Les otages du Niger : une équipe fort restreinte responsable (I)

"Le Tigre chasse de nuit" dit en effet le commentaire de cet hallucinant reportage de commande, signé pourtant France 2, qui décrit exactement trait pour trait ce qui a pu se passer ce soir-là dans le désert ! Un "reportage" de pure propagande gouvernementale diffusé le matin de la Cérémonie du 14 Juillet 2008. Où tout est en place : les Cougar accompagnés par un Tigre, les caméras thermiques et l'équipement fort particulier de ce dernier. Notamment ce qui lui permet ses ses capacités de vision nocturne, grâce aux casques "Topown" signés Thalés, des casques ultraperformants valant une fortune chacun ; 150 000 euros pièce, "le prix d'un appartement sur la Seine" explique même le reportage ! Et ce fameux "Tigre invisible dans le noir", à moins d'avoir des lunettes à infra-rouges comme les membres du COS qu'il est chargé de protéger... Un reportage où il est dit par le responsable armurier l'adjudant-chef Freulon, que les "obus du Tigre sont mortels dans un rayon de 30 m autour de l'impact !" (à 3'59 du début). Selon le même, "à 1 km on ne rate jamais sa cible" car " on a 100% de coups au but à 1000 m" avec un tel appareil ! Le must de cette incroyable mise en scène étant le but avoué de l'exercice du jour présenté à la télévision. Vous n'allez peut-être pas le croire, mais "l'objectif final est de récupérer des otages français grâce à des commandos" (à 6'03") dit de façon fort prémonitoire par Loïc de la Mornais, le portraitiste appuyé de Fadela Amara (avec Emmanuel Beke, le cameraman) fan d'espace. Les deux auteurs d'un reportage du 16 octobre 2004 assez ironique sur G.W.Bush en Ohio avant l'élection contre Kerry, à qui de la Mornais donnait conseil à la fin de son reportage. Non, vous ne rêvez donc pas : à l'été 2008, dans le Vaucluse, on a répété à la lettre la scène d'attaque du Niger !!! L'armée française, en mal de joujou, est-elle allée jusqu'à imposer ses vues à ce point en Afrique ? A-t-on voulu tester ces hélicoptères en situation réelle ? A t-on cherché à rejouer ce que montre cet effarant reportage datant d'il y a un an et demi déjà ? "les Tigres agissent tout simplement comme des tireurs d'élite"... termine le commentateur : c'en est trop, là ! Même si au Niger aucun Tigre n'a été vu en vol, on a bien tiré, mais certainement pas comme des tireurs d'élite !
L'information nouvelle a été donnée dans la presse régionale par Frank Berton, l'avocat de la famille de Vincent Delory, l'un des deux otages tués au Niger, lors de son point presse pour expliquer où en était l'enquête. Dans le corps du malheureux, des plaies dues à des projectiles, dont plus personne déjà n'évoque la liaison avec des munitions de Kalachnikov, contrairement à ce qu'avait tout de suite affirmé Mr Juppé. Et la présence dans le corps d'un projectile fort particulier, qui relance toute l'affaire, puisqu'il s'agit d'une balle de calibre .30, à savoir de 7,62mm, celle tirée par les mitrailleuses belges des Cougar. Le malheureux Vincent Delory, mort d'asphyxie liée à l'incendie selon le procureur chargé de l'enquête, a été l'objet d'un mitraillage en règle qui n'a donc rien de terroriste. Sa famille, qui a demandé des explications aux autorités est en droit d'exiger réparation pour la conduite de la tentative avortée de sauvetage : on ne mène pas une pareille opération de la sorte si l'on souhaite que ces otages survivent. Ils ont été condamnés par une décision inique. Le Tigre n'a donc pas participé, mais tout le déroulement est celui décrit dans le reportage ; un an et demi auparavant, l'armée et le COS avaient déjà écrit et mis en scène leur future intervention qui se terminera par ce lamentable fiasco ! Qui était présentée sous de bien meilleurs auspices ! Incroyable découverte !
