Les otages du Niger : une équipe fort restreinte responsable (II)
L’intervention française au Niger a viré au carnage, c’est une évidence à ce jour non assumée, contrairement aux déclarations faites aux familles par le chef de l’Etat : il y a bien des responsables à ce fiasco, dont lui même, entouré par une équipe fort restreinte qui nous a livré un an et demi avant le processus avec lequel elles allaient mener l’assaut. Deux généraux sont en cause, et des membres du ministère, très proches du chef de l’Etat, qui ont tous pris la décision non pas de sauver les otages, mais de se débarrasser d’une menace islamiste qui n’en n’est pas vraiment une. Les français ont bien élu en 2007 un Bush bis, dont les talents de matamore se révèlent désastreux : entouré d’incompétents notoires, comme G.W.Bush, mal informé ou persuadé de la valeur de ses responsables militaires, le président français ne pouvait que prendre la mauvaise décision. Elle avait été déjà prise il y a plus de six mois, cette décision : à la prochaine prise d’otages, c’est sûr, il n’y aurait pas de quartier.

Les militaires s'empêtrent tous seuls dans leurs contradictions ou dans la promotion éhontée de leur nouveau jouet, on a vu dans le chapitre précédent. Tirer de nuit à la lunette amplifiée avec une MAG 58 sur un campement de toile d'où l'on ne distingue pas un seul individu où sont maintenus des otages ne leur laisse aucune chance à ces mêmes otages. Aucune. C'est un massacre délibéré, pas une tentative d'extraire des otages des mains de leurs ravisseurs. Les commandos du COS, guidés par le Bréguet Atlantic, atterriront ensuite sur la scène de l'attaque, tous les tirs ayant eu lieu d'hélicoptère. C'est déjà une décision de mise à mort certaine, donc, dans ses conditions : nulle envie de libérer les deux otages de cette manière ! Maintenant, imaginons pire encore : l'un des deux otages est déjà mort, dans l'incendie du 4x4 contenant des bidons d'essence supplémentaires, qu'avaient emportés les terroristes. Ceux qui ont provoqué l'incendie des 4x4 cachés sous les tentes. A t-il réussi de lui-même à s'extraire du brasier ? On ne le saura jamais. L'autre otage est peut-être bien encore vivant, qui sait, comme deux soldats nigériens, blessés, mais il a vu toute la scène et vu son copain mourir sous ses yeux, sous les balles des hélicoptères français. Qu'en faire ? La réponse, je vous la laisse la trouver : je n'aurais jamais pensé un jour avoir à écrire ça, mais la façon sans honneur aucun avec lequel on vient de tenter de nous vendre ce massacre organisé comme un haut fait d'armes me révulse, complètement, et cette hypothèse encore plus révoltante me hante depuis, c'est pourquoi je tenais à l'écrire ici, en n'espérant que cela n'ait pu être le cas, bien entendu ! C'est parole contre parole, et à l'analyse des dires des dirigeants français rien ne m'incline à croire ce qu'on m'a raconté : à mon tour d'interpréter le "bout touchant" si abondamment décrit, qui ne pouvait qu'être l'objet des islamistes. Seulement on m'a tellement menti sur un cas que je me permets de remettre l'autre en doute également. Tout en sachant pertinemment aussi que l'Aqmi a bel et bien revendiqué l'assassinat d'Antoine De Léocour. C'est mensonge contre mensonge, en fait, car Al-Qaida avait aussi revendiqué l'attentat de Karachi... que personne aujourd'hui n'oserait lui attribuer. L'Aqmi, comme l'armée française, ment sur cette histoire. Que penser de ces mensonges répétés, qui laissent place à toutes les interrogations, et même les pires suggestions : Pons décrit dans un journal très proche du pouvoir des choses qui n'ont pas pu être vues, et des paroles qui n'ont pas pu être entendues. Il le fait dans un seul but : disculper les militaires d'un carnage complet. A partir de là, s'il ment à ce point, pourquoi ne pas imaginer pire encore que ce qui nous a été dépeint ? Le mensonge que l'on a décidé d'utiliser en appelle obligatoirement d'autres, et jette la suspicion la plus complète sur l'ensemble de l'opération : on ne m'aurait pas autant menti, je n'aurais jamais imaginé un seul instant plus atroce scénario encore.
