Les néocons sont de retour (4) : en Afrique, tout commence par des cadeaux, c’est bien connu
Le marketing militaire américain commence par un... potlatch, coutume héritée des tribus amérindiennes ou du pacifique. On fait un cadeau, qui signifie qu’on en attend un en retour, pour sceller un accord ou une amitié. Les américains l’ont bien compris, qui arrosent depuis l’ère Rumsfled toute l’afrique du Sahel ou du Maghreb en équipements militaires, ou font des offres sidérantes : lors du rééquipement raté de l’aviation algérienne en Mig-29, des avions obsolètes repeints à la va-vite par les russes, les américains s’étaient précipités pour faire une offre imbattable en F-16. Les soldes de janvier, en quelque sorte, mais qui n’ont pas marché, Moscou faisant une contre proposition à coup de 28 Sukkhoï Su-30 MKI à un prix tout aussi imbattable (2,5 milliards de dollars soit 90 millions pièce *). Non, en Afrique, les USA arrosent les pays de « cadeaux » militaires : des équipements de radio, pris sur leurs immenses surplus, des véhicules légers, etc... et attendent qu’en retour on leur commande des... avions de reconnaissance, de transport, ou de surveillance voire des F-16. Parfois, toute une armée se retrouve rhabillée aux frais du contribuable US. C’est un investissement marketing : un jour ou l’autre, quand il faudra commander des fusils, on prendra des M-4 et non des Kalachnikovs, histoire de ne pas dépareiller le look...

L'aide américaine au Mali est en effet conséquente. Notre site déjà cité à l'épisode précédent continuant la description précise de cette "aide" malienne : "De plus, entre avril et juin 2009, 300 soldats des Forces Spéciales étaient engagés au Mali afin d’instruire les forces maliennes dans trois bases. Et selon le lieutenant colonel Louis Sombora, vice commandant du 33ème régiment malien de parachutistes du Mali (qui était le récipiendaire de cette nouvelle aide américaine), plus de 95% de ses soldats ont reçu l’entraînement militaire américain. Au début novembre 2009, le brigadier de l’US Air Force, Michael W. Callan, vice commandant de l’US Air Force (le contingent des forces aériennes basées en Europe et dédié à l’AFRICOM) a visité le Mali avec d’autres personnels militaires, dans le but d’inspecter les forces militaires locales (y compris le 33ème régiment de parachutistes) et de faire le tour des installations militaires. Selon l’attaché militaire à l’ambassade américaine à Bamako, le lieutenant colonel Marshall Mantiply, le travail se fait “avec le ministère de la défense du Mali, avec un plan sur dix ans, afin de renforcer les capacités militaires du pays.’’ Et voilà comment on transforme une armée sans moyens en armée toute équipée en matériel US. Une fois la dépendance créée, il suffit d'attendre les prochaines commandes ou les demandes de renouvellement des stocks militaires... ce n'est qu'une question de Marketing, ou Al-Qaida sert de produit d'appel. Bienvenue au pays enchanté du supermarché ou la tête de gondole du jour sont les lunettes de vision nocturnes Elcan en promotion... ou les chargeurs transparents, très "tendance"...
C'est une politique volontariste, donc, destinée à créer un état de fait. Une dépendance en matériel militaire, essentiellement. Une invasion douce, d'une certaine manière. "Les mesures d’aide au Mali sont juste la dernière manifestation de l’implication militaire croissante des Américains dans la région du Sahel. Dans sa déposition du 17 novembre 2009, lors d’une audition du sous-comité du Sénat sur l’Afrique, portant sur la question de ‘’contre- terrorisme dans le Sahel’’, le secrétaire d’Etat pour l’Afrique, Johnnie Carson, a identifié le Mali - avec l’Algérie et la Mauritanie - comme étant un des pays clés de la région pour la stratégie américaine anti-terroriste. "Nous croyons que notre travail avec le Mali, qui consiste à soutenir plus d’unités capables de créer un environnement plus sûr dans le pays, portera ses fruits s’il est poursuivi’’, avait-il déclaré". Des fruits qui on vite mûri...
