les personnes handicapées parviendront-elles à être entendues dans la campagne politique de 2007 ?
« campagne électorale 2007 : les handicaps des Français handicapés »
« Ecologie », « sans-logis », « niveau de vie », « prisons », « Union Européenne », « revenus des foyers moyens », « (in)sécurité », « homoparentalité » : depuis décembre la campagne présidentielle se met en place avec - tous les dix jours - le sujet de fond qui décidera les électeurs .... mais qui passe tout de même aux oubliettes dix jours plus tard. D’ici le 22 avril doivent nécessairement passer sous les projecteurs la Défense, l’International, la valeur de l’euro, le chômage et la crise de dernière minute qui décidera du tout ...
Le handicap parviendrait-il encore à s’y caser ... ?
Les personnes handicapées entreront-elles dans le débat électoral de 2007 ?
Rien n’est moins sûr car les handicaps des personnes handicapées sont très lourds : leur cause ne va pas être simple à défendre ni à présenter au public.
1) Tout d’abord, en toute lucidité, il faut bien admettre que le système sanitaire [ et tout particulièrement le secteur hospitalier ainsi que celui de la rééducation, de l’adaptation et de la réadaptation ] et la protection sociale en France sont tellement performants qu’un urgentiste coopérant, un spécialiste humanitaire, un simple voyageur ou un observateur critique ne saurait objectivement s’en plaindre. Aujourd’hui, en France, chaque personne handicapée - quelques soient les causes de son handicap, ses revenus ou sa situation familiale - bénéficie de tous les soins possibles ainsi que d’aides sociales incomparables au regard de tout le reste du monde : Amérique du Nord, U.E. comme Europe de l’Est et bien entendu de tous les pays en voie de développement.
A priori — et bien qu’il soit infiniment complexe à unifier donc à présenter donc à défendre — quelque que soit le type de handicap dont 3 à 5 millions de Français peuvent souffrir : handicap psychique, mental ou comportemental (= 70% des cartes cotorep !) , handicap dit-associé avec tel autre : moteur ou sensoriel, handicap de la taille ou du poids, d’arthroses et de rhumatismes sévères, des poliomyélites qui ne sont pas si anciennes, invalidités graves dues à telle maladie ou au traumatisme, maladies du charbon, de l’amiante ou de la chimie lourde, maladies rares, congénitales et dégénératives, et aussi - pour certaines générations - conséquences ou accidents contraceptifs, cancers ou sida en phases critiques, naissances prématurées avant 25 semaines ou à moins de 280 grammes, grande vieillesse, dégénérescences cognitives et de la communication etc etc .... ) il est difficile de se plaindre et, à la comparaison statistique et froide, mieux vaut vivre en ce début de XXI° siècle en France que partout ailleurs !
2) Or, même si elles ne manquent ni de volonté ni de courage individuellement tout autant que collectivement, les personnes handicapées sont tenues de passer sous des fourches caudines qui les maintiennent dans des « systèmes à part » à commencer par leurs propres structures quoique celles-ci s’en défendent et veuillent s’en dédommager.
Ainsi les demandes et les revendications des personnes handicapées passent essentiellement et prioritairement par le canal d’un monopole du handicap. Autant que possible, chacun dans sa case ! Et chaque case attribuée à son handi-organisation spécifique !
Avec le temps, les énergies et les compétences, a émergé un "pouvoir associatif" à ce point mêlé aux affaires du handicap et expert dans la gestion d’établissements comme de services que ce "pouvoir" est devenu - pour les collectivités locales, comme pour les départements — le passage obligé et incontournable pour toute ouverture, instruction et défense de dossier social, scolaire, de formation, d’aides humaines, d’aides techniques ... concernant chaque particulier donc chaque famille. Une personne atteinte de sclérose en plaque sait où s’adresser, une autre souffrant de myopathie également ; et elles n’ont pas le choix. Les parents d’une personne handicapée mentale n’ont d’autre choix que de questionner telle fédération. On se chargera d’entraîner une personne de petite taille ou aveugle sur un parcours sans détour . Une famille dont l’enfant est trisomique n’a guère les facultés que de le confier à tel institut géré par telle association. Un blessé médullaire constituera ses dossiers avec les assistantes sociales de telle autre association ayant pignon sur rue. Un travailleur handicapé ne pourra pas bénéficier du circuit standard de création d’entreprise (via les ASSEDIC et les Chambres de Commerce) mais s’adressera d’abord à l’AGEFIPH[1]etc etc etc ... Assurément expertes de la gestion de services et d’établissements [ foyers d’enfants, écoles, instituts de formation, structures d’insertion, foyers d’adultes, entreprises adaptées, séjours de vacances ... et même centres de rééducation (Fondation Santé des Etudiants de France ou APF[2]) comme de recherche (cf le génocentre et l’I-Stem d’Evry ainsi que l’ONG Eurordis avec l’AFM[3] ] ce "pouvoir associatif" gère ainsi en co-financements la vie de centaines de milliers de personnes handicapées comme de salariés (du chercheur à l’éducateur spécialisé en passant par le chauffeurs, les aides ménagères, les cuisinières ....) et particulièrement de soignants au sens large ainsi que de tous les aidants au contact direct et quotidien avec la personne à des taux de 1 pour 5, de 1 pour 3, de 1 pour 1 voire de 5 pour 1 : 4 auxiliaires/jour pour 1 seule personne gravement handicapée + 1/nuit !