Car ces terribles mensonges, par leur caractère révoltant, peuvent en cacher de pires encore, pourquoi pas. L'histoire est jonchée de mensonges bien pires encore, pour sûr, depuis dix ans on le sait encore davantage aux Etats-Unis. Les propos tenus par le journaliste de Valeurs Actuelles sont de la propagande éhontée pour camoufler ce qui a été une action délibérée ne faisant aucun cas de la vie des otages : pourquoi être allé si loin dans le mensonge, pourquoi donc avoir autant enjolivé ce qui est bel et bien un échec patent de stratégie, que le Président Sarkozy a lui-même avoué aux familles "en en prenant la responsabilité" ? Pourquoi avoir présenté des versions aussi contradictoires des faits ? En réalité, le syndrome de l'Apache de Wikileaks est évident et a plombé les premières déclarations vite devenues contradictoires, les nigériens aussi ayant des choses à se reprocher : les deux partis se sont visiblement entendu sur ce qu'il y avait à divulguer et à ne pas dire. Il ne fallait pas que ça se sache, et c'est tout.
Au-delà du pire des scénarios évoqués, reste en effet maintenant les phrases des hommes politiques, empêtrés eux aussi dans leurs mensonges et leurs évidentes contradictions : entre celles de Juppé affirmant que "tout semble indiquer que les otages français ont été exécutés par leurs ravisseurs", et parlant de... prisonniers, dont on n'a toujours pas vu la couleur, et donnant comme explication que "nos hélicoptères ont été pris pour cible par les occupants du convoi, un des militaires a été blessé, nous avons donc riposté.." (la scène se passant, rappelons-le, en pleine nuit !), mais il y a également et surtout plus rave encore au sommet de l'état, celle du premier ministre, lors des vœux aux ambassadeurs (noté dans le compte-rendu de la "Revue de presse Défense" du 10 janvier dernier. Un premier ministre qui ce jour-là "a également fourni des détails sur l'opération conjointe menée avec le Niger alors que les ravisseurs fuyaient vers le Mali. Si certains complices "ont dû s'enfuir dans le désert", les ravisseurs ont été "neutralisés", a-t-il confirmé. Interrogé quant à savoir si ces derniers avaient été tués ou arrêtés, il a répondu : "Il y a les deux cas de figure." Or, les deux seuls prisonniers répertoriés s'avèreront être des militaires nigériens que l'on ira soigner au Val de Grâce, après un accord express passé avec l'armée nigérienne, des militaires dont le rôle à bord des véhicules des terroristes n'a toujours pas été clairement expliqué. Là également, il y a mensonge : pourquoi à partir de là devrais-je me satisfaire de la version donnée officiellement de la mort d'Antoine de Léocour ? Qu'on me la montre donc, cette fameuse vidéo versée au dossier ! Celle reprenant la thèse de Pons, ou celle montrant les vraies responsabilités.
Car ce sont bien des militaires nigériens qui ont été arrêtés par les français : "on en a aujourd'hui la certitude pour les deux blessés, dont l'un, touché au ventre, est toujours en soins intensifs à Niamey. Il reste pourtant des zones d'ombre : ainsi, les militaires français expliquent avoir tué un homme qui leur tirait dessus, puis découvrent sur lui des papiers de gendarme nigérien. L'explication, un peu embarrassée, est que les "mauvais" auraient pu dérober auparavant une partie de l'équipement de leurs prisonniers" précise Marianne. Sans beaucoup convaincre, avec ce chiffre sidérant de 4 terroristes pour 3 voitures qui rend la surveillance des prisonniers impossible. "Le sort des gendarmes nigériens va d'ailleurs donner lieu à un sérieux malentendu politique entre Niamey et Paris". Les trois autres gendarmes décédés étant vite enterrés, de manière à ne pas parler trop longtemps de leur rôle exact, sans nul doute. A l'analyse, la thèse des gendarmes enlevés résiste difficilement : en quoi des fuyards devaient-ils s'encombrer de prisonniers sans valeur (la solde d'un gendarme nigérien n'en fait pas un nabbab et son pays n'aurait sans doute jamais versé de rançon), la question reste posée. Sans compter que les infâmes terroristes savent occire deux français mais aucun nigérien, tués seulement par les tirs des français. Les nigériens proposant le lendemain de l'intervention une toute autre version des faits, disculpant totalement... ces mêmes français : "Les ravisseurs ont trouvé la mort à bord de leur véhicule. Selon les renseignements en ma possession, ils en étaient les seuls occupants au moment de l'accrochage. Donc l'exécution des otages, c'était bien avant l'accrochage" selon un "haut responsable militaire nigérien" cité par Reuters : les autorités ont-elles négocié ce langage tortueux contre la prise en charge française de leurs blessés ? Des otages tués avant l'intervention dont on aurait gardé les corps à bord des véhicules ? S'ils avaient été exécutés avant, pourquoi a-t-on découvert leurs corps près des véhicules, voire dans les véhicules ? Ça en tient pas la route deux secondes comme explication ! Qui a bien pu glisser ça comme explication dans la bouche d'un responsable nigérien ? En tout cas ; c'est clair : tout le monde ment, dans cette histoire, autant du côté français que nigérien, en plus de l'Aqmi !
