Les obsèques nationales de Johnny Hallyday n’ont pas eu lieu
Rassurez-vous, Johnny n’est pas mort mais selon certaines sources, alors qu’on le disait très mal en point sur son lit d’hôpital en Californie, l’Elysée s’était préparée au pire, improvisant dans l’urgence des obsèques nationales avec rapatriement de la dépouille en avion présidentiel et descente du cercueil sur les Champs Elysée. Cette révélation vient d’être rendue publique, servant de teaser pour vendre un prochain livre consacré aux 100 jours où tout aurait basculé selon les auteurs de ce livre qui va s’arracher dans les bonnes librairies.
100 jours, faux lapsus et joli coup. 100 jours, ça nous vous rappelle rien ? C’est ainsi qu’on désigne la courte période au cours de laquelle Napoléon revint de son exil forcé pour reprendre le pouvoir avant la chute finale et l’exil définitif sur une petite île de la Méditerranée. Il faut dire que Johnny, c’est un peu l’empereur de la chanson française, enfin, disons qu’il a une place de figure nationale et qu’en plus de la légion d’honneur, un improbable disciple de Sarkozy pourrait demander le transfert de ses cendres au Panthéon au cas où. Aux grands hommes, la patrie reconnaissante. Au Panthéon, après Camus, Monsieur Smet, grande figure de la culture dont l’aura commença peu après le décès un jour de janvier 1960 de l’auteur de la Peste. Quant à ces 100 jours, comme il faut bien remplir les bonnes feuilles d’un livre vendu au poids de scoops, on retiendra les bisbilles entre le producteur Jean-Claude Camus et notre chanteur national dont la dernière tournée aura finalement signé la fin d’un règne. 100 jours, c’était aussi la dernière tournée de Napoléon, mais sur une autre scène, plus sérieuse, celle de l’Histoire qui s’écrit avec un grand H.
Imaginez ce cercueil, exposé une nuit sous l’Arc de Triomphe, puis le lendemain, un immense cortège sur les Champs, une foule bigarrée, un million de Français, suivant la dépouille, vouée à finir au Père Lachaise ou, ordre de dernière minute, au Panthéon. Vous voyez l’image, vous ressentez cette émotion, cette ferveur, cette cérémonie où l’on adresse un dernier hommage à celui dont les phrases, les mots, les textes, les paroles, sont gravés à jamais dans la mémoire nationale. Oui, vous êtes dans un moment de l’Histoire de France, mais pas au 21ème siècle, je vous ai bien eus, le cortège que je viens de décrire s’est déroulé un mois de mai en 1885, alors que Victor Hugo venait de décéder et que la toute jeune Troisième République avait profité de l’occasion pour faire reluire son image et célébrer le poète que l’ancien régime avait auparavant voué à s’exiler sur une île anglo-normande.
Eh oui, l’Histoire se répète mais sous forme de farce comme le dit un bon mot de Marx. Ainsi, les historiens auraient pu écrire que les obsèques de Johnny Hallyday avaient servi de lustre pour la toute jeune République en rupture de Sarkozy. Johnny, ce malheureux qu’un Antoine condamna à être enfermé dans une cage à Médrano, en pleine époque yéyé, avec ces élucubrations signant la joyeuse désinvolture de toute une jeunesse prête à épouser les slogans de mai 68. Autant le dire, Johnny, c’est tout un symbole. Sarkozy, prononçant un discours, sur le grand chanteur, lui aussi exilé, non pas pour ses paroles sulfureuses comme Hugo fuyant une dictature de la pensée mais pour son argent. Johnny exilé en Suisse, traqué par le fisc français.
Cette mise en abîme a révélé le style de deux époques. La République des lettres, quand Hugo décéda et pour parler comme Régis Debray, un régime alors ancré dans la graphosphère. Alors que la République des célébrités, ancrée dans la vidéosphère, se préparait pour des obsèques nationales du plus médiatique des chanteurs français. Quel changement d’époque, 125 ans nous séparent de la mort d’Hugo, dont les livres se vendent presque aussi bien que les disques de Johnny !
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