On rend un service bien entendu. Et de grand cœur ! Mais on porte également d’énormes responsabilités en terme d’emplois, d’immobilier, de fonctionnement, de provisions, de garanties, de secours .....
Les coûts inhérents deviennent monumentaux et ne proviennent guère que de l’Etat (CNAM via ses CPAM - Ministères via les DDASS) et des collectivités à commencer par les Départements (i.e. chaque Direction « Handicap » du Conseil général) quoique dorénavant renforcés par la nouvelle Caisse Nationale de Solidarité à l’Autonomie (CNSA) plus autonome mais à enveloppe fermée (d’environ 2 milliards d’euros issus du « lundi de Pentecôte ») qui parraine notamment la mise en place actuelle des « guichets uniques » - les fameuses « Maisons Départementales du Handicap »( MDPH) sous leur forme de GIP (Groupement d’Intérêt Public) supposé leur apporter une certaine autonomie.
Or, à trois générations du temps des fondations, le cordon ombilical de ce "pouvoir associatif" n’est pas toujours coupé. En toute bonne foi, et en honorant le travail et l’engagement de leurs salariés tout autant que de leur bénévoles, il faut savoir que diverses "vieilles dames" de ce "monopole du handicap" dont des modélisation s’appellent « Comité d’Entente » ou le « Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées » (CNCPH) s’évertuent à concilier leurs activités gestionnaires au même titre pensent-elles - mais au dépend parfois - de leurs missions revendicatives. Leur fonds de commerce parfois au détriment de certaines de leurs valeurs.
Dans le cadre de toute campagne électorale, il devient de plus en plus délicat pour ces gestionnaires d’adopter de réelles attitudes de revendication du fait même de ces rapports constants mais parfois confus avec les tutelles, du fait de négociations en cours sur d’autres sujets (mise en place des plans d’action ou de répartition départementaux, créations ou rénovations d’établissements, prix de journée, ouverture de crédits supplémentaires, création de postes, accès à des prestations spécifiques dans le cadre de la scolarisation, du passage des 60 ou des 65 ans, de l’accès aux vacances, de secours exceptionnels....) , du fait enfin des fonds concédés bien souvent à bras de fer ( l’enveloppe « social » constituant le plus souvent 63 à 68% des dépenses d‘un Conseil général ).
En somme, pour ménager la chèvre (des financeurs) et le chou (des adhérents et des militants), ces associations sont bien souvent contraintes à se positionner dans la gesticulation, la parade voire « l’assentiment réaliste ».
3) Ensuite faute de l’appui de certains professionnels.
En effet, le handicap se trouve être bien souvent à la frontière du sanitaire et du social. Or la Faculté et les médecins ne souhaitent ni ne peuvent franchir leur champ de compétence. Or les travailleurs sociaux ne peuvent guère quitter leurs sillons et labourer en terre inconnue voire en chasse gardée. Or les soignants du quotidien et tout particulièrement les infirmiers à domicile se sont figés, hélas, dans des débats très délicats au sein de syndicats dont la déontologie parfois fragile apparaissait trop mercantile.
Débats complexes qui ont ainsi opposés des syndicats infirmiers contre des associations au sujet du respect de la personne handicapée et du respect des autres assistants à la vie de la personne handicapée - les familles d’abord mais aussi les auxiliaires de vie par exemple ou les aidants familiaux. Au cœur du débat, se niche l’argent roi bien entendu. Un nouvel Ordre des Infirmiers vient à peine d’être voté (le 14.XII.2006) cependant ses décrets d’application seront longs à être négociés, formulés, promulgués, entendus, appliqués et respectés. Bref, l’entente cordiale et l’accord aimable entre la patientèle et ses soignants n’est pas encore à l’ordre du jour et le soutient mutuel n’est pas acquis.
4) Egalement faute d’alliés : quoique formant les bataillons lourds du handicap, les personnes très âgées devenant dépendantes - ainsi concernées au premier chef - ne se sont guère encore regroupées au sein d’associations ou de fédérations significatives i.e. d’envergure nationale.
