprendre ce truc là. Disons que c'est un peu comme si votre billet de banque, lorsque vous payez avec, validait la transaction entre vous et autrui, tout en la validant au niveau commun. Cette opération devient donc certifiée numériquement par la communauté qui l'utilise. Il est donc impossible de fabriquer de fausses unités de compte, c'est à dire de la fausse monnaie.
La crypto-monnaie grâce ce système de certification qui est sa nature même et indissociable, peut se passer de tous les régulateurs, banques ou État.
On peut alors dire qu'une crypto-monnaie est bien souvent plus fiable qu'une monnaie réelle.
De plus à la naissance d'une crypto-monnaie, il est décidé de son fonctionnement et de sa production. On sait donc de quoi est faite cette monnaie et quel sera son développement. Là encore la monnaie réelle étant soumise au pouvoir politique et économique, on peut faire n'importe quoi, comme la diluer dans le crédit ou la production monétaire sans limite comme c'est le cas actuellement des monnaies dites réelles.
Lorsqu'on comprend tout ça, on comprend aussi pourquoi les État voudront tuer les crypto-monnaies, car le pouvoir de domination des peuples est en jeu, autant dire que les monnaies virtuelles forment une véritable déclaration de guerre aux pouvoirs établis, à la gouvernance du nombre au profit d'une micro-élite.
Comment mener cette guerre pour l'éradication des crypto-monnaies et maintenir l'ordre ancien sur les extentions nouvelles de l'avènement numérique ?
Franchement je pose la question et j'avoue bien rire des possibles réponses, pourquoi ?
Comment peut-on empêcher une personne d'acheter une chose qui n'existe pas ? Voyez, vous riez peut-être déjà avec moi !
En effet, comment déclarer la guerre à une suite de chiffres numériques ? À une chose qui se situe quelque part, sans savoir vraiment où exactement, probablement sur un disque dur, ou plusieurs, ou sur un réseau d'ordinateurs fédérés ou décentralisés... ou mieux encore, gérés par une intelligence artificielle qui s'occupera de l'indiscible jusqu'au silence de ne pouvoir plus rien comprendre. Voyez comme c'est amusant le progrès numérique, lorsque la limite du cognitif est franchi.
J'imagine tous nos crânes brillants s'agiter au gouvernement pour tenter de contrôler ce qui échappe à l'entendement de la plupart. Peut-être que l'un d'eux, plus brillant que les autres, aura la solution. Il lèvera le doigt comme à l'école primaire et le président lui donnera la parole faute d'une autre alternative au silence. Et l'homme encravaté dira : "il suffit d'éteindre les machines pour reprendre le pouvoir monétaire."
Et tous les autres reprendront en coeur "Vous n'y pensez pas !"
Mais y aura t-il une autre alternative pour que le pouvoir ancien se maintienne ?
Ré-imprimer de la monnaie nationale, adossée à un trésor véritable, multiplier les pièces et billets et inderdire les paiements numériques seraient bien-sûr la solution.
À défaut d'enrailler l'avènement numérique de la monnaie, qui est déjà une réalité, par l'interdiction numérique totale même pour l'euro et le dollar, je ne vois pas comment les États parviendront à s'en sortir sans vouloir contrôler tout et à tous niveaux, signant finalement l'avènement de Big Brother officiellement pour garantir le pouvoir de l'État sur toutes les transactions numériques.
Ce type de régime est une véritable dictature sans fioriture. La soi-disante "démocratie" actuelle pourrait très bien se satisfaire d'un contrôle total du numérique sur des prétextes sécuritaires bidons. Mais quand le pouvoir des États est mis à si rude épreuve, la réponse donnée peut s'avérer inhabituelle et totalement excessive. Lorsque qu'un prédateur est blessé, il en est d'autant plus dangereux.
Avec l'arrivée des crypto-monnaies, la blessure a été infligée aux États, et ils vont répondre. Ainsi, au mois de septembre 2017 la Chine a-t-elle frappé un grand coup en interdisant le financement des crypto-monnaies, ainsi que l'usage du bitcoin et mis en coupe réglée les plateformes d'échanges de monnaies numériques. La Chine étant une dictature, elle est cohérente et frappe violemment. Reste à savoir si cette intransigeance est efficace ? Peut-on arrêter les monnaies numériques sans arrêter les ordinateurs ? (rires)
Nos pays dits "démocratiques" vont avoir plus de mal à combattre sans réduire considérablement les libertés publiques, c'est à dire sans enclencher un système de surveillance généralisé. On a pu voir au sujet des téléchargements de musique et de films illégaux à quel point l'État était impuissant. Faire la police numérique, je le répète ne peut se faire que par un contrôle total et dictatorial.
Pour finir cet article je tiens à préciser que je n'ai pas de parti pris pour l'État ou pour les nouveautés numériques économiquement et politiquement révolutionnaires.
Sur l'histoire de la monnaie, il est surtout question à mon sens de détournement de valeurs au travers des échanges et à ce titre il est bien difficile de trouver un modèle qui soit bon et équilibré.
Se détourner de la monnaie semble être la meilleure voie, utopique peut-être, mais autrement plus vivable à l'échelle locale ou mondiale.
Les monnaies qu'elles soient "réelles" ou "numériques" ce qui revient au même finalement, sont des monstres techniques qui absorbent pour fonctionner des quantités phénoménales d'énergie.
La vraie question à résoudre si on veut s'attaquer aux véritables problèmes de notre temps, c'est de réduire notre consommation d'énergie. Revenir aux pièces et billets pour toutes les transactions entre individus semble une bonne idée, même si cette idée fait le jeu de l'État à notre époque.
M.J.
Cet article de deux pages est extrait du journal papier Passager 120 n°4 de novembre 2017.
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