Et si ça ne mord pas assez, l'arrivée inopinée d'un ou deux avions rempli de drogue, en plein désert, permettraient de montrer du doigt les lacunes de la sécurité du pays. Ce fameux Boeing 727 retrouvé incendié alors qu'il provenait au départ de Sharjah, haut lieu des magouilles américaines, se présente alors sous un autre angle. On crée une situation, on introduit le loup dans la bergerie pour pouvoir ensuite faire remarquer au berger que ça ne se serait pas produit avec une bonne clotûre électrique. Et comme dans le pays il n'y a pas encore l'électricité partout, il y a GE qui déboule derrière, en évoquant pourquoi pas la vente d'une centrale nucléaire, qui sait : le pays a suffisamment de soleil pour fournir de l'électricité, mais le soleil ça rapporte moins, c'est bien connu. Et pour acheminer tout ce matériel, il faut des routes, du bitume, du pétrole. Bref, transformer l'Afrique en banlieue de Los Angeles. On retombe alors sur l'usage de la drogue, l'existence de gangs, la circulation des armes et une police qui demande des moyens supplémentaires ; Et là il y a Remington qui se pointe et qui dit : nous avons des lots de superbes M-16, vous savez... les mêmes que ceux sur lesquels on vous a formé il y a quelque temps....
Cela a déjà commencé, par la bande, un peu comme d'habitude, par le privé. "Un attaché militaire occidental a dit la que la Défense nationale de la Force aérienne du Mali possède environ 12 MiG-21 de fabrication russe , mais seulement six volent à un moment donné. Elle détient quelques chars et des véhicules blindés, mais ceux-ci ne sont pas adéquats pour lutter contre la guérilla". Voilà qui laisse augurer en effet de commandes futures de F-16, à prix "cassé" tant l'appareil est amorti depuis longtemps, qui peuvent passer par des propositions privées... américaines. "L'achat majeur le plus récent qu'ait fait le gouvernement fait pour les militaires était un BT 67, fabriqué par Basler Turbo Conversions LLC, de Oshkosh, au Wisconsin. Un appareil basé sur le DC-3. Lorsqu'il est configuré en tant que transporteur de troupes, il peut emporter un maximum de 40 soldats, précise le site Web de la compagnie. Le déplacement d'un régiment de parachutistes dans le Nord du pays nécessiterait donc trois longs voyages" note notre journaliste transformé en vendeur ou en rédacteur de publi-reportage. Northrop, qui peine à fourguer ses Spartan, copiés sur l'ex- Alenia G-222 italien (remarquable appareil, capable de....voltige, acheté par le Nigeria !) doit suivre le sujet du Turbo BT 76 de près... la piste de terre ne lui faisant pas peur, c'est sans nul doute le prochain investissement du pays, pour sûr. Au Pérou, il sert déjà à pister les avions de la drogue. Ce modèle là ou un Dash-8 comme les deux de surveillance radar qui sillonnent déjà l'Afrique (quand l'un des deux du Special Operations Command, dépendant de l' AFSOC, ne s'écrase pas comme celui près de Bamako le 19 nom-vembre 2009 !).
En novembre 2008, les américains avaient même sorti leur arme commerciale favorite pour tenter de séduire un peu plus les Maliens, lors de l'exercice "Flintlock" de Bamako : ils avaient amené leur meilleure danseuse. Le V-22 Osprey, le goufre financier volant (enfin quand il vole, pour l'instant il est à nouveau cloué au sol pour pertes intempestive de boulons sur les nacelles moteurs). Et les photographes "embedded" de faire de savants cadrages avec au premier plan l'ère préhistorique (un noir avec une Kalashninkov) et derrière le futur, un V-22 en train de décoller à la verticale (en ayant vitrifié le sable sous ses tuyères de turboréacteurs, mais c'est un autre problème encore là). Le New-York Times y avait été aussi de son article et de sa photo du V-22.