Les médias ne nous exposent-ils pas que "tel cas individuel" de maltraitance, "telle plainte" d’une famille bien identifiée, "tel accident" dans "telle" maison de retraite ? Trop éclatées encore, ces représentants et défenseurs de nos aînés restent hélas peu audibles et peu considérés malgré la catastrophe de l’été 2003.
Quant aux « jeunes » associations - imaginées, pour faire court, depuis ces quinze dernières années - elles ont eu davantage le réflexe ou le soucis de se spécialiser (famille, enfance, recherche, emploi, vie à domicile, service local ou établissement de proximité ...) et donc se trouvent de fait appréciées par certains Ministères au gré de ce qu’ils s’échangent momentanément avec souplesse et vélocité mais se trouvent jalousées pour des raisons complexes — quoique parfois légitimes - par certaines associations généralistes lorsqu’elles décident de s’engager dans la vie publique nationale (par ex. le CDH[4] de Mr Parisot ou la Coordination[5] de Mr Nüss en ce qui concerne le handicap moteur).
4) Mais aussi, parce que les Français ne sont plus dupes des trente dernières années de gouvernance et des promesses de chaque candidat, des engagements de chaque parti, et des effet d’annonce de chaque gouvernement : la concurrence économique devenue mondiale est féroce, les comptes de la Sécurité Sociale sont dans le rouge, la dette nationale est abyssale et les fonds manquent alors que le chômage va s’amplifier et qu’en Europe la croissance ne sera pas au rendez-vous de 2008. Demain, non, on ne rasera pas gratis. Plus personne n’y croit. Couverte de dettes et sans garanties sur son avenir, la France doit se choisir ses priorités. Pourquoi lutte-t-on dorénavant contre le tabac sinon parce qu’il n’est plus rentable pour l’Etat : ses coûts (i.e. les accidents des fonctions sanguines et des voies respiratoires ainsi que les cancers induits) étant devenus supérieurs à ses entrées (i.e. les ressources et taxes sur le tabac) : soyons réalistes ! Les plans « hôpital 2007 » et dorénavant « hôpital 2012 » en sont une autre démonstration sur lesquels nous allons revenir.
Une seule descente de trottoir adaptée à un fauteuil roulant vaut environ deux mille euros. Hors moyens de transports, la simple accessibilité de la voirie et des établissements recevant du public coûtera au bas mot trente millions d’euros rien qu’aux communes : trouveront-elles cette somme d’ici 2015 ?
La vie n’a pas de prix .... mais voilà qu’elle a des coûts de plus en plus exorbitants et ingérables !
5) Enfin [ mais nous pourrions exposer mille autres handicaps au handicap comme celui des entreprises qui préfèrent continuer à payer des amendes à l’AGEFIPH[6] plutôt qu’embaucher des salariés handicapés .... ou des administrations qui financent des pensions plutôt que des salaires ....] ; enfin donc parce que depuis février 2005, une « Loi Handicap » vient d’être votée, que le Pouvoir s’en lave les mains (quod scripsi scripsi) bien que les interprétations divergent de financeur en financeur parfois du tout au tout et, bien évidemment, que le grand public s’imagine que tout est plutôt en train de se régler .... Et que seules des exceptions demeureraient plus ou moins comblées par l’amour des familles, la bienveillance du voisinage et les oeuvres publiques — type téléthon, virades de l’espoir, pyramides de chaussures, matchs de foot, concerts, bénévolat, dons et legs divers, opérations « pièces jaunes » ou « nez rouges » , quêtes de générosité sur la voie publique, kermesses ou lotos municipaux...
Pugnaces et combatifs, beaucoup des 3 à 5 millions de Français handicapés se trouvent ainsi ralentis sinon stoppés par un environnement négligeant, insouciant, désengagé, préoccupé d’autres urgences ... parfois invalidant lui-même.
TOUTEFOIS :
LES PERSONNES HANDICAPEES ONT ENCORE TOUTE LEUR RAISON D’ËTRE MIS SOUS LES PROJECTEURS pour cette campagne 2007 :
Ils attendent davantage que des promesses et des effets d’annonce de leurs candidats à la présidentielle comme aux législatives = notre second article
[1][1] L’Association Nationale de Gestion du Fonds pour l’insertion Professionnelle des Personnes Handicapées est issue de la Loi du 10 juillet 1987 sur l’emploi des personnes handicapées
[2][2] Association des paralysés de France (+ sites Internet) créée en 1933
[3][3] Association Française contre la Myopathie (+ sites Internet) créée en 1958
[4][4] Collectif des Démocrates Handicapés (+ sites Internet)
[5][5] Coordination Handicap et Autonomie (+ sites Internet)
[6][6] Association Nationale de Gestion du Fonds pour l’insertion Professionnelle des Personnes Handicapées
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