Les muses du père Lachaise
Romantiques, alanguies ou exaltées, les muses qui peuplent le Père Lachaise, font de ce cimetière un endroit surréaliste. Au détour d'une allée, on découvre de belles jeunes femmes, trop tristes pour s'apercevoir que leurs tuniques glissent, révélant de généreuses poitrines, quand elles ne sont pas à demi nues dans un abandon qui frôle la sensualité.
- ©JPPorcher
Plus qu'une visite à un "cher disparu", un large public d'amateurs vient flâner au Père Lachaise et laisser courir son imagination dans cet étrange jardin. Les curieux se perdent dans le dédale des tombes, guidés par la beauté de certaines statues. Les familiers, eux, ont rendez‐vous avec les muses de cette nécropole qui, comme jailli de l'au‐delà, veillent les morts et inspirent les visiteurs. Certaines sont l'objet de culte, telle une madone que l'on honore. On leur glisse des fleurs entre les bras, on dépose des bouquets à leurs pieds. Sur le monument aux morts, d'Albert Bartholomé, des cierges consumés entre les corps d'un couple de gisants, sont encore la preuve d'un rite effectué…à l'amour, à la mort ! Là encore, une touche de rouge à lèvres réchauffe la froideur de la pierre. Mais en apparence, leurs formes attirent la main plus que le regard. Sous les caresses, les seins de bronze dressés, brillent dans l'intimité de la lumière du soir. Les reins de marbre sont lustrés par des attouchements anonymes.
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Le visage noyé dans une épaisse chevelure, la gorge offerte, la taille cambrée, le corps à peine voilé d'un drap qui se dérobe. Figées dans cet abandon, elles appellent à la consolation autant qu'au désir. Vu ainsi, l'érotisme est à son comble.
Allégories romantiques et baroques, ces sépultures n'ont rien de veuves éplorées. Elles sont l'expression même de la douleur, de la tendresse, du silence. Leurs regards troublés exaltent un amour perdu. Celles‐ci se pâment, celles‐là sombrent d'affliction. Leur beauté est un hymne à la sensualité. Leur éternelle jeunesse est un éloge à l'immortalité.
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Est‐ce la peur de la mort ou une tentative de l'exorciser qui a inspiré les artistes ? Paisible ou tragique, jamais cette dernière n'a été aussi théâtrale qu'au XIXème siècle. La statuaire funéraire est alors à son apogée. Les tombes rivalisent par leur originalité, l'orgueil sans crainte du ridicule, le lyrisme débordant, l'extravagance ou leur touchante modestie. Dalou, David D'Angers, Garnier et beaucoup d'autres exercent leurs talents au service des riches familles et eurent même l'occasion de rendre hommage à leurs confrères enterrés ici même, comme Falguière ou Barbedienne. Toute cette rhétorique funéraire allait disparaître avec notre siècle. Le refoulement de la mort exprimé à travers la sculpture à désormais laissé la place à la simplicité des stèles de granit. Extraordinaire musée dédié à la femme, le Père Lachaise avec sa statuaire funéraire au kitch démesuré, révèle l'attitude obsessionnelle de l'homme face à la mort.
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Créé en 1804, le cimetière du Père Lachaise, tient son nom du confesseur de Louis XIV qui possédait une maison sur ce site. Pour gagner la faveur du public, l'administration parisienne ordonna la ré inhumation d'ossements célèbres, comme ceux d'Héloïse et Abélard. Entre temps l'histoire y a laissé de grands hommes. Le terrain a même accueilli les sanglants combats de la Commune de Paris. Aujourd'hui, le cimetière de l'est parisien est un magnifique havre de paix de plus de 40 hectares verdoyants.
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