Tout était donc réglé comme du papier à musique, il n'y avait plus qu'à attendre... l'occasion, pour que les militaires français mettent en branle leur fameuse technicité tant vantée. Le patron du COS s'est pris manifestement pour le responsable du GIGN : il aurait dû prendre davantage de leçons auprès de l'organisme spécialisé avant de lancer ses hommes au Niger. Car on a assisté, après ce film enjôleur, à une réalité bien plus sordide. Dont il a fallu très vite se dépêtrer, tâche que l'on a confié à des journalistes, et pas n'importe lesquels. On a vu apparaître rapidement en effet dans la presse et sur le net un texte, intitulé "Révélations sur notre raid éclair" repris un peu partout (chez la droite dure comme ce Beaudet qui appelle Lugan, le chantre de l'apartheid, admirateur de Terreblanche, à venir parler de la Tunisie !) et fort candidement par une association de militaires fort maladroits, à partir de la plume d'un dénommé Frédéric Pons, de... "Valeurs Actuelles". Un journal faisant auparavant partie du groupe Valmonde "devenu (en 1990) une filiale à 100 % de la holding Dassault Communication de Serge Dassault" nous apprend Wikipedia. Et aujourd'hui tenu à 66,66% par Pierre Fabre (les labos pharmaceutiques), qui détient aussi les photos de Sipa Press, devenu Grand Croix de la légion d'honneur en 2009 (on se demande bien par qui ? ***). Les éditoriaux du journal sont signés François d'Orcival, de son vrai nom Amaury de Chaunac-Lanzac, ancien de Jeune Nation et partisan de l'Algérie Française. Il fera ses armes de journaliste chez "Défense de l’Occident" de Maurice Bardèche, avant d'écrire un livre sur la Rhodésie, terre d'accueil des pires mercenaires ayant existé et un autre sur... L'OAS, au nom très révélateur : "Le courage est leur patrie". Dans cet incroyable texte, repris partout chez les supporters de l'armée, F.Pons nous donne une version des faits qui disculpe d'emblée nos vaillants militaires : son texte débute par une sentence sans détours. "L'audacieuse opération du 8 janvier a échoué à libérer nos otages. Elle démontre pourtant une détermination et des savoir-faire dont les Français peuvent être fiers". A partir de là, le journaliste va délivrer la version que voudraient bien nous fourguer les militaires et le gouvernement, c'est clair, mais s'enfoncer tout seul dans ses évidentes contradictions. Il n'y a pas que France 2 qui est aux ordres, depuis 2007.
Une chose ne doit pas nous échapper, en effet : toute l'action a eu lieu de nuit, vers deux heures du matin. Et pour viser d'hélicoptère comme cela a été fait, ce n'est pas sorcier : il n'y a qu'une seule solution, en effet, celle de tirs à jumelles de vision nocturne (JVN) à bord d'hélicoptères, que nous a donné la révélation de la découverte d'une balle d'un calibre de 7,62 dans le corps d'un des deux otages. Des jumelles ainsi décrites par un militaire en ayant fait usage : "Le pouvoir de résolution est faible, on ne peut déceler un objet de diamètre apparent inférieur à 1,5 m à une distance égale ou supérieure à 1000 m. Cela implique qu'on ne peut voir les lignes (mais aussi les branches d'arbre mortes, antennes, clôtures, câbles de toutes nature etc..) à distance suffisantes pour les éviter. " A partir de là, la mort des otages était programmée et le discours de F.Pons totalement ruiné : "Leur mort est du fait de bombardement du véhicule 4X4 par l'Hélicoptère français qui a pris les ravisseurs en chasse à la suite de l'armée nigérienne », précise notre source. Le véhicule des fugitifs était couvert par une bâche. Les occupants ont eu, auparavant un accrochage avec les gendarmes nigériens lesquels ont subi quelques pertes (au moins deux officiers blessés). Les poursuivants, affirment nous sources, ont continué la poursuite à l'intérieur des frontières maliennes (...) C'est là qu'est intervenu l'hélico de combat de l'armée française. L'engin a ouvert le feu et n'a laissé aucune chance aux occupants du véhicule. En plus des deux français tués, les quatre membres d'AQMI ont été également abattus. Leur véhicule ainsi que celui de la gendarmerie nigérienne ont été incendiés ». Nos sources sont, on ne peut plus formelles" nous raconte B.S. Diarra de Bamanet, journal en ligne de Bamako. Lesquelles sont-elles, ça n'est pas précisé : visiblement, elles ne peuvent qu'être militaires, certains n'ayant peut-être pas apprécié la décision d'attaquer de la sorte. Les ordres, ça ne se discute pas, mais ça n'empêche pas de penser.
