Les « Passeurs » : une espèce en voie de disparition ?
Dans un futur lointain, les émotions ont été éradiquées, les couleurs bannies et les souvenirs supprimés pour créer un monde idéal.
Seule une personne, « The Giver », a la lourde tâche de conserver les souvenirs du passé.
Jonas, un jeune homme comme les autres voit son destin bouleversé lorsqu’on lui demande de devenir le nouveau « Giver ». Il découvre le potentiel infini du monde qui l’entoure, mais il va très vite apprendre que repousser les limites a un prix.
Adaptation du roman de Lois Lowry, Le Passeur
Le Passeur (titre original : The Giver) est un roman de Lois Lowri paru en 1993 en Amérique et en 1994 en France. Ce roman est le premier d'une tétralogie qui comporte également L'élue (2001), Messager (2005) et Le Fils (2014). Le livre a pu être jugé inapproprié pour un jeune public ; en dépit de cela, il a reçu en 1994 la Newbery Medal et a été vendu à plus de 5,3 millions d'exemplaires. En Australie, au Canada, aux États-Unis, en France et en Belgique, il fait partie de nombreux programmes scolaires.
Mon avis sur le livre et sur le film
Le film est une adaptation assez fidèle de l'esprit du livre, mais n'a malheureusement pas eu le même succès, aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.
On a reproché au film de "manquer de suspense", comme si l'intérêt d'un film reposait désormais uniquement dans sa forme, en particulier les effets spéciaux et non dans son contenu, un contenu, il faut bien le dire de plus en plus pauvre.
L'un des signes les plus tangibles du basculement d'une civilisation est l'impossibilité de se penser elle-même, de concevoir ses propres limites et il est finalement assez accablant de se rendre compte qu'un très grand nombre de gens ne comprennent même pas ce dont parle ce film, pas plus qu'ils ne comprennent vraiment ce dont il est question dans le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, parce que finalement Le "Meilleur des Mondes" est devenu la norme et que "nous y sommes", comme nous sommes dans le monde conçu par les "sages", dans ce monde en noir et blanc, sans mémoire et sans épaisseur où le passeur survit, on ne sait par quel miracle, dans les marges, en sursis d'effacement.
Les "passeurs", ce sont les professeurs et les éducateurs. Pensons à l'affaiblissement de leur rôle dans la société actuelle, au mépris dans lequel ils sont tenus, à la quasi impossibilité d'exercer leur métier.
La disparition de l'enseignement du grec (c'est fait) et du latin (ce sera bientôt fait) dans le système d'enseignement français, l'appauvrissement de la langue (grammaire, vocabulaire, orthographe), la perte des repères culturels, l'effacement de la dimension métaphysique (notamment, comme le montre le film, du sens de la mort) l'appauvrissement de l'intériorité (la sensibilité, les sentiments, l'imagination, les émotions), l'uniformisation des comportements et des modes de vie sont quelques uns des nombreux symptômes de la prédominance d'un "homme nouveau" calibré, aseptisé, sans passé et sans mémoire, politiquement infantilisé, asservi à la technologie, gavé de drogues anxyogènes et passivement livré aux puissances anonymes de la consommation et du divertissement obligatoire.
"Qu'est-ce qu'aimer ? Qu'est-ce que créer ? Qu'est-ce que désirer ? Qu'est-ce qu'une étoile ? » Ainsi parlera le Dernier Homme, en clignant de l'œil. La terre alors sera devenue exiguë, on y verra sautiller le Dernier Homme qui rapetisse toute chose. Son engeance est aussi indestructible que celle du puceron ; le Dernier Homme est celui qui vivra le plus longtemps. "Nous avons inventé le bonheur", diront les Derniers Hommes en clignant de l'œil. (Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885) Œuvres, pp 334-335, Mille et Une pages , Flammarion)
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