En tout cas, aucun militaire nigérien n'ayant participé à l'assaut final, la chose est sûre et certaine désormais, seuls des soldats français (venus de Pau... la base mère du Tigre et des Cougar) ayant été blessés, les premiers "accrochés" nigériens étant rentrés bredouille à leur base avec leurs blessés, les deux soldats nigériens atteints étaient donc dans un des trois 4x4 dissimulés sous la fausse tente touareg, comme les deux autres otages français. Aucun des deux n'a été "abattu" pourtant par ces fameux fanatiques criant soi-disant comme des illuminés avant d'assassiner, selon un journaliste partial qui, visiblement, s'est trop emballé. Il seront même pris par les français pour des islamistes, et remis tels quels aux autorités nigériennes. Avec un couac sérieux à leur arrivée : "Il n'existe pas actuellement de terroristes actuellement auditionnés par nos services », affirme le ministre nigérien de l'Intérieur (Cissé Ousmane), je suis très affirmatif", précise RFI. "Nous avons reçu des autorités françaises en deux phases, 6 cadavres et deux blessés, dans la première phase le samedi 8 janvier à 17 heures, dont les deux otages français, plus dans une deuxième phase en l'occurrence dans la nuit du 8 au 9 janvier 4 corps, deux gendarmes nigériens et deux terroristes. Nous n'avons pas reçu de terroriste vivant par les autorités françaises", ajoute-t-il. Que penser alors de la phrase de Laurent Teissière, "qui avait affirmé, la semaine dernière, que ces hommes en uniforme nigérien n’étaient pas entravés et qu’ils avaient affronté les commandos français" ? Comme je vous l'ai déjà dit, "l'ancien secrétaire général d’Eurocopter de 2000 à 2004 s'est-il laissé entraîner par sa fougue en dénonçant ce qui logiquement devrait mener à un bel incident diplomatique ?"... quelle est donc cette version des faits, la première entendue de la bouche de responsables français avant qu'on ne la jette aux oubliettes d'un commun accord avec les autorités nigériennes plus qu'embarrassées ? Et combien de terroristes ont réussi à s'échapper et... comment (*) ?
Sur place, lors de l'assaut, il n'y avait donc que des français, a reconnu lui aussi le premier ministre français : "il a indiqué que seules les forces françaises, avec le feu vert de Bamako, avaient participé à l'ultime assaut, les ravisseurs ayant "dépassé la frontière malienne"." Mais il a aussi et surtout ajouté que "Les deux Français tués quelques heures après leur enlèvement, vendredi, à Niamey ont été "éliminés froidement" par leurs ravisseurs, a affirmé, lundi, François Fillon, précisant que l'ultime assaut avait été mené par les seules forces françaises en territoire malien". Aujourd'hui on peut affirmer que c'était donc un grossier mensonge, au minimum pour l'un des deux otages, et pas faute d'information ayant pu remonter jusqu'à François Fillon : quand au feu vert de Bamako, c'est oublier celui de Ouagadougou... qui a eu un rôle majeur dans ce fiasco, ce dont je vais vous parler demain si vous le voulez bien.
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