"Quatre membres" d'Aqmi ? Pour piloter trois voitures et surveiller les otages, français et nigériens ? A qui va-t-on essayer de faire croire ça ? On peut piloter un 4x4 et surveiller des otages en même temps ? Impossible : le rôle des gendarmes-otages nigériens est donc nécessairement et obligatoirement plus que trouble ! Pons va décrire tout autre chose : Après avoir raconté un premier accrochage avec les nigériens, notre plume de guerre, décidément très en verve, va nous décrire la scène fondamentale, celle déjà décrite plus haut par BS.Diarra : "les terroristes montent une nouvelle embuscade. Ils recouvrent leurs deux 4x4 de bâches pour faire croire à un campement de nomades touaregs. Ils ont l'avantage du terrain et de l'ouverture du feu. Surpris, les gendarmes sont "explosés" en quelques secondes : un ou deux morts, quatre blessés, leur véhicule est pris. Les survivants se replient dans la nuit vers Ouallam. Ils n'ont plus de moyens de transmission, ce qui explique l'alerte tardive. Lorsque le compte rendu arrive enfin à Niamey, le bilan est minimisé : il n'indique pas clairement la capture de leur 4x4, ni celle des quatre gendarmes". Les activistes auraient donc selon lui repris le chemin et fait un deuxième bivouac avec la même méthode de camouflage : ils se savent poursuivis par les nigériens et les français, et s'arrêtent donc DEUX fois dans le désert ? Un peu étrange, comme comportement : ils auraient attendu des renforts, paraît-il, pourquoi pas, si notre homme nous le dit, on veut bien le croire. Pons vient en fait de nous expliquer en fait l'attaque... française, réalisée en effet sur des voitures dissimulées sous des tentes de touaregs... Mais effectué à la 7,62 MAG 58 de FN Herstal décrite dans mon article précédent, pour qui la déclaration de Frank Berton sonne comme une confirmation. Premier ou deuxième bivouac, en tout cas, cela provoquera un véritable carnage, obligatoirement, avec pareille arme, autant chez les terroristes que sur leurs prisonniers, qu'ils soient nigériens ou français. Impossible de savoir si l'on va ou non toucher les bidons d'essences emportés par les activistes ou les réservoirs des véhicules. Impossible également de distinguer sous la toile de bâche où se trouvaient les otages : l'homme qui a décidé d'attaquer ainsi avec de tels projectiles est celui qui a condamné à mort Vincent Delory et Antoine de Léocour, c'est une certitude. Et cet homme a lui-même reçu un ordre venu de plus haut, ce qui est tout aussi sûr. On imagine mal le commandant du COS cacher quoi que ce soit au Président...