On a même eu droit à des photos et une vidéo de ces entraînements dirigés par le colonel Crytzer. Elle vaut le détour. Ça ressemble comme deux gouttes d'eau aux entraînement des mudjahidines quand l'armée américaine les formait pour attaquer les russes. Et comme on est fourni par les USA, on hésite pas à tirer en rafales.... un site vient de révéler que les soldats US consomment 1,8 milliard de cartouches par an... sidérante consommation qui aboutit à un chiffre faramineux : par taliban tué, il y a eu 250 000 cartouches de tirées... à la fin de l'entraînement, le militaire US se fend d'un "merci beaucoup, très bon entraînement" prononcé en français aux soldats maliens qui montre bien tout le décalage créé avec... la France ! Sur Global Post, les habituels cireurs de chaussure sont là pour titre : "l'armée américaine entraîne les soldats maliens à combattre Al-Qaida".... Par 105°C Farenheit "(40°C), précise même le scribouilleur de service. Un responsable de l'armée US lâchant le mot de conclusion, celui d'une comparaison qui devient une lourde évidence : "Ces zones les plus profondes du Sahara présentent des zones offrant la "sécurité d'un paradis", affirme lieutenant-colonel Chris Schmidt des Special African Operations ramenant au goût du jour un mot à la mode dès les premiers jours de la guerre en Afghanistan. D'une certaine manière, en effet, le Sahara c'est comme l'Afghanistan- un autre arrière-pays escarpé' et lourd d'histoire islamique où des milices sillonnent un vaste territoire non surveillé, de landes libres de tout gouvernement" : derrière le lyrisme du journalisme embarqué, il y a un aveu de ce que les Etats-Unis souhaitent faire du Sahara. Les USA souhaitent refaire un second afgjhanistan en commençant avec le même produit d'importation initial : Al-Qaida. Le gag étant que sur les clichés les soldats US apprenaient à tirer à partir de Toyotas 4x4 à l'arme lourde, ce que repochait notre ami Guitta aux membres de l'Aqmi, en parlant d'affuts anti-aériens. Comme autre image phare on avait un malien lorgnant sur le e "MP-5 automatic riffle" d'un soldat des U.S. Special Forces pris en photo le 10 mai 2010, à Kita. Pour ceux à qui ça ne dit rien, cet engin, rappelons que c'était celui dont avaient disposé les attaquants de Mumbaï, des engins savamment disposés par on ne sait qui dans les hôtels investis, avant même l'arrivée des terroristes... à part ça, David Headley en repérage n'aurait fait que des photos...
Ce jeu joué par les Etats-Unis est dangereux, car il est connu de tous. Certains plus vigilants que d'autres s'en inquiètent, tel Vijay Prashad du Pambazuka news, repris ici en web et qui craint fort que le Mali ne devienne le jouet de cette politique délibérée."Tout d'abord, il est clair que la « guerre contre le terrorisme » que la précédente administration des États-Unis avait adopté pour la majeure partie de ses engagements en politique étrangère peut, au mieux, conduire à des analyses erronées, et au pire servir de couverture pour d'autres intérêts. Comme exemple, on a l'AQMI qui n'apparaît pas comme une menace pour l'État malien en raison de son orientation vers un islamique radical. Al-Qaïda est tout simplement "un coup de propagande », comme Prashad l'écrit : AQMI est "une petite boutique avec un grand panneau", dont les activités sont presque entièrement criminelles, y compris les trafics illicites de drogues et d'armes, et l'enlèvement de touristes occidentaux et des diplomates dans le pays. Cela ne veut pas dire que l'AQMI n'est pas une menace, mais plutôt qu'elle ne peut pas être présentée comme un groupe où les convictions islamiques sont les éléments les plus importants" Ça a le mérite d'être clair comme analyse : ce sont des mafieux, contrebandiers de cigarettes ou de cocaïne, voire d'armes, et leur label d'islamistes est bel et bien usurpé. Les présenter à tout prix comme disciples de Ben Laden est un fieffé mensonge. Dans la presse, "Mr Malboro" alias Mokhtar Belmokhtar, le ravisseur des deux jeunes Linsellois a été abusivement présenté comme un "émir d'Al-Qaïda". Partout, on a repris la dépêche le présentant ainsi, comme chef religieux, sans jamais rappeler son surnom de contrebandier de cigarettes !
