Les ordonnances du Dr Hollande
Malaise à gauche. Alors que l'omniprésidence Sarkozy s'est accompagnée, c'est tout le paradoxe, d'un renforcement des droits du parlement, François Hollande, entre ordonnances et accord social, tend à s'affranchir du parlement. Mais a-t-il vraiment le choix ?

Peut-on lutter efficacement contre le chômage par la loi ? Pour François Hollande confronté à une dégradation inégalée du contexte économique depuis les années 30, la réponse est non. L'ancien Premier secrétaire du Parti socialiste a en mémoire l'erreur, lourdement payée sur le plan comptable, de la mise en œuvre des 35 heures. A la brutalité de la loi qui tombe tel un couperet, et souvent élaborée par des parlementaires dont très peu sont issus du privé, François Hollande préfère la négociation sociale.
A l'issue de trois mois de tractations, un accord entre patronat et syndicats a été signé le 11 janvier aussitôt salué comme "Un succès du dialogue social" par un François Hollande adepte du compromis social. Un joli coup politique qui pour entrer dans l'histoire du dialogue social implique de ne pas être dévoyé par la représentation nationale. Or, la gauche de la gauche et une partie des parlementaires socialistes, s'appuient sur le rejet de l'accord par la CGT et FO pour vouloir l'amender en dehors des espaces vides qu'il laisse au moment même où la droite indique être prête à voter le texte sous réserve qu'il ne soit pas modifié …
Un pavé dans la mare pour notre pays où l'on a souvent entretenu le fantasme d'un pouvoir politique qui pourrait tout et qui devrait s'occuper de tout. La révolution de velours menée par François Hollande consiste à vouloir inscrire la France dans la démocratie sociale. C'est parfois plus long et compliqué mais c'est, a priori, plus efficace.
L'accord social, plus fort que la loi ? Demander au parlement de respecter l'équilibre d'un accord négocié entre partenaires sociaux, ce n'est pas couper les ailes au législateur. C'est initier dans un pragmatisme assumé, un équilibre des pouvoirs profitable à tous.
Qui trop embrasse mal étreint. A force de légiférer sur tout et n'importe quoi, souvent dans une qualité rédactionnelle et de fond médiocre, notre système politique est devenu un frein à l'adaptation de la société française au monde concurrentiel qui l'entoure.
Le principe selon lequel il faut laisser du temps au temps est aujourd'hui dépassé. En France l'inflation législative et réglementaire est telle que tout désormais nécessite des délais beaucoup plus longs que partout ailleurs. Ce carcan administratif sclérose profondément notre pays et freine toutes les initiatives, constituant de fait une prime à l'immobilisme et aux corporatismes.
Après une poignée de mois à la tête de l'Etat, François Hollande, au contact direct de la contrainte extérieure a compris que sa survie politique est étroitement liée à sa capacité de muer la tortue en lièvre. Le recours annoncé aux ordonnances pour lever certains blocages et tenter de relancer l'activité en est la parfaite illustration. Prisonnier d'un slogan de campagne présidentiel choisi un peu trop vite, le Chef de l'Etat est condamné à accélérer le tempo et à envoyer des signes très concrets aux Français indiquant que le changement promis est bien au rendez-vous.
Contraint de se faire violence, François Hollande est conduit à tenter de gagner du temps en échappant à la procédure parlementaire classique. Certes la plupart d'entre eux lui doivent leur élection, mais tel Brutus, ils n'hésiteront pas à poignarder le père pour tenter de conserver leur fauteuil dans un contexte où la popularité de l'exécutif déjà basse ne devrait pas s'améliorer de sitôt. Car le risque est bien là pour la présidence. Se mettre à dos des groupes parlementaires pléthoriques prêts à s'affranchir de leur devoir de solidarité pour sauver leur peau.
Pourtant, à Dijon mardi dernier, François Hollande a conclu son discours par une phrase qui n'est pas passée inaperçue : "Il nous faudra forcer l'allure pour atteindre la bonne direction". Un cap et un rythme soutenu, soit exactement ce que les détracteurs du président lui reprochaient de ne pas avoir.
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