Un carnage qu'il faudra cacher sous une propagande évidente : c'est ce que va écrire Pons, dans des termes qui frisent le grotesque et l'indécent : selon lui, bien entendu, ce sont les gens de l'Aqmi qi ont tiré les premiers... sur des hélicoptères arrivant tous feux éteints... (ou alors les pilotes français sont des buses complètes à attaquer tous feux allumés, à se demander pourquoi s'équiper de lunettes à vision nocturne !). En fait, tout le texte de Pons sent la manipulation : "la riposte est instantanée mais d'une précision extrême. Deux terroristes veulent s'enfuir à pied, emmenant un otage. C'est Antoine. Cernés, ils l'abattent, "à bout touchant" derrière la tête, après l'incantation rituelle - "Allahu akbar..."-, avant de mourir à leur tour. Resté dans le pick-up, Vincent est aussitôt mitraillé par le terroriste qui le gardait". Tout ceci est décit de manière grossière et sonne plus que faux, car tout a été fait d'hélicoptère, car l'on sait que le pauvre Vincent Delory est mort brûlé sur la moitié du corps, ayant reçu des balles dont une de... calibre .30 (7,62) est restée dans son corps, déclarée bien entendu déclarée "non léthale" par le médecin légiste. Cinq impacts et une balle l'ont atteint : il s'agit bien d'un mitraillage, mais certes pas celui que décrit Pons. La description du terroriste déclamant son prêche prête à sourire, si les circonstances n'étaient pas aussi tragiques : les seuls à pouvoir avoir entendu ces paroles sont les pilotes de l'hélicoptère d'attaque, et le boucan de leurs moteurs bruyants, ou les tireurs munis de leurs casques pour communiquer avec les pilotes : les parachutistes largués de Transall ou de C-130 n'arriveront qu'après l'attaque de l'hélicoptère. Même à bord d'un Cougar, il est impossible d'avoir entendu ce genre de déclamation, venue là dans le discours pour faire "plus islamiste", c'est une évidence : ce n'est pas du journalisme, c'est de la propagande de bas étage et c'est aussi prendre les lecteurs pour des imbéciles, ce que n'hésite pas à faire Pons, imitant les scribouilleurs chargés de réécrire les fausses épopées irakiennes de l'équipe Bush. Il faut bien vendre une théorie et non pas parler des faits réels. Il faut bien faire à tout prix de mafieux trafiquants de drogue attirés par les sommes astronomiques versées des islamistes enragés, pour l'opinion publique. C'est de la manipulation.
Vincent Delory, dans le 4x4 et sous la bâche, n'a rien eu le temps de faire et est mort sous les tirs d'hélicoptère : sous la tente, en pleine nuit, aux jumelles présentant des fantômes verdâtres, personne n'a donc pu voir la scène décisive décrite : "Resté dans le pick-up, Vincent est aussitôt mitraillé par le terroriste qui le gardait" nous assène l'ineffable Pons, oubliant que le 4x4 lui-même était sous une bâche, et que personne n'a pu voir cette scène en détail : la raconter ainsi est une tentative de désinformation. Pour Pons il était dans le 4x4, pour Juppé sorti du 4x4, de toutes façons. Qu'ils accordent au moins leurs violons ! Idem pour les déclarations du Parquet le 3 février : "selon le parquet, le décès du jeune Français est « à mettre sur le compte des effets thermiques dégagés par un foyer d'incendie » et non « en relation avec des plaies par armes à feu". Le procureur de la République, Jean-Claude Marin (*), précisant dans un communiqué, que les produits toxiques dans la voiture dans laquelle il se trouvait sont à l'origine de cet incendie mortel" . A l'entendre, on finirait par croire que l'incendie s'est déclaré tout seul à bord du 4x4, mais il annihile complètement la thèse du récit de Pons, c'est déjà ça ! En somme, aussi, l'otage a reçu 6 balles, mais il n'en est pas mort... C'est tellement mensonger, c'est tellement grotesque comme compte rendu, que ce genre de littérature me donne la nausée. Et me fait hélas réfléchir à pire encore, tellement on cherche ainsi à se moquer du monde, et de la mémoire de ces deux vrais amis et leur fabuleuse bande de copains dont la dignité a été exemplaire, et qui n'avaient rien demandé à personne... demain, j'évoquerai cette pensée cauchemardesque, car à mon avis nous ne sommes pas loin d'une bavure bien plus grave encore, à lire les versions manipulées des événements.
PS : la photo des tireurs est prise en 1994 à bord d'un Puma, ce n'est pas l'engin ni l'arme qui ont été utilisés, le cliché sert à démontrer que le port du casque empêche d'entendre ce qui se passe à l'extérieur...
(*) largement soupçonné d'être le relais du pouvoir, comme l'avait si bien vu Bakchich : "doté d’un grand sens politique, il a d’abord été balladurien, pour virer chiraquien, avant de tourner sarkozyste, avec à chaque fois un objectif : sa carrière".
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