Des avions, ou plutôt pour commencer les véhicules du désert : "ils pourraient avoir des camionnettes (les Land Cruiser déjà cités) Toyota, probablement le véhicule le plus précieux sur le plan opérationnel,", a précisé l'attaché. "Et c'est ce qu'ils ont tendance à demander sur une base régulière." Et effectivement, c'est bien ce que les américains ont distribué en priorité... comme le relate le rapport de 2009. Fournis par un contrat régulier du TACOM. Mais pour fourguer ça, il faut un adversaire : rien de tel qu'Al-Qaida... Or qui est venu répandre dans la presse l'idée d'un nouvel "havre paradisiaque pour AlQaida au Mali" (toujours le même Guitta bien sûr, dans un texte assez savoureux, en date du 20 février 2010 sur Global Post. Qui commençait, comme tout texte de propagande, par un hommage appuyé au gouvernement du Mali. "Le Mali bénéficie d'une très bonne réputation dans le monde entier. Il bénéficie d'une démocratie dynamique avec un système multipartite, une économie de marché et la tradition d'un islam modéré". Ah tiens, là, soudainement l'islam n'est plus un "ennemi fondamental...."
"Mais les choses pourraient évoluer" continue notre vendeur déguisé de matériel, notre VRP de chez Lockheed Martin ou de Boeing/Grumman : "depuis 2001, des signes inquiétants sont apparus, par exemple, la prolifération de la photo d'Oussama Ben Laden dans les étals du marché de Bamako et l'augmentation exponentielle des stations de radio prêchant l'Islam radical."... Ah, si la photo du mort-vivant s'affiche partout, ça change tout. Conclusion de Guatti : "si le Mali n'arrive pas à se ressaisir et à lutter contre le terrorisme, des années de bonne gouvernance pourraient déboucher sur un foyer de l'extrémisme". Un Guatti qui débute même son texte alarmiste par un étonnant "le Sahel - cette vaste région semi-arides d'Afrique du Nord au sud du désert du Sahara - est considérée par certains experts comme un futur Afghanistan". Ah revoilà le mot magique prononcé par Chris Schmidt !
Sachant comment est apparu Ben Laden à cet endroit, et ce à quoi il a servi, et qui a été mis en place comme président on comprend tout de suite ce qu'il veut signifier par là, notre propagandiste. Les Etats-Unis sont en train d'étendre le mythe du terrorisme en Afrique du Nord, où à cette date ils sont encore peu présents, même avec la CIA qui s'efforce de contrecarrer les autres services secrets, dont celui des français. Leur "adversaire" sur place étant en effet la DGSE française, la sphère d'influence post coloniale subsistant toujours. D'apprendre qu'un attentat "islamiste" contre l'ambassade de France a eu lieu au Mali résonne fort bizarrement, tout à coup....le titre de notre propagandiste disait tout déjà : "Le Mali, un nouveau paradis pour Al-Qaida"... voilà comment on crée des mythes, et surtout comment on les entretient...
(*) dans le contrat brésilien du rafale, il était prévu 6,2 milliards de dollars pour 36 appareils : 172 millions pièce (116 millions d'euros), donc. Au final, la France descendant de 40% son prix : soit 103 millions de dollars l'unité. Par comparaison, le Maroc avait eu une offre de 32 F-16 pour moins de 2 milliards de dollars (à 62,5 millions l'appareil), la France ayant proposé 18 Rafale pour 2,3 milliards d'euros (128 millions d'euros pièce : 188 millions de dollars, trois fois le prix d'un F-16 !). Et vous voudriez que ça se vende ?
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