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- Le F35, que la Suisse achète pour des milliards, va-t-il entrer dans le magasin des accessoires technologiques face à la concurrence des petits drones ? (Crédit image : wikipedia.org)
Elon Musk & Co. s’associent pour concurrencer les inflexibles géants de l’armement avec des armes de petit format, bon marché et autonomes.
Christof Leisinger pour le journal en ligne INFOSperber
Donald Trump n’a pas encore pris ses fonctions que déjà on voit une partie de son entourage engagé délibérément dans sa campagne pour profiter économiquement des liens qu’ils auront pu tisser avec lui et son gouvernement. Ce que laissaient augurer dans un premier temps les cours astronomiques de différentes entreprises, cela se confirme maintenant.
« Palantir et Anduril, deux des plus grandes entreprises américaines de technologie de défense mènent actuellement des négociations avec une douzaine de leurs concurrents pour constituer un consortium qui répondrait d’une seule voix aux appels d’offre du gouvernement américain, ce qui leur permettrait de faire voler en éclats l’oligopole des anciens enchérisseurs. », écrit le Financial Times.
Elon Musk et consorts tirent les ficelles
Parmi les entreprises présentes à ces négociations, on aurait identifié SpaceX, d’Elon Musk, OpenAI, le créateur de ChatGPT, Saronic, le constructeur d’embarcations autonomes et Scale AI, le spécialiste de la structuration de données pour l’intelligence artificielle, rapporte le journal britannique par l’intermédiaire de plusieurs personnes proches du dossier. « Nous travaillons ensemble pour créer une nouvelle génération d’entreprises de défense. », a conclu l’une des parties prenantes au développement du groupe.
Cet article arrive maintenant que tout le monde sait qui a soutenu Donald Trump dans sa campagne électorale, qui s’active dans sa mouvance et peut avoir de l’influence sur ses décisions — comment on prévoit que va être constitué le gouvernement à Washington et qui seront ses conseillers. Cette mouvance a déjà laissé entendre, dans les semaines et les mois qui viennent de s’écouler, des points de vue critiques vis-à-vis des comportements habituels dans la défense et dans l’armement.
Prix par rapport à la valeur comptable Palantir Technolgies
Les spéculations sur de nouvelles ressources dans le secteur de l’armement vont bon train.
« Il n’y a que des idiots pour construire la version habitée de l’avion de combat F35 », avait écrit, par exemple, Elon Musk sur son propre réseau social X. Il affirme que le rapport performances-prix de ce projet ne convient pas et que le design est à revoir. Qui donc sera étonné d’apprendre que les entreprises de technologie qui ont des intérêts spécifiques dans le domaine de l’armement essaient maintenant de tirer à elles la plus grande part de l’astronomique budget de la défense du gouvernement américain, à hauteur de 850 milliards de dollars ? Les traditionnels géants de l’armement que sont Lockheed Martin, Raytheon, Northrop Grumman, General Dynamics, L3Harris ou même Boeing n’en auraient plus que les miettes.
Le consortium réunirait quelques-unes des entreprises de la Silicon Valley dont la valeur boursière est la plus élevée et s’appuierait sur ses produits et son savoir-faire pour proposer au gouvernement américain à l’avenir des systèmes de défense et d’armement moins dispendieux et plus performants, ajoute encore le Financial Times.
La valeur de l’action Palantir a désormais dépassé celle de Lockheed Martin
Tout ceci explique que, ces dernières semaines, non seulement le cours de l’action de Palantir, le spécialiste américain de l’analyse de données, ait crevé le plafond, mais aussi que des start-up en technologies de défense aient obtenu des financements records cette année. Les investisseurs parient qu’ils vont faire partie des gagnants puisque le gouvernement Trump a deux priorités : d’une part, faire baisser significativement les dépenses publiques, d’autre part, dépenser plus d’argent pour la sécurité fédérale, voire pour la recherche spatiale.
Meanwhile, some idiots are still building manned fighter jets like the F-35 🗑️ 🫠
pic.twitter.com/4JX27qcxz1— Elon Musk (@elonmusk) November 24, 2024
Palantir, qui est aujourd’hui plus valorisé à Wall Street que Lockheed Martin, a été cofondée par l’investisseur Peter Thiel, qui avait commencé par débloquer des fonds pour Anduril, une entreprise spécialisée dans les systèmes autonomes, l’intelligence artificielle et les technologies de défense avancées ; Anduril a fait ses premiers pas en 2017 et est aujourd’hui valorisée à 14 milliards de dollars. SpaceX et OpenAI, avec des valorisations à 350 et 157 milliards de dollards, ne jouent manifestement pas dans la même cour. SpaceX et Palantir vivent depuis des années déjà de gros contrats publics, et beaucoup d’autres essaient de leur emboiter le pas. Cela vaut surtout pour ceux qui auront à l’avenir des accointances particulièrement étroites dans les cercles les plus proches du futur pouvoir à Washington.
Musk, Thiel, les dirigeants de Palantir, Alex Karp et Joe Lonsdale, ceux d’Anduril, Trae Stephens et Brian Schimpf, se connaissent de longue date et veulent maintenant que leurs entreprises réussissent ensemble. Ils font partie de ceux qui estiment depuis longtemps déjà que l’approvisionnement en équipements de défense aux USA est lent, cher et éloigné du marché de la concurrence. Parmi les firmes les plus anciennes, un petit nombre comme Lockheed Martin, Raytheon ou Boeing ont été favorisées du fait de leurs bonnes relations.
Elles ont mis au point pour l’État américain des bateaux, des chars et des avions, ce qui a souvent duré des années et atteint des coûts très élevés. Aux yeux des critiques, ce qui justifie les coûts énormes du budget de la défense américaine, ce n’est pas seulement que le pays avait beaucoup d’anciens soldats à réintégrer dans la vie civile, ou beaucoup d’armes à acheter, c’est aussi que les producteurs, dans le passé, étaient peu incités à prendre en compte leurs performances.
L’industrie de la défense de la Silicon Valley est en plein essor ; pour sa part, elle veut ouvrir le marché à des armes plus petites, moins dispendieuses et autonomes. Celles-ci, dans les conditions d’un conflit moderne, sont censées mieux protéger les USA et leurs alliés à des coûts notoirement plus faibles, c’est du moins ce que dit la propagande de ses fondateurs et dirigeants. Mais ce qui est sûr aussi, c’est qu’ils ne sont pas altruistes et qu’ils veulent gagner le plus d’argent possible.
C’est sur l’armement que Lockheed Martin fait son plus gros chiffre d’affaires. © Christof Leisinger
Traduction de l’allemand, Didier Aviat
L’article original est accessible ici
Cet article est initialement paru sur le site de notre partenaire Pressenza le 15 janvier 2025.